
i i 4 S I C
Ce temple étoit d’ordre dorique des premiers
temps ( i) .
Cet édifice a voit trente-quatre pieds de haut,
cent vingt-fix pieds de long, & cinquarite-un pieds
quatre pouces de large, rnefure de dehors des
colonnes. Il étoit pêriptère exajlyk, c’eft-à-dire,
environné de colonnes, dont fix a chaque- façade
de devant & de derrière. L’exécution de cet édifice
eft d'une perfeéfion étonnante pour "l’appareil des
pierres. Il y a beaucoup d’endroits ou les pierres
font fi parfaitement jointes, que.l’on ne peut distinguer
où fe fait leur jonétion (2).
Ce temple avoit été bâti par les habitans de
Lilybée, ou plutôt à leurs frais, en vertu d’un
traité quiterminoit la guerre avec les Agrigentins:
ce fut de-là que lui vint le nom de temple de la
Concorde. On le voit par une infeription confervee
à Girgenti (3).
< ÎO N C O R D IA E A G R IG E N T IN O R U M
S A C R U M
R E S P B U L I C A L I L Y B I T A N O R U M
D E D I C A N T I B U S
M. A T T É R IO . C A N D ID O . PROCOS. E T
L, C O R N E L I O M A R C E L L O
Q . PR. PR.
Ce temple ri’étoit éloigné que de 4|pt quatre-
vingt-dix toifes de, celui de Junon. Il eft bâti fur
le même rocher, & n’eft diftant que de fix toifes du
bord où ce rocher, taillé à pic, forme, au fud,
un précipice très-élevé. Ce bord étoit défendu par
un mur de parapet, taillé en grande partie dans
cettè même roche.*]
A environ cent toifes vers l’oueft , étoit une
grotte fépûlcrale, remplie- d’un grand nombre de
fàreophages. Son ouverture eft au nord,; elle a
une ouverture à la partie la plus élevée de la
vouffure. Elle communique à plufieurs autres.
Affez loin, .de ce même coté , étoit le temple
d’Hercule, dont il ne refte prefque rien. Il devoit
avôir cent quatre-vingt - neuf pieds de long, &
quatre-yingt-trois de large.
JJSj B. La pierre dont on a confirait les temples
d’Agrigente > a été prife dans le fein même dé la
ville: elle n’eft pas très-compafte ; elle eft compofêe
d’un fable grômérement agrégé, mais qui ne laiffe
pas d’avoir de là dureté. Les- acides^ de 1 atmo-
fphère attaquent cette pierre & la décomposent ;
c’eft pourquoi il étoit d’ufage, quand les édifices
étoient achevés, de la couvrir d’un enduit, ou >
plutôt d’un ftuc parfaitement blanc, qui fervoit :
à- la conferver, en la préfervant de raélion de
l’air • ce qui donnoit à ces édifices un fini précieux
d’exécution, & un éclat qui deyoit les rendre admirables.
(1) Il ëft affez bien confervé, fur-tout à l’extérieur.
M. Hoüel en a donné une vue générale (tome iv,page 24).
M. Swinburn , dans le fécond volume de fon Tràvels
in toi» Sicilles, page 28-4, le montre en petit dans la
planche qui repréfente la vue générale d’Agrigente. Ce
temple y figure avantageufement , & fait un très-joli
effet. On voit dans le-lointain, fur la droite , les refies
du temple de Junon.
: (2.) il n’y a , entre les pierres de ces colonnes,
ni plomb , ni mortier -, mais feulement un morceau de
bois q u i, formant un axe , paffe de 1 une à 1 autre,
mais fans traverser entièrement chaque tambour , c eft-
à-dire, chaque pierre’ de la colonne.
( 3 ) Quant à l’époque où ce temple fut conftruit,
voyez la note de M. Swinburn, tome I I , psjj>6 283 ,
the reafon gijfen, 6*c. '
Auprès de ce temple à l’oueft, étoit un chemi*
creufé dans la roche. Là, il y avoit une porte de
la v ille, appelée Porta Aurea, par laquelle on pouvoir
aller au tombeau de Théron. Ce chemin,
qui étoit fort large, conduifoit au port.
En quittant donc aûuellement ces débris,,. & e*
paffant par le chemin creufé dans la roche, on
trouve, aprèsrané centaine de pas, dans une grande
prairie , qui fut un fauxbourg d’Agrigente, à l’eft ,
le temple d’Efculape , dont il ne refte que des
ruines ; & à l’oueft, mais un peu plus dans le nord ,
le tombeau, de Tliêron.
Ce tombeau eft, de tous les- édifices de l’ancienne
Agrigente , celui qui s’eft le mieux conferve, apres
le'temple de la Concorde; cependant il n’eft pas
tout entier. Théron. fut le fécond tyran d’Agrigente
, où il ufurpa l'autorité, un peu plus^d’un
fiècle après la mort de Phalaris.; il fut eftime par
fa fageffe & fa juftice. *
Le tombeau de Théron n’eft pas actuellement
entier; mais ce qu’il en refte, peut nous donner
une idée de fon architecture. C’étoit un ouvrage
de fantaifie, dit M. Hoüel : « il nous apprend,
„ ajoute-il, que l’idée de décorer un édifice avec
jj des colonnes pofées fur un foubaffement, eft très-
jj ancienne n. . . .
Une des croifées de ce petit édifice a trois pieds
de large par en bas, oc feulement deux pieds,
fept pouces par en haut. Cette croifèe .n’eft pas
une véritable fenêtre : elle n’eft que fculptée fur le
mur ; e’eft ce que l’on appelle une croifée feinte.
Une autre fingularité qu’elle a encore, c’eft qu’on
y a tracé en bas-relief les montans Sc ies traverfes
qui, fi la fenêtre eût été véritable, euffent contenu
ces carreaux de marbre , de talc ou d’albâtre^
qui, chez les anciens, tenoient lieu de nos
vitres! Les colonnes placées fur l’angle & engagées
dans le mur, font un bon effet. Le chapiteau
ionique de ces colonnes eft fiirmonté d’un entablement
dorique.
L’intérieur de ce tombeau n’offre rien de remarquable.
Il paraît qu’il y avoit deux planchers qt»
formoient deux étages au-deffus du rez-de-chauflee»
L’entrée eft à la face orientale.
Cet intérieur eft tout délabré. Diodore rapporte
qu’il a été fendu d’un coup de foi^lre. On prétend
que le tonnerre frappa ce tombeau au moment où
alloit être démoli par l’ordre d’Amilcar, qui,
pour combler les foffés d’Agrigente qu’il affiégeoit,
avoit ordonné d’abattre beaucoup d’édifices, &
fur-tout des tombeaux. La foudre, en tombant ,
effraya les foldats & les difperfa. Ils crurent ce
tombeau protégé par quelque, dieu, & l’épargnèrent.
A ,1’bueft de la Porta Orea & tout'auprès, étoit
le temple de Jupiter Olympien, le plus grand de •
tous les temples de la Sicile. Cet édifice, dont le
plan fut fi grandement conçu, ne fut jamais achevé ;.
lès guerres dey Agrigentins & des Carthaginois en
furent la çaufe. R refta long-temps dans cet état
d’imperfeélion , j>uis la voûte s’écroula & entraîna
prefque tout l’édifice, à l’exception d’une portion
de fes murs, de trois colonnes, de leur entablement
& d’une partie de la voûte. Ces reftes fub-
fiftèrent jufqu’au 9 novembre 1401, qu’un tremblement
de terre fit tomber les chapiteaux, & l’en-
tfablement qui les furmontoit.
N. B. Cette raine préfente une maffe fi impor
t e par la gtoffeur de fes colonnes, qu’elle
excita toujours la plus grande admiration , & qu’elle
donna, de cet édifice , une Idée fi avantageufe ,
que l’on appela ces colonnes les piliers des géans..;
elle eft telle que les colonnes d’aucun temple ,
foit de la Sicile, foit peut-être-d’ailleurs, ne
peuvent leur être comparées. Enfin, les Agrigentins,
pour exprimer la vénération que ces colonnes leur
infpiroient.,, en ont fait les armes de leur ville..
Si nous en croyo'ns Diodore de Sicile* ce temple
.de Jupiter Olympien avoit de longueur trois cens
quarante pieds, & âu moins' cent vingt de largeur ;
mais M. Hoüel en a trouvé cent quarante-neuf.
Chaque colonne a treize pieds de diamètre à fa
bafe, & il y en avoit'fix à chaque face, & quatorze
aux façades latérales. Il devoit avoir quatre-vingt-
quinze pieds de hauteur..
On fait qu’il y avoit auffi à Agrigente un temple
de Yulcain ; mais on n’eft pas d’accord fur l’emplacement
qu’il occupoit. M. Hoüel croit en avoir
trouvé les ruines, à environ cent toifes du temple
de Jupiter Olympien , dans un lieu fermé d’une
haie. On dit auffi que les Agrigentins avoient
élevé un" temple à la Pudeur. On voit, encore
des raines de celui de Caftor & Pollux.
Au pied de la colline furlaquelle étoit. ce temple,
on voit encore où étoit ce fameux étang, qui
avoit environ un mille de circonférence, & vingt
coudées de profondeur. Il avoit été creufé de
, mains d’hommes. Les Agrigentins y confervoient
une très-grande quantité dé poifîons délicats qu’ils
deftinoient à leurs tables.
N. B. Le fleuve Agragas, dont les eaux entretiennent
cet étang ,5 en a depuis entraîné les pierres,
& l’a détruit.
Je dois faire remarquer, üft bel ouvrage de#
anciens Agrigentins ç & qui donne une idée de
l’intelligence que les anciens mettoient- dans les
moyens de pourvoir à leurs befoins. .
Affez près du local où étoit un ancien vivier ,
on trouve des fouterreins creufés dans la montagne
en différens-endroits. Il y e n a qui font
tellement étroits, qu’il n’y peut paffer qu’un feul
homme à la fois. Ils s’étendent très-loin dans la
terre & dans la roche. Us ont toutes fortes de dl-
reâions. Il y en a plufieurs fur les rives de VA*
gragas, en remontant ce fleuve, au-deffous d’Agri-
gentum in Çamico, & notamment au-deffous du heu.
où fiit la fortereffe de Cocale à l’oueft.
« Cette efpèce de fouterrein, dit M. Hoüel,,
ne doit pas fe confondre avec les égouts & les-
cloaques que les Agrigentins avoient fort multipliés-
dans leur ville & dans leurs terres, pour n’être
pas incommodés des eaux fales que ces égouts*
conduifoient au fleuve- Ces fouterreins ont une:
autre origine. II. paraît que ces aqueducs, ces.
efpèces.de fentes dans les montagnes, avoient été
creufés exprès , pour que les nuages & l’humidité :
de l’atmôfphère, en fe réfolvant en eau, arri—
vaffent dans ces cavités ,. & ne fe perdiffent pas „
égarés dans le fein de la roche. Ces eaux , coulant
vers l’embouchure de ces fouterreins.,, y formoient:
des fontaines’, foiblesmais permanentes. Quelques-
unes même, par ^abondance d'eau qu’elles donnent :
en tout temps, paroiffent une efpèce de prodige »,
Les environs de Girgenti. font remplis de reftes >
de monumens , mais dont le détail n’eft . pas d$..
mon objet..
jyiais je dois dire un mot des égouts.
Pour donner à là ville d’Agrigente une propreté-,
qui répondît à la beauté de les édifices, & procurât
la propreté néceffaire à. une grande ville
on avoit pratiqué au fond des grandes vallées 6i
des endroits où le terrein s’abaiffoit uniformément
des conduits fouterreins pour l’épanchement; de*
eaux pluviales & des autres eaux. Tous les rameaux,
des ruiflhaux de toutes les rues aboutiftbient à.-.ces.
petits égouts , qui fè rendoient au grand, lequel
fe déchargeoit dans le fleuve, qui portoit le tout.
à la mer.
On y voit auffi de ces foffes antiques , très-
connues dans toute la Sicile. On les employoit .
fur-tout à conferver des grains, des légumes , des
fruits, de l’huile, du vin. Elles étoient ordinairement
taillées en voûtes, • & les parois enduits d’un
ciment très-dur, ne permettoient pas aux liqueurs,
de pénétrer au dehors.
Je renvoie à l’ouvrage de M. Hoüel pour y
prendre une idée d’un très-grand nombre de morceaux
d’antiquité, tel que farcophages , vafes ,&c>.
6c un nombre infini de morceaux d’architeiftùte^
que frori trouve femés fur terre au hafard, ou,
quelquefois réunis pour figurer des murailles qui;
protègent les propriétés territoriales,' .On en a fait s
en quelques endroits, des fimulacres ci’édifices s ,eü;