
de fon femis. Pour éviter l'inconvénient & profiter
de l'avantage ci-defïus, on leme la grainè de
Tabac dans une planche de jardin bien labourée &
bien fumée , d'une étendue proportionnée au terrain
qu'on veut eonfaCrcr à la culture du Tabac,
expofée au midi ou au levant, abritée des grands
v en ts , foit par des bâtimens, des bois, foit par
des paliflades, des paillaffons. C e femis s'exécute
pu à la volée & de manière que les graines foient
à peu près à deux pouces les unes des autres,
ou en rayons éloignés de fix à huit pouces.
Ces femis fe font, en Caroline, en mars, quelques
fours plus tôt ou plus tard, félon l'état de
l'atmofphère. Le plant levé s’éclaircit, fe bine &
s’arrofe lorfque cela devient néceffaire ; le But
eft de lui faire prendre raccroiffement Je plus ra-:
pide & le plus grand poflible.
A Au bout d’un mois, auflî quelques jours plus
tô t , quelques jours plus tard, autant que poflible,
par un temps pluvieux ou au moins couvert, les
terrains deftinés à la culture étant préparés comme
je i’ ai indiqué plus haut , & les plants ‘ayant au
moins cinq à fix feuilles, on les lève en mottes ,
après les. avoir arrofés, Se on les tranfporte dans
ces terrains, fur de larges paniers 5 là on-fépare les
plants, en faifant en forte de conferver à chacun
une portion de mette, 8c on les plante, au moyen
d'un plantoir, dans les places indiquées.
Cette opération doit être confiée à des manoeuvres
habiles , car d'elle dépend en grande partie
le fuccès de la récolte; les tiges inclinées, les racines
trop ou pas a fiez enterrées, trop ou pas allez
comprimées, retardant ou même empêchant la
reprïfe. Voye^ T r a n s p l a n t a t io n .
Lorfque la tranfplantation a é t é . bien faite &
qu'il pleut immédiatement, il n'y a pas d'interruption
dans la végétation des plants, & cette
végétation ne tarde pas même à s'accélérer, par le
motif dont j'ai parlé plus haut.
Des arrofemens dans la femaine & même dans
le mois qui fuit la plantation, en affinent le fuccès
lorfqu'il ne pleut pas s cependant on s'y refufe
fouvent, à raifon de la dépenfe ou de la diftance
de l’eau, la culture faire par des ëfclaves étant
non-feulement très-mauvaife, mais extrêmement
coûteufe, comme tout le monde le fait, & comme
j'en ai eu perfonnellement la preuve.
D'après les indications de diftance données plus
haut, un champ de cent pas carrés contient environ
dix mille pieds, que quatre à cinq hommes peuvent
cultiver, & qui doivent rendre, terme moyen,
environ quatre mille pefant de feuilles lèches.
Dix à douze jours après on vifite la plantation,
& on remplace les plants qui n'ont pas repris, lef-
quels font en petit nombre fi les précautions convenables
ont,été prifes.
Plus l’on donne de binages au plant, & plus il
profite. Il n’eftpas néceffaire que ces binages foient
profonds, mais ils doivent être faits de manière
à ramener chaque fois une partie de la terre vers
les pieds de Tabac. Voye^ Bu t t e r .
La croiffance des pieds de Tabac èft 'd’autant
plus rapide, que la fai fon'èft plus-chaude. Une fé-
‘cherefle trop prolongée lui nuit beaucoup, fur-
toiit dans les terres depuis long-temps défrichées
& éxpofëes au midi.
Unmois après la plantation du Taba c, quelques
jours plus tô t , quelques jours plus tard , félon les
progrès dé la fai fon & les bras dont on difpofe,
c’eft-à-dire, avant le fécond binage, on arrête la
croiffance du Tabac en hauteur, en'coupant avec
une ferpet-te, ou en la tordant, l'extrémité de fa
tig e , ainfi que tous les bourgeons qui fortent de
l'aiffelle de fes feuilles , pour que la fève refluant
dans les feuilles,' les ;faffe d’autant plus grandir.
Voye^ E cimage & Pin cem ent.
Souvent il pouffe des rejetons des pieds de
Tabac, furtout après qu'ils ont été pincés. On
doit les enlever rigoureufement à mefure qu’ils fe
montrent, car ils huilent beaucoup aux feuilles.
Après qu'on a écimé ou mieux pincé un pied,
on enlève avec précaution, c'eft-à-dire* en les
tordant à un ou deux pouces de la tige, ou mieux
en les coupant avec une ferpette ou des cifeaux,
les deux ou trois, feuilles inférieures qui ne font
plus dans le cas de grandir, 8e que la terre a faliesj
on enlève également celles qui font altérées, foit
par accident, foit par maladie, foit par les che-
rviiïes. Huit à douze feuilles1 font tout ce qu'on
doit demander à chaque pied fi on veut qu’elles
foient belles.
Ces opérations ont une grande influence fur les
réfültats de la récolte5 ainfi elles doivent être dirigées
par Un chef inftruit par une longue pratique,
& exécutées par des ouvriers intelligens. Les pieds
foibles doivent être pincés plus bas que ceux qui
font vigoureux. ( Voyc^ T a il l e . ) La pluie en
favori fe beaucoup les rëfultats.
Les pieds 'malades, même ceux qui font beaucoup
plus foibles que les autres, ainfi que ceux
dont lesfeuilles intermédiaires font totalement dé-
forganifées, s'arrachent pour donner plus d'efpace
aux autres. En général , il m'a paru qu'on rappro-
choit trop les piéds de Tabac dans les bonnes terres
de la Caroline, & que cela .nuifoit au développement,
ainfi qu’àMé qualité des feuilles.
Il faut ordinairement cinq à fix Semaines au
Tabac, après’ avoir été pincé, pour amener fes
feuilles à maturité. Pendant? cetefpaced e temps,
it reçoit encore au moins deux binagési'& autant
de nouveaux émondages qü'il eft néèèlfâire; car,
je le répète, mieux on force la févë à refluer dans
les feuilles, & plus ces feuilles deviennent grandes,
ik leur grandeur eft le but vers lequel * on doit
tendre.
Les grands vents nuifent beaucoup aux plantations
de Tabac en Caroline comihe partout ailleurs
, en déchirant fes feuilles, qui, par leur
largeur, leur donnent beaucoup de prife; Il n’y
a d’autres moyens de s'oppofer à leurs défaftreux
effets, que de choifir, pour faire ces plantations,
un terrain garanti naturellement par des montagnes
ou des forêts , comme je l’ai déjà fait con-
noître, ou par des abris artificiels, tels que des
murs, des haies, & c . Mais, difent les cultivateurs,
nous n'avons ni le moyen de faire conf-
truire des murs, ni le temps de faire planter des
haies. Vous avez deux moyens fort économiques
d'y fuppléer, leur répondrai-je, en entourant les
champs que vous deftinez à la culture du Tabac,
& qu’alors vous ne ferez que de quelques
toifes de large, de deux à trois rangs de topinambours,
efpacés de cinq à fix pouces, ou de quatre
rangs de haricots à rames, dont deux feront mis
en terre en même temps que le Tabac, & deux un
mois plus tard. Les rames étant appuyées fur des
perches tranfveifales, elles réfilteront fuffifam-
ment aux efforts des vents.
Les pluies d’orage font aufli beaucoup de tort
aux feuilles de Tabac en Caroline. 11 y grêle rarement.
Les animaux fauvages, tels que les cerfs & les
ours; les animaux domeftiques, principalement
les chevaux & les vaches, doivent être écartés
des plantations.
Une ou deux chenilles, auxquelles il faut faire la
chaffe, en dévorent les feuilles.
L’époque de la maturité du Tabac eft indiquée |
par le changement de couleur des feuilles, & par
rabaiffement de leur extrémité vers la terre. Alors
on doit couper les pieds immédiatement après la
difparition de la rofée, les lailfer faner en petits
tas qu’on retourne deux ou trois fo is , & les ap-"
porter à la nuit dans la café ou fous le hangar
deftiné à les recevoir. Là, on les étend fur le
folle plus également poflible, on les couvre de
nattes ou de toiles, on les charge de planches &
de pierres, ou de bûches, 8c on les laiffereffuyer
& fermenter pendant trois ou quatre jours.
Les cafés ou hangars dont il eft ici queftion
font bâtis en bois, à la portée des plantations,
fouvent fort loin de la maifon d’habitation, afin
de ménager les frais de tranfporr. Prefque toujours
elles font revêtues de planches dans la portion inférieure
de leur pourtour, & leur toit fait une faillie
telle que la pluie ne peut pénétrer par la partie
5N eft reftée ouverte. Les pourvoir d’ un plancher
a un.pied au-defliis du fol eft toujours avantageux.
Leur grandeur 8c leur nombre font proportionnés 1 étendue de la culture. Elles ne doivent pas avoir
moins de quinze à feize pieds de hauteur au-def-
fous du toit. Dans cette hauteur font fixés, de
cinq pieds en cinq pieds, trois rangs de traverfes.
Après que les pieds de Tabac ont fuffifamment
reffuyé ou fermenté, on les difpofe en petites
bottes en les liant deux, trois ou quatre par le
gros bout, 8c on fufpend ces petites bottes, la
tête en bas, lur des bâtons ou gaulettes qu’ on
tiuge, fans les trop preffer, dans les intervalles
8c appuyés fur les traverfes du hangar, en commençant
par le haut. La defliccation de ces
pieds s'opère avec lenteur, 8c pendant fa-durée,
qui fe prolonge plus ou raoins lelon l ’état de l ’at-
mofphère, la maturité des feuilles fe complète
au moyen de la fève qui eft reftée dans la tige. Il
n'y a pas d’ inconvénient de biffer ainfi fufpendus
les pieds de Tabac quelque temps après leur defliccation
; ainfi les opérations fubféque.ntes peuvent
être laites au moment le plus commode.
Il m’a femblé, en obfervant en Caroline les travaux
ci-deffus, que la pratique de mettre reffuyer
ou fermenter les pieds de Tabac pendant trois ou
quatre jours avant de les fufpendre dans le féchoir,
étoit plus nuifible qu’utile, 8c je l’ai dit au planteur
chez qui je me trouvois; mais il a défendu
fa pratique ëbrnme on défend ici celle du Ja v e l -
lag e de 1’A vo in e (yoy. ces mots) , c'eft-à-dire,
en fe fondant fur l'ufage 8c fur la diminution de la
valeur qu’éprouveroit fon Tabac dans le commerce',
s’il ne la fuivoit pas.
Après leur entier defféchement, 8c par un temps
humide, pour éviter la pulvérifation des feuilles,
on détend les pieds de Tabac 8c on les met de
nouveau , en les couchant avec précaution les uns
fur les autres, dans leur longueur, fur l’aire de la
café ou du hangar, ou fur des claies, à l’air libre,
en un tas très-épais qu’on couvre comme la première
fois. Ils relient ainfi difpofés de huit à quinze
jours , quelquefois plus quand le froid fe fait fen-
tir. Une fermentation qui va même quelquefois
jufqu’à enflammer le tas, fe développe dans ce
Tabac. Il faut en fuivre les phafes en introduifanr,
une ou deux fois par jour, le bras nu dans le tas
pour juger du point où elle eft arrivée par le degré
de chaleur qui s’y développe : le taét, lorfque
c’eft un homme exercé, guide p’us fûrement, dans
ce cas, que le meilleur thermomètre. On modère
cette fermentation dans le b ffoin , en défaifant les
tas pour les reconftruire plus ou moins promptement
dans le voifinage, en mettant à la furface ce
qui étoit au centre. Un Tabac qui a trop fermenté
a perdu de fa qualité autant qu’ un Tabacqui n’a pas
affez-fermenté manque d'en acquérir. Cette opération
eft fans contredit la plus difficile à bien
conduire de toutes celles que font les planteurs fur
le Tabac de leur récolte; elle n'admet pas de rè-
-gle générale, & fon fuccès dépend principalement
de l’habitude 8c des foins de celui qui en eft chargé.
Combien de Tabacs font perdus ou beaucoup diminués
de valeur, paçce que la furveillance en eft
confiée à des efclaves fans intelligence & fans
bonne volonté !
Lorfque la fermentation du Tabac eft arrivée à
point, on détruit les tas Sc on détache, une à une,
les feuilles des tiges pour les réunir, en les appliquant
proprement les unes fur les autres, dans le
même fens, en tas de dix à douze , tas qu'on lie
enfemble parles gros bouts (les pétioles ), & qu’on
fait une fécondé fois fécher fur les bâtons ou gau