
allés déterminer les bornes de fon bafîin. Les diltances particulières données par Eratofthènes
peuvent être confidérées comme le réfultat des erreurs de ces divers peuples. C’eft
probablement lui qui aura arrangé ces diftances dans le cadre où celle du cap Sacrum
à Iffiis étoit fixée ; comme il aura difpofé, d’après l’Itinéraire d’Alexandre, les diftances
à’Mus aux portes Cafpiennes & à l 'Indus, fans rien changer à la pofition des bouches du
Gange qu’il trouvoit également fixées ou fur quelque carte, ou dans quelque ouvrage
qui a celle d’être connu. Car il eft remarquable que pas une des diftances intermédiaires
n’eft exaâe dans Eratofthènes, tandis que les grandes mefures font ou peuvent être
confidérées comme juftes. Il paroîtra, fans doute, impoflible de croire qu’en accumulant
& en combinant des erreurs, le hazard ait produit les vérités, fur-tout fi l’on fait attention
qu’ elles n’ont pu appartenir qu’à une Géographie aidée de tous les fecours de l’aftronomie.
Ces antiques connoiffances n’étoient pas bornées à l’intérieur du continent ; elles
embraffoient, fans doute, le globe entier ; &C nous allons en indiquer des traces fur les
côtes de l’Océan atlantique. Celles de l’Europe, au delà des colonnes d’Hercule, n’étoient
connues d’Ératofthènes que par les écrits de Pythéas, Cet homme né à Marfeille fe vantoit
d'avoir parcouru toutes les contrées maritimes de l’Europe , depuis le Tanaïs jufqu’à
Thuk, fous le cercle polaire. Entreprife inconcevable de la part d’ùn particulier qui paroît
avoir joui d’une fortune médiocre, dans un fiècle où les voyages étoient fi pénibles &
fi coûteux, que Po lybe, Dicéarque, Strabon & d’autres ont regardé le récit de Pythéas
comme une fable groflïère. Quoi qu’il en fo it, nous allons le fùivre dans fa marche pour
terminer l ’article d’Eraîofthènes qui adoptoit ce que Pythéas avoit écrit,
Pythéas,
Pour fe former d’abord une idée de la confiance que méritent les récits de Pythéas i
il faut remarquer qu’il affûtait avoir trouvé, à Marfeille & à Byfance, le jour du folftice
d’été le rapport de l’ombre au gnomon comme ja o eft à 42 moins un cinquième.
Cette proportion devoit donner pour la hauteur du foleil 190, 12', o".
Il faut y ajouter l’inclinaifon de l’écliptique, telle que la donne Eratofthènes
qui vivoit peu de temps après Pythéas..................... .................... • • 2 3 5 1 ' , 15",
Et;l’on mua pour la latitude de ces deux villes, . . . . . . . . . 1 . ■ 43° , 3 ', 1 5".
Suppofons pour un inftant que Pythéas fe foit fervi pour fes obfervations d’un gnomon
terminé en pointe, il devienda néceffaire d’ajouter 15 ' pour l’erreur que la pénombre
lui donnoit, & l’on aura, pour l ’obfervation corrigée 43°, 18', r 3". Il eft remarquable
que c’eft , à 30^ près, la vraie latitude de Marfeille, telle que la donne la connoijjana des
temps', mais aufli, il fe feroit trompé fur celle de Byfance, de 2®, 16', 51". O r , comme il
n’eft pas poffible d’accorder à un obfervateur autant d’adreffe & autant de maladreffe à la
fo is , on doit regarder comme certain, que Pythéas n’a jamais obfervé ni l’une ni l’autre de
çes latitudes ; qu’il a trouyé la première dans quelque ancien ouvrage qu’il aura mutilé
pouf’
■ pour forger fon roman, & qu’il ne concluoit la fécondé que- d’apres l’opinion des navigateurs
de fon fiècle. C eu x - c i, croyant l’Hélefpont, la Propontide &c le Boiphore fous un meme
méridien, imaginoient faire route dans une direction fud-nord depuis la Troade ; & ,
donnant ainfi toutes entières, à la latitude, des diftances, qui en très-grande-partie, fuivent une
direftion oppofée, ils en concluoient la hauteur de Byfance beaucoup plus feptentrionale
qu’plie ,ne l’eft, réellement. _
Pythéas favoit qu’après le cap Sacrum, de. l’Ibérie , la côte remontoit au nord , mais
jl ne paroît pas -avoir connu le golfe de Gafcogne ,, compris entre le cap Ortegal ôc
celui d’Oueffant; c’eft du moins.ce qui femble réfulter du reproche que Polybe faifoità
Eratofthènes, d’avoir, avancé que les Celtes ou Gaulois habitaient tout autour de 1 Ibérie jufqu’à,
la hauteur de Gadès. Il croyort d’ailleurs que le promontoire Calfuum, du. pays des
Ofti-damniens, qui eft le cap d’Oueffant afluel, s’avancoit plus à l’oueft que le promontoire
Sacrum : que, des. îles-, dont la principale fe nommoit. Uxifima,- étaient encore fituées au-
delà., à trois journées de navigation du continent. 11 continuoit enfuite la,côte jufquau
Rhin & de là jufqu’en Scythie. A trois journées, de la Scythie il plaçoit l’ile Bafiha , à
laquelle il donnoit une -très-grande étendue, & que Pline dit- être la même que celle
nommée Baltia par Xénoplion de Lampfaque. Vis-à-vis cette coter, Pythéas- mettait,les îles
Brytanniques, dont la plus grande, nommée Albionr a v o it, félon lut,, 30,600 ftades de
circuit.
Quand Pythéas. difoit que la Bretagne devoit. être plus-au nord que le, parallèle où le
plus long jour eft de 19 heures, il ne pouvoit parler que de la partie feptentrionale; car
ce parallèle eft au foixante-unième degré de latitude ou à 42,700 ftades de 1 équateur,
& c’eft à pçu près la hauteur-où l’extrémité,de la Bretagne parvient.-
Enfin venoit Thuk, terme de la prétendue navigation de Pythéas, à 46,300 ftades de
l’équateur,.qui répondent à 66°, 8', 34" d e latitude. Il difoit y avoir remarqué que le
tropique d’été y fervoit de cercle arctique, c’eft-à-dire, q u e fa partie méridionale ne faifoit
que toucher l’horizon, fans jamais s’y plonger. Jufque là tout alloit bien; il paroiffoit
être parvenu.au cercle polaire, où le tropique en effet eft toujours vifible, & .il M o it fe
perfuader que Pythéas avoit atteint l’Hlande, ou la Laponie ; car il ne decidott pas fi Thuk
étoit une île , ou fi elle appartenoit au continent.
- Mais toute efpèce de confiance s’évanouit lorfqu’il ajoute que les jours y durent fix
mois fans interruption, & les nuits autant ; & il fait affez connoître qu il n a jamais été
dans ces contrées, où le plus long jour ne peut être que de 24h- lorfque le,foleil eft parvenu
au point le plus boréal de l’écliptique : la plus légère idée de la fphère lui eût fait voir que
les jours de fix mois nappartenoient qu’au pôle, que la moitié de l’écliptique y paroiffoit
toujours au-deffous de l’horifon, & que le tropique, loin de le toucher en un point, en était
également éloigné dans toute fon étendue, & ne ceffoit jamais de lui etre parallèle. Un
fimple raifonnement lui eût encore démontré fon erreur; car, après-avoir dit que dans le
nord de la Bretagne le plus long jour étoit de 1 ç h-, il n’auroit pas ajouté qu à fix journées de
navigation au-deflùs, les jours étoient de fix mois, s’il avoit réfléchi.que lefpace quil
Géographie ancienne. Tome J I I . L 1U