
470 V Â D
néceflaire, cette ville de Bayeux ne peut être la
ville d'Arigenus.
II. La Ville d'Arigenus de Ptolemée , ou Aroe-
genue, fuivant la table, ne pouvant etre placée a
Bayeux , il faut, pour l’éciairciffement de la géographie
, rechercher quel pouvoit être le nom de
cette ancienne ville de Bayeux, capitale de peuple
fous l’empire Romain , & où l’on découvre encore
des veftiges de fon enceinte bâtie du temps des
Romains. On reconnoît aujourd’hui que les peuples
Bajocaffes ont été défxgnés par Pline, fous le
nom de Bodiocajfes, de Bodicajfes, ou de Vadiocajfes
, fuivant les variantes des manufcrits,
ou de Vadicajfes, fuivant la plupart des imprimés
de cet auteur. En effet, Pline place ces peuples
entre les Viducajfes, la cité de Vieux, & les Vtndti,
ou les Undll, peuples du Cotentin ; & cet ordre
eft conforme à la fituation refpeftive & réelle de
ces trois peuples. Ptolemee a placé dans la Ly on—
rioife , comme Pline , les peuples Vadicajfes , dont
la capitale étoit Naomagus. Si ces peuples font les
mêmes que ceux de Pline, le nom de la ville de
Bayeux , qui, d’ailleurs, n’eft pas connu, fera
Nezoaiagus. Ce point, qui ell interelîânt , mérité
d’être examiné.
Tous les manufcrits & les imprimés de Ptolemée
donnent cette leçon : 0 uccJ'ixewff'io/, kcli
oroKts Noto'pteeyoc.
Il n’en eft pas de même de Pline: on trouve
des variantes , foit dans les manufcrits, foit dans
les imprimés ; les variantes des manufcrits connus
fe réduifent à trois, favoir : Bodiocajfes, Bodicajfes
& Vadiocajfes.
La leçon Bodiocajfes fe trouve dans les plus,
anciens manufcrits ; dans ftx manufcrits de la bibliothèque
du ro i, un du IXe fiecle , un du XII ,
un du x n i' , & trois du XIV' ; dans cinq manufcrits
de la bibliothèque du Vatican, dont le
plus ancien eft du IX' ou X' fiecle , les autres
font du XIVe ou du XVe ; dans un manuf-
crit de la bibliothèque impériale de Vienne, du
commencement du x n ' fiecle ; dans le manuferit
de Beflarion, à la bibliothèque de Saint-Marc, à
Venife, du XVe fiècle ; dans le manuferit de la
bibliothèque du collège de Baliol, à Oxford, en
beaux caraâères & anciens ; & dans le manuferit
de la bibliothèque Bodléienne de la même ville.
La leçon Bodicajfes fe trouve dans quatre manufcrits
de la bibliothèque du roi, dont un du
XIV' fiècle & les trois autres du XV' ; dans fept
manufcrits de la bibliothèque du Vatican, & dans
feize manufcrits qu’avoit confultés Publius - Au-
guftus Graziani, dans les années 1518 , 1519 &
1520.; fuivant une note qu’on a bien voulu communiquer
de la même bibliothèque.
La leçon VadicaJJcs ne s’eft trouvée jufqu’à pré-
fen t, que dans le leul manuferit de ChifHet, qui
fut communiqué à Jacques Dalechamps > & dont
il e f t Ëùt mention dans les éditions.
V A D
Quant aux imprimés, les variantes de Pline fe
réduifent à trois, favoir : Bodicajfes, Vadicajfes ‘8c
Bodiocajfes, fuivant plus de quarante éditions de
Pline. '
La leçon Bodicajfes fe trouve dans les plus an»
demies éditions, qui tiennent lieu de manuferit ;
dans l’édition de Venife, la première de toutes,
de l’an 1469; dans celle de 1470; dans une
autre de Venife en 1472, chez Nicolas Jenfon ;
dans celle de 1476; dans une autre en italien , de
la même année. Dans les éditions de Trévife,
de l’an 1479; dans deux de Parme de l’an 1480
& 1481 ; dans celle de Venife de 1483 , par les
foins de Reynal de Novimago ; dans une autre
de 1495 ; dans celle de Verceil de 1^,03 , &
dans l’édition de Paris de 15 16 ; dans une très-
ancienne édition de Bodélienne, fans date ni lieit
d’impreffion , & dont les initiales font enluminées.
La leçon Vadicajfes fe voit dans l’édition de
Venife de 1497, chez Benaliüs ; dans l’édition
d’Hagnenau de 15 18; de Paris , 13 24 ; dans
celle de Cologne de la même année, par les
foins de Jean Ctejarius ; dans l’édition de Paris de
1526;«- dans deux éditions de Paris de l’an *532 ;
l’une chez Jean Petit, par Pierre Bellocinias,
l’autre d’après Hermolaiis, chez Galliot du Pré,
& dans toutes les éditions poftérieures, au nombre
de vingt, données d’après différens auteurs, Her-
molaüs Barbarus , Erafme, Jean Nicolas Vi&o-
rius , Sigifmond Gélenius, avec les variantes de
Turnèbe, de Jofeph Scaliger & deLipfe, d’après
Dalechamps , & dans les éditions des Variorum.
La leçon Bodiocajfes ne fe trouve que dans les
éditions du P. Hardouin des 1685 & 1723.
D’après ce détail, on voit que la leçon Bodiocajfes
fe trouve dans les plus anciens manufcrits,
que la variante Bodicajfes fe voit dans le plus
grand nombre de manufcrits ; que la leçon Vadiocajfes
ne fe trouve que dans un feul manuferit,
& que la leçon Vadicajfes, qui ne fe trouve dans
aucun manuferit connu, a été employée pendant
près de deux fiècles d’après Hermolaiis Barbarus
& d’autres fa vans, dont quelques-uns difent, à
la tête de leur édition, avoir confulté des manufcrits
, & n’ont mis aucune variante fur ce mot.
Il eft difficile de prononcer fur ces différentes
variantes quelle eft la meilleure ; on peut croire
néanmoins que c’eft la leçon qui approche le plus
de Bàjocajfes , 8c conféquemment que c’en la
leçon de Chiffiet. En effet, Vadiocajfes ou Badio-
cajfes, qui eft le même chofe, eft le même nom
que Bajocajfes, à la différence du d , qui fe trouve
fupprimé dès le quatrième fiècle. Sidonius Apollinaire
(L. iv f epifi. 18) , évêque de la cité d’Auvergne
én 472, c’cft à-dire, de Clermont, mort en 482,
appelle preedia Bajocajjina, des terres fituées dans
la cité de Bayeux; & Aufone ( Auf. Prof.num. 4 ),
mort vers 392 , appeloit les habitans de'cette
cité Bajocajfes : le même nom a été employé par
Grégoire de Tours, & on lit Ba io c a s fur les,
V A D
monnoles dès fois de France de la première
ra De toutes ces variantes de Pline, celle qui.
approche le,plus de Vadicajfes ou Badicajfts de
Ptolemée , eft la leçon Bodicajfes , qui fe trouve
dans le plus grand nombre de manufcrits , 8c dans
les plus anciennes éditions ; la feule différence êft
la première fyllabe B a , qui fe voit dans les manufcrits
de Cnifflet. 11 y a moins de différence
entre les Badicajfes de Ptolemée & les Bodicajfes
de Pline,, qu’il n’y en a entre les ■ Bodicajfés 8c
entre les Bodiocajfes 8ç les Vadiocajfes du même
auteur. C’.eft pourquoi les favans éditeurs de Pline
n’ont pas fait difficulté d’adopter, d’après Her-
molaüs Barbarus, la leçon Vadicajfes , comme on
l’a montré ci-deft'us. H 'y a plus, les favans Ont
regardé les peuples nommés par Pline & par Ptolemée
, comme ne faifant qu’un feul 8c même
peuple. Je range dans cette claffe Ortélius, Paul
Merula, Bertius dans fon édition de Ptolemée ;
Adrien de Valois, Cellarius, & le P. Hardouin.
Celui-ci, dans une de fes notes fur Pline, dit :
Bodiocajfes, Ptolemceo Ova.S'iKci<r<rioi.
On ne peut dire que tous ces favans ont été
trompés par Hermolaiis Barbarus , qui auroit interpolé
le texte de Pline.
i°. Plufieurs éditeurs n’ont point fuivi Hermolaiis
Barbares, 8c ils ont travaillé fur leur propre
compte. On lit dans l’édition de Cologne de 1324,
que Jean Cæfarius avoit fait plufieurs notes &
corrections au texe de Pline : quant operam eidem
Joanni Ccefario , omnes bonarum litterarum jhidiojî
vetujlos codices. Jean-Nicolas ViCtorius, dans l’édition
de Lyon de 1561, dit l’avoir rédigée, partim
è vetujlijfimorum codicum collât ionc ; ainfi ces favans
n’aurônt pas tiré la leçon Vadicajfes d’Her-
- molaüs Barbarus.
20. Quand même ils l’auroient prife d’Hermo-
laüs, on né peut pas dire que ce favant ait interpolé
le texte de Pline ; il mourut en 1403 :
8c dans l’édition de 1495 , que M. Capperonier
a communiquée avec les variantes des manufcrits
de la bibliothèque du roi fur ces mots du i v e Liv.
Induàajfes , Bodicajfes, on lit cette note d’Hermo-
laüs : Ptohnuzus Viducajfes 8c Vadicajfes, fans citer
d’autres autorités. On voit que dans cette édition,
faite après la mort d’Hermolaiis , le texte de Pline
n’étoit pas changé , qu’Hermolaüs n’ÿ avoit rien
inféré , & , conféquemmeut, qu’il h’avoit point
interpolé: il avoit feulement expliqué le texte de
Pline, par le texte de Ptolemée. Au lieii de la
leçon Iriducajfes des anciennes éditions, il pro-
pofoit de lire Viducajfes , ' la vraie leçon , qui eft
confirmée par de très-anciens manufcrits, & qui
l’a été; invinciblement depuis par le marbre de
Thorigny.
Quant à la fécondé leçon qu’il propofe , Vadi-
‘cafés, on ne la trouve point exactement dans
'auchn manuferit de Pline qui nous foit connu ;
inais elle fe Voit ,* à la différence d’une feule lettre,
v a d 4 7 I
dans la plupart des manufcrits de cet aüteùr ; &
cette leçon a paru fi fondée, qu’elle a été donnée
ou fui vie par plufieurs éditeurs-célèbres, & par
des favans diftingués.
30. Hermolaiis Barbarus ne doit fp&s' être cort-
fidéré comme un fimple littérateur', ; ou comme
un critique ordinaire : c’étôit un favant du premier
ordre, d’une ancienne famille patricienne de V e nife
; il a mérité les éloges des plus grands hommes
de fon temps : il favoit le grec parfaitement ; il a
donné une paraphrafe fur Ariftote, une traduction
de Diofcoride 'avec des notes. Outre fon travail
fur Pline , que l’on a regardé comme un ouvrage
immenfe , immenji propè laboris opus (Petr. Bemb.
hijl. Ven. L. 1 j , il a publié un ouvrage fur la
manière d’écrire l’hiftoire, de confcribendâ hijloriâ ,
& des corrections fur Mêla. Il a laiffé d’autres
ouvrages. Le cardinal Pierre Bembo le repréfente
comme un homme auffi vertueux que favant :
Doftiffimum prceflantiffimumque omnibus - indifeiplinis
virùm , fanftijfimumque hominem. Son mérite étoit fi
.reconnu, que, pendant qu’il étoit ambaffadeur de
Venife a Rome, le pape le nomma patriarche
d’Aquilée. Hermolaiis accepta le patriarchat, fans
avoir obtenu le confentemént duLénat de Venife ;
& fe voyant menacé par le confeil des dix, que
fon père ne put fléchir, il refta à Rome, où il
mourut le 21 mai de l’an 1493, dans la trenté-
neuvième année de fon âge, .prefque abandonné
de tout le monde. Pierius Valerianus, qui a com-
pofé un petit ouvrage de litteratorum infelicitate, fait
mention honorable de l'infortuné Hermolaiis. Ce
favant homme, dans environ cinq mille corrections
qu’il avoit prôpofées fur Pline, a bien pu fe
tromper quelquefois ; mais on a vu que celles dont
il s’agit, font fondées fur lés variantes même des
manufcrits de Pline, 8c fur l’aveu d’un grand nombre
de favans.
Au refte, la légère différence qui fe trouve entre
les variantes des manufcrits de Pline & la leçon
de Ptolemée, eft moindre que celle que l’on remarque
en d’autres noms des peuples de la Gaule,
nommés par Pline & par Ptolemée , qu’on regarde
indubitablement, malgré cette différence, comme
un feul & même peuple. Il fiiffit d’en rapporter
quelques exemples fur un plus grand nombre.
Diablendi de Pline, Diauletce de Ptolemée, Jublains.
Eburovices, Êburdici, Evreux ; Vellocajfes,. Vene-
liocajfii , le Vexin; Ulmanetes, Sumanefti, ceux de
Senlis •; Suejjiones , Onejfones, ceux de Soiffons ;
Salluvii, Salices, ceux d’Aix en Provence ; Turones9
Turupii, ceux de Tours, &c.
Si Ptolemée avoit placé les peuples Vadicajfes
fur la côte feptentrionale de la Lyonnoife, tout.
le monde reconnoîtroit fans peine que ces peuplés
font les mêmes que ceux qui font mentionnés par
Pline, quoiqu’il y ait une légère différence entre
les noms donnés par les deux auteurs : toute la
difficulté fe réduit à ce que Ptolemée a placé les
• Vadicajfes à l’extrémité de la Lyonnoife, du côté