primant- fans indemnité, lorfque l'ufàge feul les a
établis.
On fuit dans quelques exploitations en Angleterre,
& j'en ai vu en France des expériences, la
méthode de tenir les Prés, tant les naturels que
les artificiels,'en rangées ou mieux en bandes de
diux pieds de large, alternant avec des bandes
de même largeur, cultivées en pommes de terre,
en fèves de marais, en haricots & autres plantes
qui exigent des binages d'été. Malgré la beauté
des récoltes qui doivent réfui ter & qui réfultent
réellement de cette méthode, je ne crois pas
qu’elle doive être préconifée, à raifon de la diifi-
culté d'empêcher l’herbe de fe verfer fur ces parties
labourées, & de s’oppofer à la culture des
plantes qui y ont été plantées ou femées.
Le malheureux état aétuel des Prairies foumifes
au parcours pourroit être amélioré par une m.e-
fure qui feroit dans les intérêts des perfonnes qui
y ont droit > c ’eft de ne mettre les belliaux dans
ces Prairies qu’apcès qu’elles auroient été arrofées
& que le regain auroit acquis la plus grande partie
de fa hauteur. On e'n agit ainfi dans les herbages
de la ci-devant Normandie, & dans tous ceux
appartenant à des particuliers éclairés, où on
élève des chevaux ou des bêtes à cornes, où on
engraiffe des boeufs- Voye% Engrais.
Dans ce cas la Prairie feroit partagée en autant
d’enclos qu’ il feroit nécelfaire pour que les beftiaux.,
après être reftés une femaine dans l’ un d’ eux,
paflaflent dans un autre , & ne revinffent au premier
que lôrfque l’herbe y feroit revenue. Voye[
Pâturage & Feuille.
Les produits des Prairies de toutes les fortes fe
confomment en vert ou en fe c , & dans le premier
cas , ou fur le Pré ou dans l’écurie.
Le dernier de ces modes n’eft pas ici dans le
cas d'être difcuté, parce qu’on ne peut fe refufer
à donner du foin fec pendant l’hiver Iorfqu’il n’y
a pas d’herbe, fur les routes, dans les villes,
enfin, quand cela convient, & que de plus il eft
reconnu qu’ il nourrit mieux que l’herbe.
Mais on n’eft pas même d’accord fur la queftion
de favoir s’il vaut mieux mettre les beftiaux dans
les Prairies que de les nourrir au vert à la maifon.
Les beftiaux qui paiflent dans les Prairies leur
nuifent, i° . en en mangeant l’herbe avant fa maturité
, & en en retardant par conféquent la re-
poufle ; 2°. en en arrachant quelques pieds & en
en écrafant de manière à les faire périr en bien
plus grand nombrej j 9. en en rendant la,furface
inégale par leur piétinement. Ces inconvéniens
font compenfés par l’économie qu’ il y a de lai fier
les beftiaux dans le Pré, parleur bon état de fanté,
par leur chair plus favoureufe, leur graiffe plus
ferme, leur lait plus chargé de beurre, & c . D’ailleurs
, on peut les diminuer par les précautions
dont il a déjà é té , & dont il fera encore queftion.
Aufti le nombre des cultivateurs qui font
faucher l’herbe pour la donner à la maifon eft-il
fort borné, malgré qu’ il foit certain qu’on gagne
à cette méthode une moindre perte de fourragé ,
un engrais plus prompt, un lait plus abondant &
plus de fumier.
On a propofé de diminuer ces inconvéniens en
établiffant des crèches & des râteliers portatifs
pour les placer le long des chemins, dans le voifi-
nage des Prairies, pour y dépofer à moins de frais
le foin coupé, & pour faire faite de l’exercice &
prendre l'air aux beftiaux qu’on y conduiroit 5
mais cette modification eft encore impraticable
en grand.
Je fuis donc d’avis qu’il ne faut employer la
nourriture à la maifon que dans des circonftances
particulières , à moins qu’on n’ait que peu de
beftiaux, & que le befoin de fumier fe faflfe im-
périeufement fentir.
Je ne veux pas pour cela qu’on fe refufe de
donner de l’herbe aux beftiaux à l'écurie, foit le
loir,Toit pour fuppléer à la trop petite quantité de
nourriture qu’ils ont trouvée dans les pâturages ,
foit les jours de pluies, foit lorfqu’ ils font malades,
lorlqu’ ils viennent de mettre bas, & c . & c .
L'herbe qu’on donne aux beftiaux dans l’écurie,
furtout fi elle contient beaucoup de trèfle ou de
luzerne, furtout fi c’eft pour des bêtes à laine,
doit être fèche & fanée, à raifon des dangers des
Indigestions ou des Météorisations. Voye^
ces mots.
Les jeunes animaux & les bêtes à laine font
ceux qui fouffrent le plus.par fuite de la nourrit
ture à la maifon, malgré que les poulains de luxe
foient ainfi élevés en Angleterre. Voye1 C h e v a l .
La manière de brouter l'herbe varie dans cha--
que efpèce d'animal, & cette manière influe fur là
confervationdes Prairies, ou au moins fur la conduite
à fuivre à leur égard : par exemple, les bêtes
à cornes embraflcnt une poignée d’herbe avec leur
langue & la caftent par un mouvement de torfion;
il faut donc que cette herbe foit haute & ferrée ;
le cheval pince l’herbe avec fes dents, & la coupe
très-court, par poignées : il en eft.de même de la
brebis , quoique, comme les'bêtes à cornes, elle
n’ ait pas de dents à la mâchoire fupérieure, mais
c ’eft brin à brin. Ainfi on peut mettre d’abord les
vaches & les boeufs dans un Pré, enfuite les che-*
v aux , enfin les mouton^. Les chevaux paffent,
avec raifon, pour nuire le plus aux Prairies ;
aufli, dans les herbages de Normandie , deftinés
à l’engrais des boe u fs , les baux ne permettent-
ils qu'un certain nombre de chevaux par arpent.
Toujours il eft à defirer qu’un Pré en plaine,
comme un Pré haut, foit clos de haies ou de fofles
entretenus avec foin pour empêcher les délits »
que fa furfacë foit aufti unie que poflible pour
favorifer le fauchage, & en conféquence débarraffé
chaque printemps des taupinières qui auroient pu
s’y former pendant l’hiver. Outre les pierres, dont
il ne doit pas relier une feule} il faut encore avoir
foin d’enlever les branches d’arbres & autres objets
volumineux qui pourroient nuire à l’aébon de la
faux, lors de la coupe des Prairies, & furtout les
feuilles fèches d'une certaine largeur, comme celles
des peupliers, des érables, des chênes, parce
qu’elles s’oppofent à la croiflance de l’herbe, &
que quelques-unes, telles que celles de chêne, y
portent de plus un principe d’infertilité. Chaque
année, lorfque l’herbe n’aura pas encore acquis plus
de quatre à cinq pouces, on y enverra quelques
ouvriers intelligens, armés d^une pioche à fer
étroit ou d’une houlette à farder, pour couper entre'
deux terres -3 & par-là détruire les grandes plantes
nuifibles à la croiflance des autres, & impropres à
la nourriture des beftiaux, comme le C olchique
d’automne, le Narcisse des poètes, les Orchis
& Ophrys , I’Ortie, le Plantain, à grandes
feuilles, la Primevère officinale, le Seneçon
Jacobée, la C hrysanthème, les Renoncules.
( Voye{ ces mots.) Si ces plantes font trop multipliées,
on labourera le Pré pour les faire difpa-
roître en mafle. Je ne parle pas de l’enlèvement
des buiflons, parce que je fuppofe qu’il ne s’en
trouve pas dans une Prairie bien tenue de longue
main, mais je dois recommander celui des Accru s ,
qui auroient pu être la fuite du voifînage des haies
& des arbres fruitiers. Voye^ce mot.
C ’eft encore à la même époque qu’on fait réparer
les fofles, combler les trous formés par les
pieds dés beftiaux, éparpiller les crottes des chevaux
& les boufes des bêtes à cornes. Ces opérations
faites, on met dans les Prés l’eau trouble, fi
on en a à fa difpofition, finon on fe contente d’eau
claire. Voyei Irrigation.
Quand on nourrit fes beftiaux à l’écurie & à
l’étable, & qu’on eft obligé de leur donner de
l’herbe verte tous les jours, on commence à faucher
les Prairies dès que la faux peut mordre. ( Voye%
Nourriture des animaux.) Quand c’eft pour en
faire du foin , il faut, pour en couper l ’h erbe,
qu’elle foit arrivée au point de maturité convenable.
Mais quel eft ce point de maturité convenable?
Cette queftion a été l’objet de longues difcuflîons,
lorfqu’on ne jugeoit de l'agriculture que d’après
des procédés de pratique ou des idées vagues d’une
théorie menfongère. Aujourd'hui que l’obfervation
s’appuie fur la botanique, la chimie, la phyfique,
la phyfiologie végétale & animale, il ne fera pas
difficile de la décider. Je dirai donc avec affurance :
il faut couper les foins où les graminées dominent,
environ à l’époque où ces graminées ont fini
de fleurir, parce que c’eft alors qu’elles ont acquis
toute leur hauteur & qu’elles contiennent le plus
de matière fucrée, matière qui eft leur principe
véritablement nutritif. Si on les coupoit plus tôt,
on perdroit fur la quantité & fur la qualité} fi on
les coupoit plus tard, on gagneroit en quantité &
on perdroit en qualité, parce que la partie fucrée
auroit été employée à perfectionner la graine,
laquelle tomberoit dans les operations du fauchage,
bottelage, tranfport, & c . C ’eft à raifon de plus
grand poids & du moins de retraite par la deflic-
càtion, que tant de cultivateurs ( foit par ignorance,
foit par avidité) attendent, pour faucher,
l’époque de la maturité complète des graminées.
Quant aux Prairies où les graminées ne dominent
pas, on procède bien en les fauchant, lorfque les
fruits de ces graminées commencent à mûrir} ou,
s’ il y a de la luzerne,lorfque la moitié des fleurs
des principaux épis de cette plante font tombées. .
L’époque de la coupe des foins ne peut donc
être fixée d’une manière générale pour toute la
France, même pour un canton particulier, puif-
qu’elle varie chaque année, félon la température
au printemps & de l’é té , & dans chaque localité,
félon les efpèces de plantes qui y dominent, la
nature du fo l, l’expofition, & c .
Il eft des cultivateurs qui veulent qu’on laifle
mûrir l’herbe des Prairies avant de la couper, fous
le prétexte que ces graines la regarniront} mais
ils ne favent pas que cette graine ne lèvera pas,
ou fi elle lè v e ,le plant qu’elle aura donné ne fub-
fiftera pas, puifque le fol eft fatigué d’en porter,
ainfi que je l'ai déjà fait remarquer. Voye[ A ssolement
b Substitution de culture.
Deux ou trois jours de plus ou de moins font de
peu d'importance pour l’opération de la coupe des
foins, comparativement à la certitude de n’avoir
pas de pluies pendant là durée & celles qui en font
la fuite, comme le fanage, le bottelage, le tranf-
port, &c. Ainfi il faut confulter le baromètre,
confulter les Pronostics ( voye1 ce mot ) , lorfqu’
on juge être dans le cas de l’entreprendre &
agir d’après leurs indications.
Le joùr fixé, le cultivateur raflemble les faucheurs
& les faneurs qu’il a arrêtés d’avance, &
les met à l’ouvrage d’après les bafes développées
aux mots Faucher, Faucheur.
Le foin fauché eft laifle en ondains ou andins un
ou deux jours, félon la chaleur de la faifon, puis
fané, c’eft-à-dire, retourné, éparpillé autant que
befoin pour préfenter toutes fes furfacesau foleil.
Lorfque le temps eft incertain pendant la fau-
chaifon, il vaut mieux Iaifler le foin en ondains ou
éparpillé que de le mettre èn petites meules, ou muions
, ou veillotes, parce que, dans le cas de pluie,
il fe defleche plus vite lorfqu’il eft épars.
L ’aélion d’un foleil trop brûlant n’eft point avan-
tageufe au fanage des foins , furtout à celui de
la luzerne & d u trèfle, parce qu’il rend les tiges
trop caftantes & fait tomber les feuilles. C e ca*
exiîtant, on fufpend l’opération pendant la grande
c.haleur du jour. L’art du faneur, c’ eft de l’avancer
fans la précipiter, & on y parvient en laiflant le
foin en couches plus épaifles.
Auflitôt que le beau temps eft: revenu, on re
tourneles ondins, puis on les fiait fauter, c’eft-à