
confondus, qu’il fcroit bien difficile, quand même
‘ tu, . vivrions dans ces temps-là, de déterminer
précifément lequel de ces peuples a donné origine
aux Avares. Cependant plufieurs paflages de divers
hiftoriens concourent à prouver qu’ils étoient Huns.
Conftantin Porphyrogénète n’eft pas d’accord avec
*lui-même fur ce point, & je crois devoir faire
obferver ici une contrat!i<3 ion de cet auteur, qui
«ne paroît évidente. Après avoir dit que les Goths ,
les Gépides & les Vandales ne différaient entre eux
que par le nom, & avoient une même langue,
c’eft-à-dire, la fclavonne, il ajoute que toutes ces
nations^ s’étoient avancées jufqu’aa Danube du
tfemps d’Arcade & d’Honorius, que les Gépides
s’étoient arrêtés auprès du Sin g id um & de S i r -
mium ; & que de ces mêmes Gépides avoient
enfuite été féparés les Lombards & les Avares.
Un moment après, en parlant d’Attila , qui
eft connu de tout le monde pour le roi des
Huns, il l’appelle le roi des Avares. Si les Avares
étoient fortis des Goths ou des Gépides, en ne
pouvoir pas dire qu’Attila fut roi des Avares,
puifque ce prince etoit chef d’une nation qui eft
venue fondre fur les Goths, & a été leur fléau.
Ainfi, puifqu’Attila étoit roi des Avares, on doit
conclure que les Avares étoient des Huns, &
non pas.des Goths; & tout ce que l’on peut
dire pour juflifier le peu d’exa&itude de Conftantin
Porphyrogénète, eft que le refte des Huns,
vaincus par les Goths, étant'retourné dans la
Pannonie, s’y étoit mêlé avec les Hérules & les
Lombards , qui étoient des peuples- Vandaliques
ou Tudefques comme les Goths. Cette confufion
éft même une fuite naturelle de la vie errante &
paftoraie qu’ils menoient. Ainfi quoique les Avares
& les Huns fuffent dans' leur origine, très-diffé-
rens des Goths , dont ils avoient d’abord été
les ennemis, on peut dire, eu égard aux temps ,
dont je parle, que cette différence ne fubfiftoit !
plus, & que lorfque le réfidu de tous ces peuples
forma une même nation , qui commença de jouer
un rôle dans le monde fous le nom d’Avares , on
pou voit également rapporter leur origine aux Hérules
Lombards, peuples Vandaliques, venus des bords
de l’Oder , & aux Huns qui étoient defeendus
des rives feptentrionales du Tanaïs ; de forte que
ce n’étoit plus en- effet qu’une queftion de nom.
Conftantin Porphyrogénète, qui écriyoit dans
le dixième fiècle -, nous apprend que dès le
temps d’Héra-clius , quatre cens ans avant lui,
tous ces peuples avoient une même langue , c’eft-
ædire , la fclavonne. Il place les Servons au
nord & au midi des monts Carpates: au-delà de
ces montagnes, dans le pays où étoient autrefois
les Jazyges & les Baftarnes, il place les Ruffes,
defquels font defeendus les Mofcovires & les Po-
lonois ; il y met auffi les Chrobates non baptifés,
qui dévoient être le Syléfiens, les Boïens les
Bohémiens d’aujourd’hui. Il comprend toutes ces
natiôns fous le nom général, de Sclavons; en- J
forte que l’on peut inférer de la façon dont il
s explique, que le berceau de cette langue doit
avoir été au-delà des monts Carpates, dans cette
étendue de terre où font à préfent les Bohémiens ,
les Syléfiens, les Ruffes Polonois & les Ruffes Moscovites.
Il faut obferver en effet que la langue de
Bohème a encore aujourd’hui une affinité extrême
avec la fclavonne ; & cette langue, qu’on peut
conjecturer avoir été portée dans ce pays par les
incurflons des | peuples Celtes & des ’ V in d i ou
F m n i , qui s’y étoient arrêtés fous le nom de Baftarnes;
cette langue, dis-je, pouvoit avoir été
commune, ou tout au moins communiquée dans
la fuite aux nations gothiques ou vandaliques,
qui du feptentrion s’étoient avancées vers le midi
jufqu’aux monts Carpates* & de-là jufqu’au Danube.
JLes Alains & les Huns qui étoient venus
des régions orientales fe mêler avec les peuples
feptentrionaux, dévoient également avoir apporté
avec eux la meme langue, que l’on obferve avoir
été propre aux Scythes Sarmates ; de forte qu’en-
deçà des monts Carpates, dans les contrées où
étoient autrefois les Daces &les Gètes, où furent
enfuite les Goths mêlés avec les Alains, & après
eux les Huns , confondus depuis avec les Hérules
&les Lombards; dans ces pays, dis-je, où il ne
reftoit plus que Les débris de toutes les différentes
nations, n’en formant plus qu’une feule fous le
nom d’Avares, il eft naturel de penfer que la
langue de ces Avares ne pouvoit être que la
fclavonne : auffi Conftantin Porphyrogénète a-t-il
. dit que les Avares étoiertt Sclavons.
F^s H u n s employés p a r J u f lin I I , d a n s f o n e x p éd itio n
contre le s P e r fe s .
Outre les Huns établis dans les provinces qui
bordent le Danube, & connus depuis le temps de
Juftinien fous le nom d’Avares, il y avoit d’autres
Huns qui habitoient entre lè Boryfthène & le
Tanaïs, dans la Cherfonèfe Taurique & les pays,
qui font entre le Tanaïs, le Volga, la mer Noire &
la mer Cafpienne. Juftin fe fèrvit utilement de
ces derniers, & en tira des fecours dans la guerre
qu’il eut à foutenir contre les Perfes pour la défera
f® des Ibériens, dont le roi, appelé G y rg èn e ,
avoit imploré fa protection ; mais l’on doit obferver
que les Huns de la Cherfonèfe n’étoient pas les
mêmes que ceux d’Attila & les Avares, qui
doivent être rangés dans la claffe des Scythes
Sarmates ou Sclavons y c’étoient d’autres Huns,
du nombre des Scythes Tartares & Turcs, dont
je parlerai en détail dans la fuite.
Probus, l’un des généraux de l’empereur Juftin,
fur envoyé dans la Cherfonèfe Taurique pour négocier
avec les Huns ; il en obtint un fecours de
troupes, qu’il mena dans le pays des Lazyens, où
Gyrgène, roi des Ibériens, s’étoit réfugié, ne fe
fentant -pas affez fort pour réfifter à Cavade, roi
de Perfe, contre lequel il avoit réclamé la proffe£
ion de l’empereur. Les Lazyens habitoient
autrefois, fuivant le témoignage de Procope, dans
la Colchide, & obéiffoient aux Romains: ceux-ci
fe fervoient d’eux pour réprimer les inondations
des Huns dont je viens- de parler, qui defeen-
doienf par le Caucafe, & fe répandoient dans la
Lazyque & les terres de l’empire. Ils entretenoient
commerce avec les Romains du Pont, 8c leur
donnoient des pelleteries & des efclaves en échange
du bled & du vin qu’ils recevoient d’eux. Ces
deux articles font encore aujourd’hui les principaux.
objets du commerce de la Géorgie Turque, dont
l’ancienne Lazyque faifoit partie. Quand on avoit
paffé les limites de l’Ibérie, en venant du nord
au fud, on trou voit fur les terres des Lazyens deux
■ forts, defquels les Romains avoient toujours confie
ja garde aux gens du pays, qui vivoient dans une
extrême mifère ; ils fe contentoient du pain de
millet; leur territoire ne produifoitni bled, ni vin,
ni aucune autre denrée ; & l’on ne pouvoit y en apporter
que de fort loin fur le dos des hommes. Cette
façon de trarifporter les marchandifes à dos d’homme,
-s’eft confervée jufqu’à nos jours dans la Géorgie
Turque; & cela's’y pratique pendant tout l’hiver,
faifon où- les chemins font impraticables pour les
chevaux, les mulets. & les autres betes de charge.
L ’empereur Juftin ôta aux gens du pays la garde
des deux forts dont je viens de parler, & y mit
une garnifon romaine, a qui d’abord les Lazyens
portèrent des vivres ; mais ils s’en laffèrent bientôt,
la faim obligea les Romains d’abandonner ces
deux places. Ce fut là un des principaux motifs
qui déterminèrent Juftin a faifir le prétexte de la
défenfe de Gyrgène & des Ibériens pour déclarer
la guerre aux Perfes, qui prétendoient auffi que
les Romains contribuaffent pour leur moitié aux
frais de l’entretien des troupes employées pour
garder les Portes Cafpiennes, & defendre les terres
des deux empires contre l’invafton des Huns.
Depuis que les Romains, fous la conduite de
Pierre * furent vends dans la Lazyque pour fecourîr
Gyrgène , ra rd ’Ibérie , qui s’étoit retiré , les fol-
dats romains employés dans cette expédition y
relièrent & s’y établirent. Un nommé Jean Tzibes
perfuada à l’empereur de bâtir dans cette province
une ville qui fut nommée Pétrie, & d’ou ce Tzibes
vexoit les Lazyens par fes monopoles. Ceux-ci
recoururent à Chofroès, roi de Perfe ; 8c il paroît
vifiblemènt par leur harangue, que les Colches
& les Lazyens étoient un même peuple. Chofroès
faifit cette occafion pour envoyer des colonies
dans la Lazyque, fe défiant des Lazyens qui étoient
chrétiens, & ne pouvoient outre cela fe paffer
du commerce des Romains. Ce prince vouloit fe
ménager un paflage dans leur pays, pour avoir
entrée dans le Pont-Euxin, & pouvoir enfuite plus
commodément réduire les peuples de la Bithynie,
de la Galatie 8c de la Cappadoce. Les Lazyens
ont encore eonfervé leur nom, & ils font connus
aujourd’hui des Turcs fous celui de Lazes; leur
pays eft appelé le pays des Lazes, ou la province
de Trébizonde.
Pour fuivre le fil de l’hiftoire des Barbares, il
faut à préfent fe repréfenter un troifième tableau.
Il n’eft plus néceffaire de faire aucune attention
à la différente origine de, ces peuples , qui, dans
•les fiècles précédens, ont fait toutes les diverfes
incurfions dont j’ai parlé affez • en détail ; il ne faut
plus les.confidérer que comme des Sclavons, dont
les uns font payens & non baptifés, au-delà des
monts Crapaks, 8 c les autres font établis en-deçà
du Danube dans les pays que nous appelons aujourd’hui
la S e r v ie , la Croatie & la S c la v o n ie , &
y ont reçu les lumières de l’évangile. Tous ces
Sclavons feptentrionaux & méridionaux ayant la
même origine , ont auffi la même langue. Les
Bulgares n’ont rien de commun avec eux ; ce
font, comme je l’ai déjà dit, des Scythes venus
de la grande Bulgarie à travers le Pont-Euxin ,
pour s’établir dans un pays auquel, dès les premiers-
temps , d’autres peuples, Scythes comme eux ,
avoient déjà donné le nom de Scythie Fornique.
Depuis ce temps je les ai fait voir chrétiens ,
tranquilles & fournis aux Romains , fe révoltant
cependant quelquefois par zèle pour la religion.'
Ces Scythes, auxquels on a donné le nom de
Bulgares, ont finalement emprunté la langue
fclavonne des Sclavons feptentrionaux & méridionaux,
avec lefquels ils ont toujours commercé fans interruption.
Je l’ai déjà obfervé plus haut, & je tâcherai
de le prouver encore plus au long dans la fuite.'
Juftin II & Tibère furent principalement occupés
à la guerre de Perfe, & à celle qu’ils foutinrent
en Italie contre les Lombards unis aux Avares.
Il y a des preuves certaines que fous le règne
de Juftin II, les Avares commencèrent leurs aéfces
d’hoftilité contre les Romains. Les hiftoriens en
parlent de manière à faire entendre qu’ils paffèrent
alors le Danube pour la première fois. C’eft le
fentiment de Dodwel, appuyé fur le témoignage
d’Evagre. Ce dernier dit que ce prince, au commencement
de fon règne , appela Juftin fon
parent, qui étôit alors vers le Danube pour en
défendre le paffage aux Avares. Dodwel remarque
très-judicieufement qu’Evagre ne fauroit fe tromper
für un fait arrivé de fon temps, & lorfqu’il avoit
déjà' atteint Page viril, puifqu’il étoit né au commencement
du règne de Juftinien. Ménandre
même, cité par Conftantin Porphyrogénète, qui
a erré fur Fépoque de. la première apparition des
Avares ; Ménandre, dis-je, rapporte que l’am-
baffade envoyée par ces peuples à l’empereur Juftinien
, la trente-fixième année de fon règne, 563
de J. C., eut lieu à l’inftigation de Juftin, parent
de Juftin II , qui gardoit alors, comme je l’ai
déjà dit-, le paffage du Danube, avant que les
Avares fuffent en poffeffion de la Dalmatie. Il
paroît de-là manifeftement que l’an 31 du règne
de Juftinien , ces barbares n’étoient pas encore
connus à Conftantinople , 8 i n’ayoient encore