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dirai donc feulement qu’il en faut, terme moyen,
un demi-fetier par arpent, plus dans les mauvaifes
terres, moins dans les bonnes.
La femence répandue, on donne à la terre un
bon herfage & un-bon roulage.
Si la terre eft humide & l’ air chaud , le Sarrafin
lève en peu de jours. Le feul foin qu’ il demande
jufqu’ à la récolte eft d’empêcher les hommes &
les animaux d’entrer dans le champ , car tout
pied foulé eft mort. La plus petite gelée lut eft
extrêmement dommageable.
Les fleurs du Sarrafin s’épanouiffent fucceflive-
ment pendant environ deux mois , de forte
qu’elles fe montrent encore bien long-temps après
que les premières graines font mûres. La plupart
d’entr’ elles coulent, fo i t , dans les mauvaifes
terres, parce qu’elles n’ont pas allez de nourri- ,
ture 5 fo it , dans les bonnes, parce que les feuilles
attirent une partie de ia nourriture dont elles auraient
befoin. ( Voye* Feuille & Écimage.) En
ajoutant à ces deux graves inconvéniens celui
que les graines tombent facilement, on aura la j
raifon du mince produit que fournit un champ qui j
avoit la plus belle apparence, lorfque les circonf- !
tances atmofphériques deviennent défavorables, ou !
qu’on ne fait pas la récolte en temps opportun !
ou avec les précautions favorables.
Dans les terrains arides & dans les étés fans
pluie, les épis du Sarrafin font expofés à fe deffé-
eher eu tout ou en partie, & à ne produire par
conféquent que peu de graines.
Or. prévient cet inconvénient en le femant plus
ta rd , en juin par exemple, & on y remédie en
le fauchant à quelques pouces de terre. Les nouvelles
tiges qui fe développent, produifent de petites
graines, mais elles en fourniffent affez pour
donner un profit.
Les abeilles & autres infe&es favorifent la fécondation
des fleurs du Sarrafin, comme celles de
toutes les autres plantes. G’eft donc bien mal-à-
propos qu’on les accufe de l’empêcher ; c ’eft donc
par l ’effet de l’ignorance, plus que de la méchanceté
, que quelques cultivateurs, comme j’en ai
personnellement acquis la preuve, mettent autour
de leurs champs des afliettes couvertes de miel
empoifonné, afin de faire périr ces précieux in-
fedtes. Voye^ Abeille ^ F écondation.
Quelques précautions qu’ on prenne, il faut fe
réfoudre à perdre les premières graines de Sarrafin
qui font arrivées à maturité, parce qu’elles
tombent, foit par l’effet des vents, foit par le paf-
fage des animaux ( des chiens de chaffe furtout ) ,
foit par la récolte. L’important donc, pour en tirer
le meilleur parti pofîîbie, c'eft de choifir, pour
faire cette récolte, le moment où il y a le plus de
graines mûres, & où la rofée ou une petite pluie
a raffermi les graines dans le calice. C ’eft ce qu’ap-
preni l’expérience mieux que les indications lés J
plus détaillées.
On peut diminuer la perte qui réfulte de la dif- ]
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perfion de la graine de Sarrafin dans les champ? ;
en y envoyant, ru Sitôt après la récolte, un trou-
peau de dindons j car ces volailles, comme les
poules, favent bien la trouver & en profiter.
On procède de deux manières à la récolte, c’eft-
à-dire, que , ou on arrache les pieds un à un à la
main, ou on les coupe avec la faucille ou avec la
faux. Dans ces deux cas il faut les fecouer le
moins poffible, & en former de fuite des bottes
qu’on réunit, la tête en haut, en tas ou meules de
trois à quatre pieds de diamètre , & qu’on couvre
de paille ou de foin. Là , les graines* qui ne font
pas encore mûres terminent leur évolution à l'abri
du bec des oifeaux, & lorfque les tiges font en
partie defféchées, on les bat dans le lieu même
fur des toiles j avec des gaules, ou on les tranfporte
dans la grange, dans des chars garnis de toile, pour
leur y faire fubir cette opération.
L ’important dans la fabrication de ces tas ou
meules, c’eft que les bottes foient peu ferrées &
écartées, afin que l’air circule dans l’intérieur. Si
les tiges moifîffoient, la graine s’altérerait s fi elles
pourriffoient, elle ferait toute perdue.
Beaucoup de cultivateurs fon t, avec la bêche
des foflés d’ un pied de profondeur & de fix à huit
pouces de^ largeur autour de ces tas ou meules
pour empêcher que les mulots, les campagnols &
autres rongeurs , qui tous' aiment beaucoup la
graine de Sarrafin, né viennent la manger. Ces
!ofies font préférables aux appâts empoifonnés que
d’autres emploient pour arriver au même but.
Foye^ Mulot.
Je ne puis indiquer le temps pendant lequel le
Sarrafin doit reftër en meule , puifqu’il dépend de
la féchereffe du climat ou de la faifon, ainfi que de
fon degré de maturité. On juge qu’il eft bon à
battre , à l’ infpeétion. '
Il eft des cultivateurs qui battent légèrement le
S-rrafin auffitôt qu’il eft arraché ou coupé, pour
le battre un,e féconde fois à fond lorfqu’ il eft
de (léché. Par-là , ils. obtiennent plus de graines;
mais la première n’eft pas aufii bonne, parce
qu’elle n’eft pas toute également mûre, & qu’elle
ne mûrit plus.
La réparation des graines du Sarrafin, des dér
bris des tiges & des feuilles, ainfi que des ma»
rières étrangères qui s’y trouvent mêlées, s’effeâue
au moyen du van, & n’eft pas plus difficile que celle
des céréales ( voyq; Vanage) ; mais il n'en eft pas
de même.de la.réparation des graines non mûres,
de celles qui le font. Il faut une grande habitude
d’opérer pour la bien faire, & encore beaucoup de
bonnes graines forcent-elles avec les mauvaifes, ou
beaucoup de mauvaifes reftent-elles avec les bonnes.
Le premier cas eft préférable quand la graine
èft deftinée à être femée ou à être réduite en farine ;
car la mauvaife graine donpe toujours des produc-
| tions plus foibles, & fa farine s’altère aifément.
Le fécond cas eft fansconféquence lorfque la graine
eft deftinée à la nourriture des beftiaux ou de«
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tufeaux. Rarement la bonne graine, fait plus du
tiers de la totalité. \
La graine de Sarrafin vannée s’étend fur des
toiles a l’air , ou fur le plancher d’un grenier , &
fe remue d’abord tous les jours, enfuite tous les
deux ou trois jours , toutes les femaines, jufqu’à
ce qu’elle foit complètement lèche; après quoi on
la met dans des facs ou dans des tonneaux défoncés
d’un bout. .
Autant que poffible on doit faire .emploi de la:
graine, de Sarrafin. dans les dix-huit mois qui
fuivenç fa récolte; cependant on peut la garder
jufqu’à deux ans, mais alors elle a. perdu une
partie de fes bonnes qualités. Elle n’eft'pas fuf-
ceptible d’être employée à l’ approvifionnement
’des vailfeaux pour les voyages de long cours. ;
La graine de Sarrafin eft du goût de tous les
beftiaux-& , de toutes les volailles; elle engtaille
rapidement les uns & les autres. Quelque grand
que foit fon emploi en France fous ces rapports,
il eft à defiret qu'il s'étende encore davantage. Sa
farine eft médiocrement blanche ; on ne peut la
foumettre à la fermentation panaire ( v o y e ç Pain) ,
mais on en fait de la fort bonne bouillie, futtout
au dire des perfonnës qui y font accoutumées dès
l’enfance , & des galettes fort no unifiante s. C ’eft,
comme je l’ai déjà annoncé, dans les .montagnes
du centre de la France . & fur les côtes de la ci-
devant Bretagne quelle eft meilleure & qu’on
l’aime le plus. Je n'ai jamais pu deviner pourquoi
elle eft amère dans quelques cantons. Elle fe garde
peu de temps au même degré de bonté, un mois de
plus, de- forte qu’ il faut n’envoyer la graine au
moulin qu’à mefure du- befoin.
Cette farine, délayée dans l’eau tiède, eft préférable
au grain pour l ’engrais des beftiaux & des
volailles. .Foyei E n g r a i s Boe u f , M o u t o n ,
C o c h o n , P o u l e , D i n d o n & O i e .
Les beftiaux ne recherchent pas infiniment la
fane du Sarrafin lorfqu’elle eft verte ; elle a même
des inconvéniens pour eüx:, puifque fes fleurs les
enivrent j cependant tous la mangent.
Aux environs deMortagne, le Sarrafin fe cultive
uniquement pour le couper en vert & le donner
aux boeufs qu’on veut engraifief.
Dans beaucoup d’autres lieux on en nourrit les
cochons, quoiqu’il foit connu qu’il les enivre
lorfqu’ ils en mangent pour la première fo is , &
qu’il procure peu de confiftance à leur lard.
On a propofé de couper toujours les pieds du
Sarrafin au lieu de lès arracher, afin que , re-
pouffant, ils donnent un pâturage ; mais, fous la
confidération de la quantité & de la qualité de la
graine, il eft mieux de les arracher; & fi on- les
coupe, il eft plus profitable d’enterrer leur repouffe
que de la faire manger.
Les fanes fèches, lorfqu’elles ne font pas moi-
fies, fe donnent aux beftiaux, fort feules, foit,
mêlées avec d’autres fourrages, & il ne paroît
pas qu’elle leur caufe du mal- Lçrfqu’elles font
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moi fie s, on les jette fur le fumier, donc elles
améliorent beaucoup la qualité, ou on les brûla
pour chauffer le E;r.r, & encore mieux pour en
faire de la potaffe, dont elles donnent plus du
quart de leur poids, d’après les expériences de
Vauquelin. V o y e \ Pota-sse.
Les fleurs du Sarrafin fecrètent beaucoup de
miel ; elles font abondantes, & elles durent
jafqu’aux approches .des gelées; aufii les pays où
on cultive beaucoup cette plante font-ils riches en
miel;, aufii les propriétaires d'abeilles. doivént-ils
en femer exprès^ pour elles. Le miel récolté fur
le.Sarrafin n’eft pas très-blanc, témoin celui du
Gâtinois , fi connu à Paris, & encore plus celui
de Bretagne , mais il eft bon. La cire qu’il donne
eft la plus facile à blanchir. F o y e ^ Miel ,C ire
& A beille. ,
'Je reviens à l’emploi du Sarrafin comme engrais
, en l’enterrant en vert, emploi dont je n’ai
pas encore parlé affez -au long.
La préférence que mérite cette plante, fous car
rapport, eft fondée, i®. fur ce qu’elle croît rapidement;
2°. fur ce qu’elle tire la plus grande
partie de fa fubftance.de l’air ; fur ce qu’elle a
des feuilles nombreufes & des tiges épaiffes ;
4°. fur ce que fes feuilles 8c fes tiges font très-
aqueufes , fe pourriffent rapidement, & portent
en même temps dans la terre & l'humidité & les
principes nutritifs fi uéeeftaires à toute bonne
végétation, j
* C’eft principalement à raifôh de ces deux' dernières.
cireonftaoces que l’emploi du1 Sarrafin y
comme .engrais y eft fi avantageux dans les terres
fèches 8c arides,foit qu’elles (oient fablonneufesy foit qu’elles foient argileufes.
J’ai dit plus haut que le Sarrafin , pour être
enterré comme engrais, devoit. être femé, plus
éjiais que celui pour graines ; j’àjoùtérai qu’il doit
l’être d’autant plus, qu’on doit!’enterrer plus tôt.
En effet, on peut enfouir le Sarrafin pour engrais
, foit au moment où il commence à entrer
en fleur / foit lorfque la plupart de fes graines
font formées : dans le premier cas il refte peu
de temps fur pied, ce qui peut être convenable
relativement aux autres cultures ; dans le fécond,,
il fournit un engrais pluspuiffant.(Foy. Graine.)
Il eft des cultivateurs qui, dans la même année,
le font fervir d’engrais à lui-même, c’eft-à-dire,-
en fèment fur la même terre au printemps pour
être enterré, & en été pour donner de la graine.
Quelle que foit l’époque où on juge devoir enterrer
lé Sarrafin , il faut au préalable le rouler
ou le faire piétiner par un troupeau de boeufs,
par un troupeau de moutons, afin que les tiges
n’embarraffent pas la marche de la charrue & fe
placent dans les filions parallèlement les unes aux
autres. Quelques cultivateurs le fauchent pour
remplir les mêmes indications ; mais c’eft, à mon
avis, une dépenfe fuperflue.
Quelle augmentation de richeffes la France re