
ture des plantes qui y croiffent, à leur grande
v ariété, à leur plus de faveur, à leur plus d'abondance
de principe nutritif fous un volume donné. 11 convient à tous les beftiaux. Le lait des vaches
qui s’en nourriffent eft excellent} c'eft celui qui con-
ferve le mieux les brebis en bon état de fanté} il fe
vend le plus cher dans les villes où on eft à portée de
le comparer à celui des deux autres fortes. On doit
donc defirer avoir des Prés hau ts dans toutes les exploitations
rurales où le permet la difpofition du fol.
Je ne parlerai pas ici des Prés hauts lïtués fur
les parties les plus élevées des montagnes, fur
celles qui font couvertes de neige pendant fix
mois de l'année, quoiqu’on les fauche chaque
année, parce qu’ils fe rapprochent tant des pâturages,
qu'excepté cette récolte, ils peuvent fans
inconvénient être confidérés comme tels. Voyez
PATURAGE.
Certains Prés qui fe voient fur des montagnes,
même en pente fort rapide , doivent être rangés
parmi les Prés bas, parce qu’ ils font continuellement
abreuvés par des fources fuperficielles qui
en rendent le fol marécageux, 8c qui y appellent
des plantes peu du goût des beftiaux. Il eft fou-
vent impofiible & toujours fort difpendieux de
deffécher ces Prés, ou mieux ces parties de Prés,
car il. eft rare que les efpèces de marais dont je parle,
foi en t d’une grande étendue. Voyez Uligineux.
Les produits des Prés hauts, comme je l ’ai déjà ;
obfervé, font bien moindres que celui des Prés en
plaine} mais il eft un cas où on peut confidéra-
blement les élever, c'eft lorsqu'ils font fufcepti-
bles d'iRRiGATioN. (Voyez ce mot. ) On doit
donc toujours faire les dépenfes néceflàires pour
leur procurer cet important avantage. C'eft ce que
favent bien faire les cultivateurs de certaines des
parties montueufes de la France, principalement
ceux des Cévennes, des Alpes & des Pyrénées.
Ces Prés hauts, arrofables direftement par des
eaux de fources, ont de plus l’avantage de donner
des récoltes très-anticipées, à raifon de la température
toujours égale de ces eaux, & il eft des
circonftances où cet avantage eft très-précieux.
Voyez Source.
Mais lï les arrofemens font avantageux aux Prairies
, lorfqu'ils ne font pas prolongés au-delà de la
néceflité, ils font très-nuifibles. dans le cas contraire,
en ce qu'ils nourriffent les racines des
plantes : c'eft principalement en été que la furveil-
lance à cet égard doit être aétive, parce qu'a-
lors l’eau ftagnante fe corrompt promptèment4 à
l’aide de la chaleur & du principe mucilagineux
des plantes mortes, 8c que l’ eau corrompue fait
de fuite périr les plantes vivantes. Voyez Inondation.
On doit donc conftamment, lorfqu'on projette
une irrigation, calculer d’avance les moyens d’ab-
forption 8c d ’écoulement de l'e a u , parce que
c'eft ordinairement par fuite de mécomptes à cet
égard que les pertes contre lefquelles je cherche
à mettre les cultivateurs en garde, ont le plus fou-
vent lieu.
Les rigoles pour l’ irrigation doivent être entretenues
en bon état, & , à cet effet, vifitées fou-
v ent, car c'eft d’elles que^dépend le fuccès. Il en
eft de même des vannes o.u autres moyens de retenir
l'eau, pour la lâcher à volonté. Faire ces
retenues -avec des gazons, comme on le pratique
en tant de iieux, eft blâmable à raifon de leur peu
de folidité, du temps qu’elles confomment &
du foin qu’elles font perdre.
J'ajouterai encore que l'irrigation, long-temps
continuée ou fréquemment répétée, change fo.u-
vent la nature de l’herbe des Prairies hautes, parce
que plufieurs des plantes qui y croiffent, veulent
un terrain fec. Je fais cette remarque, parce que
ces plantes font généralement celles qui plaifent
le plus aux chevaux 8c aux moutons.
L’expofition q ui, dans les Prés en plaine & dans
les Prés bas, eft fort peu dans le- cas d’être confi-
dé’rée, eft importante dans les Prés hauts, puifque
la fécherèffe étant fouvent à craindre pour eu x ,
ceux au nord y font moins expofés que ceux au
midi. Des haies élevées, ou des lignes de grands
arbres dirigées du levant au couchant, font les
moyens les plus certains d’ améliorer ces derniers*
Voyez Montagne & Exposition.
Lorfque les Prairies hautes ne font pas fufcep-
tibles d’irrigation, elles rifquent de devenir improductives
dans les printemps très - fecs. J’en
ai vu qui, dans ce cas, fe diftinguoient à peine
d’ un pâturage, tant leur herbe étoit courte 8c rare.
II falloit cependant en payer la rente au propriétaire
8c l’impôt à l'État. ( On ne pouvoir en tirer
quelque parti qu'en y mettant les beftiaux. )
Les eaux pluviales, furtout celles des orages,
tendent continuellement à enlever la terre des
Prairies hautes, furtout l’humus qui fe forme journellement
à fa furface par la deltru&ion des parties
des plantes qui les compofent. Pour les con-
ferver au même état de fertilité, il faut donc
empêcher l’aétion de ces eaux, ou réparer annuellement
les dégâts qu’ elles caufent.
Le moyen l.e plus fréquemment employé pour
arriver au but, c’eft la conftru&ion, ou de petites
terraffes en pierre lè che, ou de foffés déviateur$
des eaux. ( Voy. T errasse & Fossé.) Le moyen
que je crois le meilleur, c ’eft la plantation de haies
parallèles & perpendiculaires à la pente, haies qui
; feront d’autant plus rapprochées que cette, pente
fera plus rapide. J’ai vu de trop avantageux réful-
tats être la fuite de cette pratique, pour ne pas délirer
la voir s’établir partout. Voyez Haies.
Qu’on n’obje&e pas que les haies feront perdre
un terrain précieux, qu'elles nuiront par leur
ombre à la qualité de foin , parce qu'il eft poflible
de ne les compofer que par deux rangs d’arbrif-
feaux rapprochés de fix pouces, 8c de les tenir
aufli baffes qu'on le veut. Un feul rang pourroit
même fufEre dans beaucoup de cas.
Pour arriver au fécond but, il faut fe livrer à
des dépenfes fi confidérables, qu’il n'y a que les
cultivateurs qui ne calculent pas leur temps, ou
ceux qui veulent à tout prix avoir du foin, qui y
tendent. Il y a plufieurs moyens à employer.
i °. On creufe au bas du Pré une foffe plus ou
moins longue, plus ou moins large, plus ou moins
profonde, dans laquelle fe rendent les eaux pluviales
qui l’ont traverfé, 8c où elles dépofent la terre
& l’humus dont elles fe font chargées. A la fin de
l'hiver, on la reporte au haut à dos d’Homme
ou de chevalf
2°. On lève dans les bois, dans les terrains vagues
, fur les chemins, dans les marais, la terre i
de la furface, pour l'apporter à la même époque
fur le Pré. On peut fubftituer à cette terre des ;
curures de mares, de rivières, d’étangs.
3°. On creufe au-defîus du Pré ou dans fon voi- j
finage, lorfque le terrain a du fond, un trou dont |
on apporte la terre fur fa furface, 8c qu'on remplit j
enfuite de pierres.
Ces trois moyens raniment la végétation de j
l’herbe du Pré; les deux premiers, en fourniffant j
aux plantes qui la compofent, furtout aux grami- |
nées, une nouvelle terre 8c une terre remuée, dans
laquelle leurs racines peuvent pénétrer & trouver j
l’humus néceffaire, le dernier , en produifant les :
mêmes effets que la Marne. Voyez ce mPc*
Outre cela, il devient néceffaire, lorfqu'on veut
obtenir des récoltes paffabies de ces prés, de les fumer
de temps en temps, à l’iffue de l'hiver, avec ,
du fumier bien confommé 8c répandu avec le plus
4’égaiité poflible. Il vaut mieux en mettre fouvent j
que beaucoup à la fois, car il porte toujours,-
lorfqu'il eft abondant , fa faveur défagréable fur
les plantes, ce qui en éloigne les beftiaux.
La C h a u x 8c les C endres', furtout fi on les
unit avec le fumier , font aufli d’excellens amen-
tiemens. Je renvoie à leurs articles, ceux qui voudront
connoître le mode de leur aêtion.
Une opération qu’exigent fouvent les Prés
hauts, c’eft celle de leur épierremenr. C’eft pendant
l’hiver qu’on s’y livre. Les pierres qu’on en
enlève, fe mettent en tas fur leurs bords ou dans
les, trous dont j’ai parlé plus haut. Voyez Epier-
rement & Mergers.
Rarement leS'Prés hauts fe fauchent plus d’une
fois, parce que leur fécondé herbe ne paieroit pas
la façon de fa coupe. Cela tient, 8c à la nature
ordinairement pauvre du fol, & à fon état habituel
de fécherefle ; aufli, lorfqu’on peut les fumer
8c lesarrofer, en obtient-on deux récoltes comme
des Prés en plaine: on les appelle vulgairement
Prés a une herbe.
La coupe 8c la defliccation du foin des Prés hauts
ne diffèrent pas dé celle des Prés en plaine ; feulement
elles font plus faciles à raifon de ce qu’il
eft moins épais & moins chargé d’eau de végétation.
On reconnoît facilement le foin des Prés hauts
â la fineffe des feuilles & au peu de hauteur des
chaumes des graminées qui le compofent en plus
grande partie. J’ai déjà obfervé que les beftiaux
le préfèrent j on le réferve ordinairement pour les
chevaux ou pour la vente. Comme ce font les Prés
hauts q u i, à raifon de la nature même de leur
f o l , fe trouvent le mieux des opérations agricoles
dont je dois confeiller l’exécution pour le plus
grand avantage des propriétaires, je vais en parler
avant d’entretenir le leéteur de ceux en plaine.
Par la loi des aflolemens, toutes les plantes épui-
fent plus ou moins promptement le fol des fucs
qui leur font propres, & finiffent par périr pofiti-
vement de faim. Alors la même efpèce ne peut
profpérer dans la même place qu’après un laps de
temps proportionné à celui où elle y a vécu. Les
graminées , qui forment ou doivent former le
fond des Prairies, font plus que les autres plantes
dans le cas de iubir fréquemment cètte lo i, à
raifon du peu de longueur de leurs racines ; aufli
eft-il rare qu’elles vivent plus de trois à quatre ans
dans les Prés hauts, 8c plus de cinq à fix dans les
bons Prés en plaine. Il faut donc que l’efpace de
terrain qui les a portées, nourriffe pendant le même
temps des plantes moins avantageufes , ou des
moufles, ou point de plantes, ce qui eft une
perte évidente pour le propriétaire 8c pour la
iociété en général. Empêcher cette perte eft donc
une chofe à defirer; or, cela eft très-facile', puif-
qu’il ne s’agit que de labourer la Prairie , après
l’avoir fumée s’il fe peut, d’y femer de fuipe^en
fa place une avoine mêlée de graine de fainfoin
ou de luzerne, félon la nature du fo l , fainfoin
ou luzerne qui épuifèra le fol à fon tour, 8c
qui fera remplacé par de nouvelles graminées,
dont les graines feront ou portées par les vents
des Prés voifins, ou prifes fur le grenier 8c répandues
exprès à la fin de l’hiver. Si la pente eft
peu rapide, on fera bien de cultiver pendant deux
ou trois ans d’autres objets dans le terrain pour
éloigner d’autant le retour de la Prairie ; car plus
rarement la rfiême plante reparoît, 8c plus elle p ro f
père. Voyez A ssolement & Succession de
culture.
Les cultivateurs fuiffes, qui font dans le bon
ufage de rompre leurs Prés de loin en loin, ont
remarqué que l’épeautre favorifoit mieux que le
froment la pouffe de l’herbe qu’on femoit avec
lui lorfqu'on vouloit rétablir la Prairie. Il eft difficile
d'expliquer ce fait autrement qu’en obfer-
vant que l'épeautre talle moins, fe fème plus clair
que le froment, 8c par conféquent épuife moins.
D'après ces réfultats, qui font ceux de l’expérience
, je ne conçois pas comment nos pères
avoient établi en principe qu'un Pré ne dévoie
jamais être changé de nature. Ce principe prédomine
encore dans beaucoup de lieux ; aufli à
.peine peut-on diftinguer d’ un pâturage ceux qui
s’y voient, 8c fouvent leur récolte ne paie pas U
façon.