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perdu de fa déHcateffe j en conféquence, les riches
font dépouiller , à mefure du befoin , celui
qui eft néceffaire à leur confommation. Au refte,
même dépouillé, il fe conîerve un grand nombre
d'années , pourvu qu'il foit tenu dans un lieu fec
& à l’abri des charançons & autres infectes qui
vivent à fes dépens.
Dans quelques lieux on fale le R iz , foit pour
augmenter ou conferver fa faveur, foit feulement
pour frauder fur le poids.
L e charançon du Riz ne diffère de celui du blé
que parce qu’il eft un peu plus petit, & eft pourvu
d’une tache rouge fur chacune de fes ëlytres ; il
n'attaque pas celui qui eft entier .& pourvu de
fes enveloppes, ce qui eft un motif fuffifant pour
ne le dépouiller qu a mefure que cela devient néceffaire.
Voye% C h a r a n ç o n .
Actuellement je reviens à la culture du Riz dans
les cantons où il ne peut pas être inondé par des
déviations de ruiffeaux, de rivières., d’ étangs, & c .,
& où on doit,,par conféquent, fe borner à l’ar-
rofer le plus fou vent & le plus abondamment
poffible, foit par iriigation , foit à bras d'homme,
foie au moyen de machines mues par des hommes,
par des animaux, par le vent ou par l'eau.
Air.fi que je l’ai déjà fait remarquer plus haut,
ces moyens ne peuvent être employés avec fuccès
dans les pays où la température de l ’été eft feulement
celle néceffaire à la croiffance du Riz :
auflî n'en fait-on ufage que fous la ligne & pays
voifîns. Je ne les ai vu pratiquer ni en Caroline ni
en Italie.
Il eft, entre le tropique, une infinité d’endroits
où on cultive le Riz fans nul inconvénient pour
la fanté des homqpes, en tirant chaque jour l’eau
néceffaire à fon irrigation, foit d’une rivière, foit
d’ un étang, foit de tout autre réfervoir naturel
ou artificiel. Il eft même des lieux en Efpagne ,
en Italie, peut-être même en France, où la chaleur
eft affez forte pour permettre de le cultiver
de même , furtout fi le Ré s e r v o ir étoit formé
d’eaux pluviales. Voye% ce mot.
Dans le midi de la Chine & de l’Inde, dans
toutes les îles qui en dépendent, & dans quelques
parties de l’Afrique où le Riz fait la bafe de
la nourriture, on le cultive partout où on peut
creufer un puits, former un étang, même une
mare, où on peut amener un filet d’eau tirée
d’ un ruiffeau, d’une rivière , d’un étang inférieur.
La culture du Riz dans l’eau paroît peu épuifer
la terre, car il arrive fréquemment qu’on en met
plufieurs années de fuite dans le même champ,
fans que la récolte en foit affoiblie ; cela eft fans
doute dû au grand nombre d’animaux & de plantes
qui y vivent avec lui, & dont les dépouilles en-
graiffent la terre. L’eau , en empêchant la difper-
fion dans l’atmofphère des gaz qui proviennent
de la décompofition de ces animaux & de ces
plantes, y concourt fans doute auffi.
Les eaux de fources & de ruiffeaux, dont la
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température eft, pendant l’é té , inférieure à celle
de la terre & de l’air, retardent la pouffe du Riz j
ainfi on ne doit les employer qu’après les avoir
arrêtées pendant quelques jours dans des réfer-
voirs peu profonds, afin qu’ elles prennent cette
température.
Sonnerat a repréfenté, dans fon Voyage aux
Indes, deux cultivateurs qui, i° . au moyen de
quatre cordes attachées aux anfes d’une corbeille
rendue imperméable par un enduit de boufe de
vache , arrofent un champ de Riz avec l’eau
d’une mare creufée dans ce champ même ; i ° . au
.moyen d’une bafcule, tirent l’eau d’ un puits pour
remplir le même objet. Ces moyens font fans
doute les plus Amples , mais ils ne peuvent être
mis en ufage que par les peuples nombreux, &
chez qui la' main-d’oeuvre eft peu élevée.
On voit fréquemment fur les papiers peints qui
nous viennent de la C hine, des roues à augets ,
des roues à pompes, & c .,, employées à élever
de quelques pieds, par l’effet du courant d’une
'rivière, une quantité d’eau fuffifante pour arrofer
les rizières établies fur fes bords.
Le noria, qui eft une corde fans fin, garnie de
diftance en diftançe de pots de terre ou de boîtes
de bois ouvertes en hau t, tournant autour, ou
d’une roue, ou d ’une poulie , ou d.’un treuil, eft
généralement employée en Egypte pour remplir
la même intention.
Enfin, il eft une infinité de machines plus ou
moins compliquées, plus ou moins propres à remplir
leur o b je t , qui font ufitées, en petit ou en
grand, pour élever l'eau au-deffus de fon niveau ,
à l’effet d’arrofer le Riz. Je n en parlerai pas ici.,
parce qu’elles ont été décrites dans le Dictionnaire
des Machinés.
Le Riz qu'on deftine à faire croître ainfi dans
des lieux d'où fa nature l’avoit éloigné, s’arrofe
tous les jours où ii ne pleut pas 5 il croît plus
v ite , refte plus court, a le grain moins abondant,
moins gros, mais plus favoureux que celui qui a
crû dans l’eau. C ’eft ce qui fait que le Riz d’Egypte
eft meilleur que ceux de Caroline & du
Piémont : ces trois riz font ceux dont on con-
fomme le plus en Europe.
On doit, autant que poffible, difpofer les communications
entre les diverfes planches a R iz , de
manière que l’eau qui a fervi à inonder la première
puiffe fucceflivement inonder toutes les autres -,
& c e , tant parce que l’eau eft toujours à ména-
ger dans les pays à R iz , que parce qu’ayant pris
une plus haute température fur cette première
planche que celle qu’elle avoit dans le lieu d’eù
elle vient, elle ne retarde pas la végétation des
autres, & que, s’étant faturée de fes principes fo-
lubles de fertilité, elle les porte fur elles.
Quelques perfonnes ont écrit que les marais un
peu falés font plus produ&ifs en Riz que les autres
, & en effet j’ ai vu que ceux conquis fur la
mer'par les cultivateurs de la Caroline, don-
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noient de plus belles récoltes que les autres, mais
c'étoit feulement lorfqu'ils n'offroient plus au
goût aucun indice de fel : l’abondance d’humus
qu’ils offroient fuftit pour expliquer leur grande
feM; Poivre , dans fon ouvrage intitulé Voyages
d‘un philofophe'y s’ eft beaucoup étendu fur une variété
de Riz qui fe cultive en Cochinc.hine dans j
les lieux fecs, & qu’ il croit pouvoir fuppléer ;
partout le Riz ordinaire ;■ il l’a appelée Ri[ fec , &
en a diftribué de la graine partout o.ù il a pu. Longtemps
M. Ceré l ’a confervée à l ’ Ile-de-France , j
pouces d ’eau, ou lorfqu’elles font mi fes à fec ,
qu’elles deviennent dangereufes.
La culture du R iz en Piémont devant intéreffer
plus particulièrement les Français , puifqu’elle
fournit le plus à leur confommation, & pouvant
fervir d’exemple pour celle de tous les pays voifins
en la cultivant comme il vient d’être dit; mais elle >
n’a profpéré que dans les pays très-chauds, & nulle ;
part lorfqu’on ne l’a pas continuellement arrogée.
Il paroît que cette variété a moins befoin d’eau
que la plupart des autres, mais que fi elle réuflït
fur les montagnes de la.Cochincnine-, fans arro-
femens, c’eft qu’ il y pleut tous les jours comme
dans tant d’autres lieux intertropicaux. Les grains
qui me furent envoyés de l’ Ile-de-France , & q u e
je fis paffer en Piémont, n’y ont rien produit de
bon. Il faut donc beaucoup rabattre des éloges
que lui a donnés M. Poivre.
Ce qui portoit cet ami des.hommes , cet excellent
adminiftrateur , à mettre tant d’importance
à la fubftitütion de cette variété aux autrès,
c’eft que, dans les pays tempérés, tels que la Caroline
, le Piémont, l’Efpagne, & c . , la culture
du Riz eft mortelle pour la population, & que
partout, dans ces pays, on a été forcé de borner
fon étendue, & de l’éloigner des villes & des
routes très-fréquentées. Cependant il ne paroît
pas qu’elle foit auflî malfaifante dans les climats
intertropicaux, quoique la théorie indique qu’elle
doive l’être davantage ; je dis il ne paroît pas ,
parce que je n’ai à cet égard que des renfeigne-
mens négatifs. Voye% Mar a is .
Je n’entrerai pas ici dans le détail des maladies
auxquelles donne lieu le féjour des rizières ou de
leur voifinage ; je dirai feulement que les noirs
font moins fujèts à leurs atteintes que les blancs ,
ainfi que j’ai été à portée de le vérifier pendant
mon léjour en Caroline. La première fois que
j’entrai dans une grande rizière de ce pays, c’étoit
aux environs de Georges-Town & pendant la
récolte, je fus fubitement faifi, après un quart
d’heure d’obfervation , d’un violent mal de tête,
& cinq minutes après, d’une forte fièvre qui n’eut
pas de fuite, parce que je mefauvai àlacour fe , &
que quand j’eus rejoint mon cheval, je m’éloignai,
le même jour, de plufieurs lieues. Les habi-
tans de Georges-To^n font prefque tous attaqués
de la fièvre chaque année, & ils la garctent quelquefois
fix mois.
M. Lafteyrie, dans un excellent Mémoire fur la
culture du Riz en France, établit que les marais,
transformés en Rizières, feroient moins dans le
cas de caufer des maladies, & en effet, ce n’eft
que lorfque les rizières n'ont que deux ou trois
du terme où elle ctffe d’ être poflîble, je crois
devoir en détailler les procédés d’après M. Choi-
feul-Gouffiex, quoique, ainfi que je l’ai déjà annoncé,
je l'aie étudiée moi-même pendant le voyage
que j’ ai fait dans le nord de l’Italie. L’expofë fui-
vant. fervira d’ ailleurs de complément à ce que j'ai
rapporté plus haut des cultures intertropicales,
dont je n’ai pu précifer les opérations, à raifon de
la différence de climat, de f o l , d'afpeéi, de variété
, de génie des peuples, & c . & c . ^
ce Pour une rizière on choifit un terrain uni, bien
expofé au fo le il, légèrement incliné, de manière
que la partie la plus élevée foit voiline d’une .ri?
vière , d’un lac ou d’un étang; en général, un
terrain où on peut mettre Peau & la -retirer à
volonté, eft préférable à un fol trop marécageux
qu’on ne pourroit deffécher qu’avec beaucoup de
peine. On ne laiffe ni arbres ni haies auprès des
rizières , à caufe de l’ombre qu’ils y porteraient,
& parce qu’ ils donneroient afyle aux oifeaux qui
caufent beaucoup de dommage au Riz.
C ’ ëft au printemps qu’on laboure lès champs
dans lefquels en veut femer le Riz. Le labour fe
fait à la charrue, lorfque le fol peut fe-deffécher
complètement, & à la bêche, lorfqü’ il refte marécageux
: il ne doit ê t r e , en aucun cas, fort
profond , & moins dans les terres médiocre's.
Les labours finis , on divife la pièce en carrés,
autour defquels on élève de petits épaulemens ou
banquettes d’une hauteur & d’ une largeur convenables
5 la grandeur des carrés eft toujours proportionnée
au plus ou moins de pente du terrain,
c’ eft-à-dire, que plus il eft incliné & plus ils font
petits, parce'que s’ ils étoient plus grands il fau-
droit tenir l’eau trop profonde dans leur partie
inférieure , & pas affez dans leur partie fupé-
rieure , ce qui nuiroit à la culture. On ne fouffre
point d’herbe fur les épaulemens, pour que leurs
graines n’ infeftent pas la rizière.
C ’eft en avril qu’on enfemence les nouvelles
rizières; celles qui ont porté l ’année précédente
le font en mai: la raifon de cette différence eft
que ces dernières étant encore imbibées d’eau ,
ont befoin d’être réchauffées par le foleil.
On met l’eau dans les rizières avant de les femer,
& lorfqu’elle eft répandue fur toute la fur-
face des carrés, on y jette le grain; après quoi
un homme monté fur une planche de neuf à dix
pieds de long fur quinze pouces de large & deux
d’épaiffeur, unit* la terre recouvre la femence
avec fon pied.
Au bout de quinze jours le Riz commence à
paroître; à mefure qu’ il cro ît, on augmente Peau
pour qu’ il n’ v ait jamais que la pointe des feuille*