
Les Anglais favant que les Prairies deftinées a !
être pâturées au printemps doivent être compo-
lees de plantes différentes de celles dont on veut
récolter le foin ; en conféquence ils fèment les
premières en ivraie vivace , en trèfle blanc & en
plantain lancéolé , plantes regardées comme d’ une
médiocre bonté chez nous.
En Angleterre, au rapport d’Arthur Young &
de Marshall, on fait pâturer les Prairies femées de
l ’année précédenre par des moutons pour qu’elles
fe gazonnent mieux, & en effet le tallement, qui
eft la fuite de cette pratique, doit produire l’effet
defiré, lfoyc^ T aller.
On penfe différemment en France,-car on y
croit généralement que la dent des moutons nuit
beaucoup aux Prairies.
J’ai plufi-urs fois fuivi des troupeaux de moutons
paillant dans des Prairies naturelles, & je
n’ai jamais vu qu’ ils arrachaffenc l’herbe comme on
les.en accufe.
C ’ eft donc après le pâturage des moutons qu’il
eft le plus avantageux de charger une Prairie de
terre. Une Prairie qui vient d’être chargée de
terre doit être de fuite roulée, pour écrafer les
mottes & égalifer la furface.
A l’aide de cette transformation des terres labourables
en Prairies de légumineufes, & de ces
dernières en Prairies de graminées, on peut avoir
partout des Prairies artificielles qui ne différeront
pas des Prairies naturelles, & qui rivalife-
ront avantageufement avec elles, puifqu’elles feront
plus garnies de plus belle herbe.
Par Prés en plaine j’entends non-feulement ceux
d’ une vafte étendue qui fe trouvent fur le bord
des grandes rivières, mais encore ceux, fouvent
fi petits, qui fe voient dans des vallées pourvues
d’un maigre ruiff-au, parce qu’ ils font compoiés
des mêmes plantes , que les mêmes circonftances
peuvent s’y montrer, & qu’on doit leur appliquer
le même mode de culture.
Le nombre des plantes qui croiffent dans les
Prés en plaine eft bien moindre dans les catalogues
prëfentés plus haut que ceux de celles qui
compofent les Piés hauts & les Prés-bas; mais
— je dois obferver que plufieurs de celles qui font
indiquées comme propres à ces derniers peuvent
s’y trouver , lè paffage entr’ eux étant infenfible,
comme je l’ai déjà fait remarquer.
Au relie, ce nombre fuffît, puifque ces Prés
font généralement fort garnis de graminées, &
donnent des récoltes fort abondantes.
- D’antiques alluvions, en entaflant fur le bord
des rivières, tantôt l’humus produit par les végétaux
crus fur les montagnes, dont elles fortent,
tantôt les détritus des rochers qui compofoient
ces mêmes montagnes , ont formé le fol de la
plupart des Prairies en plaine. C e fol eft donc
tantôt excellent , tantôt médiocre, tantôt mauvais.
Voyc^ A l l u v io n , Mo n t a g n e , Riv iè r e ,
Sa b l e .
D'après ce que j’ ai dit plus haut, on devroit
croire qu’ on ne voit de Prairies naturelles que
dans les premiers de ces terrains, les feuls où elles
puiffent profpérer; mais la crainte, des déborde-
mens ne permettant pas de cultiver des céréales
dans beaucoup des derniers, on eft forcé de les
laiffer également fe couvrir d’herbe.
Il faut donc que je donne des indications fur
ce qu’ il convient de faire pour tirer le meilleur
parti poflible des Prairies exiftantes fur ces tiois
fortes de terrains.
Les bonnes Prairies ont quelquefois plufieurs
toifes de profondeur d’excellentes terres : elles
devroient donc être feïtiles jufqu’à la fin des
fiècles ; mais comme les racines des graminées
n’ont que quelques pouces de longueur, & que
celles-des autres plantes qui entrent dans leur com-
polulon (la luzerne peut être exceptée), ne s’étendent
guère au-delà d’ un pied, leur furface s’épuife
comme celle des Prairies hautes ; elles font par
conféquent foumifes comme elles à la loi de l’ affolement,
& par fuite devroient être, comme elles,
labourées de loin en loin pour recevoir une culture
de plantes différentes. Jadis on craignoit
de les Rompre ( voyei ce m o t ) , parce qu'elles
ne«payoient pas la dïme tant que la charrue ne
les avoit.pas retournées, mais y étoient affujet-
ties dès qu’elles avoient produit une récolte de
céréales.
Dans beaucoup de lieux, ces excellentes terres
font recouvertes d’une grande épaiffeur de fables
peu ou point fertiles, & il faudroit, pour les en
débarraffer ou les mélanger avec elles, une trop
forte dépenfe pour qu’ il foit profitable de l’entreprendre.
J’appelle , dans le cas préfent, terres médiocres
celles qui font mélangées avec plus de moitié
de ce fable , & terres mauvaifes, celles qui font
compofées de fable prefque pur.
Ces deux dernières fortes de terres ne peuvent
s’ améliorer que par des engrais, & de la même
I manière que les Prairies hautes, hors le cas
fuivant.
i Le plus fouvent les Prairies des bords des ri-
1 vières tiennent la place d’une partie du lit ancien
■j de ces rivières, lit qu’elles ont abandonné à me-
! fure que i’abailfement des montagnes, que la mul-
| tiplicité des défrichemens- rendoit moindre le
; volume de leurs eaux. (Voye% E au ^ T lu ie .)
, Mais il arrive fréquemment, qu'à h fuite des fon-
[ tes de neige ou des grandes pluies, à la fuite des
| violens orages, ces rivières reprennent momen-
j tanémént l ’ancien volume de leurs eaux, & recou-
| vrent plus ou moins long-temps le terrain qu’elles
avoient abandonné. V^oyeç Débordement.
i Mais un débordement pouvant arriver à toutes
les époques de l’année, pouvant durer quelques
j heures, quelques jours, quelques femaines, même
quelques mois, pouvant fe faire avec lenteur ou
[ avec violence, pouvant être-formé d’eau claire.
d’ eau boueufe, d’eau chariant des fables, agit fur i
les trois fortes de Prairies dont il eft queltion en j
ce moment, de beaucoup de manières différentes.
Ainfi, s’ il a lieu en hiver , feulement d’eau
claire & lentement, il ne fera qu’ introduire dans
la terre des Prairies une humidité avantageufe ,
s’il ne dure pas trop long-temps, ou s’ il ceffe au
moment où les plantes entrent en végétation.
Le même, pendant fé t é , altérera, même pourrira
le foin s’il n’e’ft pas coupé, & le difperfera
s’il l’ eft.
Le même, à quelqu’époque que ce fo it , s’ il a
lieu avec violence, creufera des ravines, entraînera
les terres, déracinera les arbres, &c. Voyt%
T orrent.
Ainfi, s’il a lieu en hiver avec de l’eau boueufe,
& lentement, outre cette humidité, il dépofe
fur les Prairies une vafe fertilifante dont les effets
fe font fentir avantageufement, fouvent pendant
plufieurs années.
Le même, pendant l’é té , rouillera au moins le
foin non cou pé, & tortillera , pourrira , difperfera
celui qui’ le fera; s’ il fe fait avec violence, il
caufera les mêmes dégâts que celui de l’hiver.
Mais il y a deux fortes de foins rouillés, celui
qui l’eft par le dépôt vafeux d’une inondation, &
celui qui l ’eft par la préfence d’ uoe efpèce de
champignon parafite interne. Voye% Rouille.
A quelqu’époque de l’année que ce foit, lès/dé-
bordemens qui tranfportent des fables nuifent aux
Prairies qu’ ils recouvrent. Voye^ Alluvion.
Sur les Prairies médiocres & mauvaifes , iesdé-
bordemens d’eau boueufe font, comme on peut
bien le croire, fort avantageux, puifqu’ ils augmentent
la couche de bonne terre à leur fuper-
fu ie , & que c’eft là qu’il eft le plus important
qu’elle fe trouve. Au contraire, ceux qui tranfportent
des fables dégradent leur bonne nature.
On doit encore confidérer les Prairies en plaine
comme pouvant être ou ne pouvant pas être ar-
Tofées à volonté par la déviation d’ une rivière ,
d’un ruiffeau, d’un étang, ou par des machines
.hydrauliques qui vont chercher l’eau dans la
te r re , &c.
Quoique les avantages de l’ irrigation pour les
Prairies en bon fonds foient moins marqués que
pour les Prairies hautes, cependant ils font indubitables.
11 faut donc s’y livrer lorfqu’on le peut,
mais avec modération; car les meilleures efpèce s
de plantes qui peuplent ces Prés font voifines deN
celles des Prés hauts, & les plus mauvaifes voi-
fines de celles des Prés bas. En exagérant lesarro-
femens, on rifque .donc de faire périr les unes &
de favorifer la production des aurres J’ai quelquefois
vu de ces arrofemens inçonfidéré$,furtout
de ceux faits après la première coupe, pour favorifer
la pouffe au regain, dénaturer complètement
une bonne Prairie, ou la rendre dangereufe pour
les moutons pendant tout le relie de la faifon.
Les époques où on doit mettre l’eau dans les
Prés font, 1e. à la fin de l’hiver , avant ïa poufte
des herbes; elle y ' reliera long-temps pour que
la terre en foit profondément imbibée : on fuit
aficz généralement cette pratique, quoiqu’elle ait
l’ inconvénient de retarder la poufte; i ° . lorfque
l’herbe eft à moitié de fa croiffance ; c ’eft principalement
dans les années fèches & les terrains
arides qu’on le fait; 30. après la coupe des foins
pour la recrue des regains.
Une irrigation de fix pouces de hauteur d’eau ,
non-feulement produit l'effet déliré, mais même,
en mettant les racines à l’abri des variations de
l'atmofphère, accélère la poufte du foin au printemps.
C e fait eft connu en Italie, mais je ne l’ ai
jamais entendu citer en France, quoique je l’y aie
remarqué. Je ne parle pas ici des irrigations par
eau de fources, dont il a été parlé plus haut, ma’.s
uniquement de celles fournies par les rivières &
les érangc.
Ce que je viens de dire ne s’applique pas autant
aux Prairies des plaines dont le fol eft kblonneux,
parce que cette forte ne garde pas l’eau aulh longtemps.
Je ne parlerai point des diverfes manières d’ar-
rofer les Prairies , en ayant affez longuement traité
au mot Irrigation.
Répandre, à la fin de l’hiver, des balles de céréales
(menue paille) fur les Prés, pour en garantir
l'herbe pouffante des effets du haie & de la
déperdition de la chaleur, eft d’ autant meilleur
qu’ il en réfuite de plus un engrais. Voye[ Paille
MENUE.
Prefque partout on proferit les arbres des Prés,
fous prétexte qu’ils altèrent par leur ombre l’herbe
qui les entoure. En effe t, l’ombre l’étio’e plus
ou moins; mais cet étiolement ne peut être regardé
comme nuifant à fa qualité d’une manière
remarquable, que lorfque l’ombre eft permanente,
par exemple, au nord d’une haie fort élevée ; en
conféquence, je voudrois que les Prairies en
plaine, comme les Prairies hautes & les Prairies
baffes, fuffc.nt entourées de haies. Les excellentes
Prairies de Normandie , où on engraiffe tant de
boe u fs , ne font-elles pas dans ce cas, & s’en
plaint-on, quoiqu’il y ait dans ces haies des arbres
de là plus haute ftature ?
Par des lois qui remontent aux fiècles de la
barbarie, beaucoup de Prairies en plaine font in-
divifes entre leur propriétaire & tous les habitans
de la commune, & fouvent de beaucoup de communes,
c’eft-à-dire, qu’ il n’ a que la coupe de la
première herbe, que,dès qu’elle eft fauchée ,
ces habitans ont le droit d’envoyer leurs beftiaux
fur ces Prairies jufqu’au printemps fuivant. Dans
d’autres lieux, ce droit ne s’exerce par les habitans
qu’après la coupe de la fecônde herbe. Avec de
tels droits , on n’aura jamais une bonne Prairie $
aulïi eft-il bien à defirer que le Code rural en dé-
truife l’effet, foit,en autorifant le rachat forcé ,
lorfqu’ils font fondés fur un titre , foit en les fup