
Est-ce d’une affection de la cinquième paire que
serait atteint notre malade ? telle est la conjecture
qui s’offrit à mon esprit. Rentré à l’hôpital, je
me rendis aussitôt auprès du malade , je m’assurai
que le globe de l’oeil droit était insensible ,
ainsi que la partie interne de la paupière. Je constatai
que la narine du même côté était insensible
aux odeurs $ tandis que l’oeil gauche et la narine
correspondante jouissaient de leur sensibilité naturelle,.
Je n ’aperçus rien sur les gencives , ni
dans l’intérieur de la bouche. C’en était assez cependant
pour m’arrêter à cette idée , après en
avoir abandonné d’autres pour lesquelles j’avais
répété quelques expériences importantes (i ).
Craignant d’aggraver l’état du malade en le soumettant
pendant la visite aux expériences qu’il
devenait indispensable de tenter pour avoir sur
le diagnostic de sa maladie quelque chose de plus
positif, je pris la résolution de le voir seul dans le
cours de la journée le 7 et le 11 juin; je vérifiai
(i) Cette observation me présentant dès phénomènes insolites
dans les maladies organiques du cerveau , j’attribuai
les effets observés sur l’oeil, à la lésion du nerf intercostal,
avant de connaître les expériences de M. Magendie sur la
cinquième paire.
On sait que le célèbre médecin Petit, de Namur, avait
fait la section du nerf intercostal, chez le chien, au niveau
de la troisième et quatrième vertèbre cervicale, pour prouver
que ce nerf exerçait une influence sur certaines parties de
l’oeil, (Histoire de FAcadémie Royale des Sciences , .année
de nouveau l’insensibilité du globe de 1 oeil droit,
fa perte de l’odorat du même côté ; je plaçai du
poivre en poudre sur la moitié droite de la langue,
il ne le sentit point; je. l’appliquai à gauche , il en
ressentit vivement 1 impression.
Du 15 au 20, je m’aperçus que les gencives
s’enflammaient du côté droit, d’abord à la mâchoire
supérieure, puis à l’inférieure. Le 23, j’invitai M. le
professeur Lisfranç à se joindre à moi pour répéter
les précédons essais. Un stylet boutonné fut
promené sur toute la surface de 1 oeil dioit ; celüi-
ci resta immobile, il n’y eut point de clignotement
delà paupière; le malade n’en avait aucun sentiment.
L’oeil gauche, au contraire , était très-sensible
| le malade fermait l’oeil en voyant approcher
lestylet, et quand on était parvenu à l’appliquer sur
sa surface , il y.portaiî sa main pour le frotter et
détruire la démangeaison que cet attouchement
avait provoquée. INous lui fîmes prendre du tabac
par la narine droite, il ne le sentit point ; il le
sentit vivement de la gauche, et éternua deux fois.
1707.) Parmi les phénomènes observés^ il avait constaté la
rougeur de la conjonctive et l’opacité de la cornée , que j observais
chez ce malade. Je répétai cette expérience, qui ne
me réussit qu’une lois, et qui détermina l’aplatissement et
l’opacité partielle de la cornée , l’injection de la conjonctive
et une altération sensible du bord libre des paupières. Je
rapporterai ailleurs les résultats de cette expérience, qui ,
en ce qui concerne l’oeil; diffèrent de ceux produits par la
section de la cinquième paire.