
De-là le préjugé, exiftant dans quelques lieux, que
les arbres fe changent les uns dans les autres.
Ces faits ont certainement frappé les cultivateurs
dès les temps les plus reculés 5 mais ils n’en
ont pas fu tirer parti pour augmenter les produits
de leurs cultures en en diminuant la dé-
penfe. Ce n’eft que dans le milieu du fiècle dernier
que les principes ont été pofés & ont commencé
à être appliqués. Aujourd'hui même on ne fuit pas
encore, à beaucoup près, partout ces principes}
mais on marche généralement dans la route qui
doit conduire à leur adoption, & il eft à croire
qu’encore quelques années, & le fol français jouira
de tous les avantages qui font la fuite d’un bon
A ssolement. Voye^ce mot, ainfi que ceux Alterner,,
Jachère & Sol.
Les caufes qui obligent à faire fuccéder les cultures
les unes aux autres font encore imparfaitement
connues} cependant il eft certain, d'après
l’obfervation, que l’une d’elles eft l’épuifement
des principes fertilifans exclufîvement propres à
telle ou telle plante. En effet, d’un côté, plus la
terre eft dépourvue d’humus, c’eft-à-dire, eft
maigre, eft ftérilê, plus telle plante y a été femée,
& moins la plante y fubfifte d’années fucceffives.
Plus une plante peut alonger chaque année fes racines
, c’eft-à-dir'e, changer de place les fuçoirs
qui les terminent, & plus elle eft dans le cas de
lubfifter long-temps dans le même lieu. De l’autre,
plus une plante porte de graines ou de groffes
graines, & plus elle épuife promprement le fol,
& par conféquent moins elle peut fubfifter longtemps
ou revenir /ouvent dans le même champ:
auffi eft-il conftaté que les plantes annuelles, cou-
péës avant la formatiomcomplète de leurs graines,
peuvent être refemées fans une diminution très-
fenfible de leurs produits futurs, dans ce même
terrain, & que les plantes vivaces qu’on traite de
même y fubfiftent bien plus long-temps.
Les céréales, & principalement le froment &
l’orge, les plus épuifantes d’entr’elles, montrent
chaque année des exemples innombrables du premier
cas , & les prairies naturelles & artificielles
du fécond.
Voici les .principes pofés par mon collègue
Yvart dans fon Traité des Affolemens, relativement
à l’objet qui nous occupe dans ce moment.
« Pour déterminer le retour périodique plus ou
•moins fréquent des mêmes végétaux fur le même
champ, le cultivateur doit prendre en confidéra-
tion la nature plus ou moins épuifante de ch^ue
végétal, d’abord relativement à fon organifation
& à fa végétation particulière , & enfui te relativement
ail mode de culture auquel il doit être
fournis.
« Il eft généralement avantageux de -reculer le
plus poffiblè le retour des mêmes végétaux fur le
même champ, ainfi que celui des efpècês du
même genre & des individus des mêmes familles
naturelles. Ce retour doit être d’autant plus différé
pour chaque végétal, que fon analogue aura
occupé originairement le fol plus long-temps 8c
l’aura épuifé.
» Lorfqu’on croit devoir admettre dans un af-
folement des cultures qui d’une part exigent des
engrais abondans, & de l’autre fourniffent des
produits qui ne font pas reftitués en grande partie
au fol, fous une nouvelle forme d’engrais, il eft
prudent de ne pas rendre leur retour fréquent, 8c
de les intercaler avec d’autres cultures tout à la
fois moins exigeantes & plus reftituantes.
39 On appelle cultures épuifantes celles qui font
deftinées à donner des graines, comme le froment,
l’orge , le chanvre, le pavot, le colza, &c., 8c
cultures refiituantes celles dont les produits fon$
coupés bien avant la maturité de leurs graines,
comme toutes les plantes annuelles qui fe fèmenc
pour fourragé,, & les prairies .naturelles & artificielles
qu’on ne réferve pas pour graines.
99 C’eft un avantage que d’intercaler la culture
des végétaux à racines profondes, pivotantes &
tuberculeufes, avec celles dont les racines font fu-
perficielles, traçantes & fibreufes. »
La culture des plantes à racines pivotantes a
l’avantage d’utilifer les principes fertilifans que les
céréales & autres plantes à courtes racines ne
peuvent aller chercher.
Olivier, de l’Inftitut, dans fon Mémoire fur
quelques infeCtes qui rongent les céréales en herbe
& nuifent beaucoup par-là au fuccès des récoltes;
établit fur ce fait la néceffité d’altérner les cultures.
En effet ,,ces infeCtes ne fe reproduifent
que parce qu’ils trouvent toujours des céréales
à leur portée} mais fi on leur fait fuccéder, par
exemple, la pomme de terre , enfuite des plantes
oléagineufes, des prairies artificielles, des raves,
&c. 8Éc., la férié de leurs générations fera nécef-
fairement interrompue, & ne pourra plus fe rétablir
par la même caufe, puifque ce n’eft pas en
une feule année que le nombre de ces infeCtes eft
dans le cas de devenir affez grand pour nuire.
La plupart des efpèces de plantes tiennent à des
groupes qu’on appelle familles, & dont les autres
efpèces ont non-feulement des caractères communs,
mais même des propriétés communes;
ainfi ces efpèces ne pourront pas être fubftitüées
les unes aux autres avec autant d’avantages qu’à
des efpèces de genres fort éloignés dans leur ordre
naturel. Par exemple, l’avoine ne croîtra pas fi
bien après le froment que la vefce, la vefce'
après la fève de marais que la pomme de terre,
&c.Il faut donc que les cultivateurs prennent une
idée générale des principes"de la botanique, pour
pouvoir fe diriger avec certitude dans le choix des
plantes qui doivent être fubftituées les unes aux
autres.
En Europe , dans la grande culture, les trois
familles entre lefquelles alternent le plus fouvent
les cultures, font leîf Graminées , les Lêgumineuf*
& les Crucifères. Hors d’elles il n’y a plus que
quelques plantes ifolées, comme la pomme de
terre, le chanvre, le lin, le pavot, le topinambour,
la betterave, la carotte 8c le panais qui leur
foient fubftituées.
Les agiiculteurs anglais, au-nombre defquels
il faut mettre Arthur Youg en première ligne, fe
font beaucoup occupés de rechercher, par des expériences
directes 8c comparatives, quelles étoient
les plantes de familles éloignées qui fe remplaçoient
avec avantage, & ils nous ont fourni un grand
nombre de faits qui ont été confirmés par la pratique
des agriculteurs français, & entr’autres par
celle de mon collègue Yvart. Si je faifois ici un
Traité des affolemens, je devrois fans doute rappeler
ces faits} mais comme il en a été queftion
aux articles de chacun des objets qui entrent dans
la férié de nos cultures, je dois r e borner à y
renvoyer le leCteur.
Si les cultivateurs, n’a voient pour but que la
plus grande production poffiblè dans un efpace de
terre donné, ils ne devroient y remettre la même
planté que lorfque tous les autres objets de leurs
cultures y auroient paffé , c’eft-à-dire, après des
fiècles} car les forêts de chênes qui peuvent fub-
fifter trois & quatre cents ans dans un bon fol,
font auffi partie de ces objets. Mais ils ont bien
d’autres confidérations à combiner avec celle-là,
telles que la nature du terrain, du climat, de l’ex-
pofition, les avances dont on peut difpofer, l’intelligence
du cultivateur} telles que les befoins de
fa famille, la néceffité de préférer les articles qui.*
fe vendent le plus facilement & le plus avantageu-
fement, que l’on peut faire femer, récolter ou manufacturer
avec le moins de peine, que l’on peut
conferver le plus long-temps, &c. &c. Par exemple,
on ne,pourra pas femer utilement du colza
dans la craie, cultiver l’olivier (fins les plaines
des environs de'Paris, la vigne au nord des hautes
montagnes. Celui qui n’a pas dé fortune ne
pourra acheter les beftiaux, les inftrumens aratoires,
payer les ouvriers employés, &c.} celui
qui n’a pas d’inftruCtion ne faura pas tirer parti
des circonftances favorables ou éviter les'accidens.
Quel eft le cultivateur ifolé qui pourra fe difpen- :
fer de femer du froment ou du feigle pour fà fub- :
fiftance, de l’avoine ou de l’orge , des fourrages i
de plufieurs fortes pour celle de fes chevaux?
Ne feroit-ce pas une folie que de cultiver du
houblon dans les pays à vin, de faire du chanvre
dans les pays où la population eft rare ou la main-
d oeuvre chère 3 de chercher à récolter des pom- j
mes de terre, des navets, &c., plus qu’on ne :
peut en vendre ou, en confommer? Par fuite, on
peut juger que la conftruCtion d’un chemin, d’un
canal, l’établiffement d’une grande manufacture ,
peuvent changer l’objet de la culture d’un
canton, & par conféquent la férié delà Succeffion
des plantes qu’on y cultive.
A rai fon de leur plus longue durée & du peu
de dépenfe de leik.-entr.euenainfi que de la néceffité
d’avoir un grand nombre de beftiaux pour
obtenir beaucoup d’engrais, les prairies naturelles,
les prés-gazons & les prairies artificielles font in-
difpenfables à toute exploitation rurale bien diri-
I gée. Or, il fe peut que leur néceffité force de
j reftreindre la culture des céréales ou autres plantes
I plus que la théorie ne l’exige. Il en eft de même
! de celle des céréales dans les pays de montagnes
arides, qui n’offrent que peu de localités qui la
permettent.
Il eft cependant un cas où le principe de la
Succeffion des cultures ne doit pas etre fuivi 3 c’eft
lorfque la terre eft naturellement trop fertile ou
qu’elle a été trop fumée; le froment qu’on y fème
alors pouffant trop en paille & donnant peu de
grain, il convient de la dégraiffer enyfemant plufieurs
fois de fuite cette céréale ou une autre.
Voy*% Feuille 6* Écimage. ( Bosc. )
SUCCION DES PLANTES : faculté dont
jouiffent les plantes d’attirer dans leurs tubes fé-
veux l’eau pure ou l'eau chargée de principes nutritifs.
On a attribué cette faculté à la propriété capillaire,
& , en effet, l’eau monte dans une branche
fèche ; mais cependant cette explication n’eft
pas fuffifanto, puifque, dans ce cas,.l’eau ne
monte qu’à une certaine hauteur, que lorfque
la plante eft vivante, elle monte jufqu’à l’extrémité
des rameaux & dans toutes les feuilles : il
faut donc faire intervenir l’aélion du principe
vital.
Les effets de la Succion des plantes fe font remarquer
de tous les cultivateurs, lorfqu’après un
jour très-chaud, les plantes ayant leurs feuilles
fanées, on les arrofe. Peu d’inftans après cette
opération, les feuilles fe relèvent & offrent la
même apparence de vie qu’elles avoient le matin.
La Succion eft plus rapide, i°. quand la plante
eft expofée au foleil, quand l’air eft plus fec,
quand il fait plus de vent, la chaleur étant la
même} 20. quand il y a plus de feuilles ou de plus
grandes feuilles ; 30. au printemps qu’à aucune
autre époque de l’année; elle eft très-foible en
automne.
_ Les jeunes feuilles tirent moins d’eau que les
vieilles, les herbes que les arbres.
L’air joue un rôle dans la Succion des plantes ,0
car lorfqu’on met une plante fous un récipient
elle eft proportionnée à la capacité de ce récipient.
V~oye^ SÈVE, T R A N STI R A TIO N , CIRCULATION
, VÉGÉTATION. ( B o s c . )
SUCCISE.: nom fpécifique d’une Scabieuse..
SUCCOWIE. Su g co w ia .
Genre de plantes établi pour la Buniade des
îles Baléares, qui 11e poffède pas les caractères
des autres. Voye^ ce mot. (B o s c .)
SUCCULENT. Ce qui contient du fuc. Les
pqir.es fondantes font fucculentes, les joubarbes