
S A F
SAFRAN. Cr o cu s .
Genre de plantes de la triandrie monogynie 8c
de la famille des Liliacées, dans lequel fe rangent
huit efpèces , dont une eft l’objet d’ une culture
importante pour quelques pays, & dont plufieurs
fe voient dans nos jardins ou nos écoles de botanique.
11 eft figuré pl. 30 des IlLuftrations des
genres de Lamardc.
Efpèces.
1. Le Safran cultivé.
Crocus fativus. Linn. of Du midi de l’Europe.
2. Le Safran printanier.
Crocus vernus. Linn. “ty Des Alpes.
3. Le Safran jaune.
Crocus luteus. Lam. if De Alpes.
4. Le Safran d’automne.
Crocus autumnali.s. Lam. if Du midi de l’Europe.
ƒ. Le Safran à ftigmate déchiré.
Crocus multifidus. Ram. if Des Pyrénées.
6 . Le Safran à deux fleurs.
Crocus kiflorus. Redout. % De..-..
7. Le Safran de Suze.
Crocus fu^ianus. Redout. "if De l’Afie mineure.
8. Le Safran nain.
Crocus minimus. Redout. 2f De la Corfe.
Culture.
. Toutes ces efpèces fe cultivent dans nos jardins
ou dans nos écoles de botanique. Les plus
communes font les trois premières , & la plus belle
la fécondé. Long-temps on a confondu les fix dernières
avec celle-ci, connue des jardiniers fous
le nom latin de crocus.
La culture des Safrans dans les jardins fe borne
à les planter foit en touffes en automne , foit en
bordures, 6c à relever leurs oignons tous les trois
à quatre ans pour les changer de place & féparer
les caïeux, car iIs épuifent la terre comme toutes les
autres plantes. De plus, ils fe gênent réciproquement
lorfqu’ils font trop nombreux. Rarement on
les multiplie par des femis de leurs graines, attendu
que les pieds provenant de ces femis ne fleuriffent
qu’au bout de trois à quatre ans. Une terre légère,
fèche & maigre, eft celle qui leur convient le
mieux , car ils pouffent difficilement dans une
forte, pourriffent promptement dans une humide,
& ne donnent point de fleurs dans une trop fumée.
11 n’y a que les très-fortes gelées & les pluies permanentes
de l’hiver qui leur foient quelquefois
nuifibles.
Le Safran printanier offre des variétés plus ou 1
moins violettes, plus ou moins fortement ftriées.
11 f a i t , ainfi que le jaune, un fort joli effet pendant
tout ie mois de mars, & ne doit pas être ménagé
dans les parterres, ainfi que le long des allées
ou dans les corbeilles des jardins payfagers.
Leur précocité rend ces deux Safrans très-
propres à être cultivés en pot fur les cheminées
pendant l’ hiver ; auffi s’en fait-il, chaque année,
une grande confommadon à Paris pour cet objet.
Tous les oignons qui fe vendent font dans le cas
de donner des fleurs j 6c s'ils n’en donnent pas
toujours, c’eft qtï’on les a mis dans une trop bonne
terre , qu’on les a ou trop arrofés, ou trop privés
de la lumière.
On appelle Safran toute la plante, lorsqu’elle
eft en terre 5 on appelle de même feulement le
piftil de la fleur , lorqu’il eft deffeché & propre à
être mis dans [ecommerce. Je fuivrai cette nomenclature,
quelque vicieufe qu’elle foit, dans le cours
de cet article j ainfi il faudra que le ieèteur y fafl’e
attention.
Les ufages du ftigmate de la première efpèce de
Safran dans la médecine, dans la cuifïne & dans
les arts, la rendent, de temps immémorial, l ’objet
d’une culture importante dans l’Orient, 6c même
en France. Les lieux où on s'y livre avec le plus de
fuccès dans ce dernier pays, font les environs
d’A lb i, les environs d’Angoulême, les environs
de Nemours & les environs de Caen.
La confommation du Safran étant beaucoup
affoiblie en France, parce qu’on a ceffé d’en mettre
journellement dans les fauces, fa culture a diminué
dans tous ces lieux , & a même prefqua
difparu du premier & du dernier.
Le Safran exigeant beaucoup de main-d’oeuvre ,
& l’opération de fa cueillette devant être exécutée,
ainfi que celle de fon defféchement, en peu de
temps, fa culture ne peut être entreprise qu’en
petit dans des pays populeux, & par des cultivateurs
de profeflion , c’eft à-dire qui puifient la
furveiller à tous les inftans. Lorfque des propriétaires
riches la font faire par des ouvriers à leurs
I gages , les réfultatsen font toujours, en définitif,
défavantageux au bout de quelques années. Il eft cependant
à defirer que les terres de ces propriétaires
foient plantées en Safran, car elles fe lou~nt, lorsqu’on
les reconnoît propres à cette culture, trois
ou quatre fois plus cher que pour les céréales.
Ainfi que je l’ai déjà obfervé, les terres légères,
non pierreufes , non humidts, d’ une fertilité
moyenne, font les feules propres à là culture en
grand du Safran.
Jamais on ne multiplie le Safran de graines:
ainfi, celui qui. veut le cultiver pour la première
fois, doit fe procurer des bulbes ou oignons. On
en diftingue de deux fortes : les uns larges 6c
aplatis, qui donnent peu de caïeux\ les autres
petits & ronds, qui donnent plus de fleurs i fortes
que je crois n’être que des variétés de circonftance,
& qui varient. dans les nuances du fauve-cla r ,
ou fauve-rouge, ou fauve-brun. Tous les beftiaux,
& principalement les cochons, les aiment avec
paflion. Les campagnols les recherchent beaucoup,
Sc en font une grande deftru&ion lorfqu’ on
ne les furveille pas fans ceffe. Une fcolopendre
vit auffi à leurs dépens. On en tire un fort bel
amidon.
Les feuilles du Safran fe développent après
la floraifon, c’eft-à-dire, pendant tout l’hiver &
lé printemps. On les coupe ordinairement à la fin
de cette dernière faifon, lorfqu’on juge qu’elles
font prefque devenues inutiles à l’accroilTement
des bulbes; mais la théorie dit qu’ à quelqu’ épo-
que qu’on le faffe, cette opération eft toujours nui-
fîble. {Voy.Feuille.) On les donne aux beftiaux,
qui en font fort avides.
Le fuccès d’une culture de Safran dépend
principalement de la bonté du labour qu’on a
donné à la terre qu’on y deftine. On fait ce labour
à la bêche ou à la. houe, mieux de cette dernière
manière, & on l'approfondit de neuf à dix pouces,
ce qui eft prefqu’un D sfonchment. ( V'oyeç ce
mofc ) C ’eft à la fin de l’hiver 6c au printemps
qu’on l’exécute.
Un fertile terrain faifant trop pouffer le Safran
en feuilles , un terrain fortement fumé doit produire
le même effet ; ainfi il ne faut pas mettre
d’engrais dans celui qui eft deftinéà cette culture»
cependant, s’il étoit au-deffous du médiocre , on
pourroit l’améliorer avec des curures de mares
ou d’étangs, des feuilles ramaffées dans les bois,
du marc de raifin, Scc.
La quantité de bulbes qu’ emploient les cultivateurs
pour garnir un arpent eft environ fix cent
mille dans le Gâtinois, 6c quatre cent mille dans
l’Angoumpis : fans doute les uns & les autres ont
laifon, car la quantité doit dépendre de la nature
delà terre. Cependant, en principe général, il vaut
mieux en employer moins que trop.
L ’efpace de temps qu’on doit mettre entre la j
levée des bulbes & leur replantation a été l’objet
des confédérations de Duhamel , à qui on doit un
excellent Traité fur la culture du Safran, & il eft
réfulté de (es expériences qu’il falloit qu’ il fût le
plus court poflible, non parce que, ainfi que quelques
cultivateurs le penfent, un commencement
de defliccation foit nuifible à ces bulbes, mais
parce que leur aêtion végétative fe développant
alors plus tard, ils donnent de moins belles fleurs.
La plantation du Safran a fieu à la fin de juillet
ou au commencement de feptembre, 6c fe fait
dans des tranchées de fix à fept pouces de profondeur
, écartées d’autant. On y place les bulbes à
deux pouces feulement les unes des autres. La
terre enlevée pour faire la fécondé tranchée fert à
remplir la première, & ainfi de fuite j la dernière
1 eft avec des terres levées de côté & d’autre.
Il eft des cultivateurs qui enlèvent tous les
caïeux des bulbes, ce qui quelquefois les affoi-
hlit, les petits caïeux ne le pouvant être fans
occafionner une large plaie $ le mieux eft donc
de les laiffer. Quant aux enveloppes fèches, qu’on
appelle les robes , il eft complètement inutile de
les en débarraffer , attendu qu’elles ne tardent pas
à pourrir.
Les fieuvs du Safran fe développent & forcent .
de terre immédiatement après les premières pluies
d’automne : du moment où elles commencent à
paroître , on donne un binage.
C ’eft ordinairement dans les premiers jours
d’oétobre que commence la récolte du Safran :
elle fe continue pendant environ trois femaines.
Comme les fleurs paffent promptement, & que le
piftil perd de fon odeur, de fa faveur & de fa couleur
lorfque l’ aéte de la fécondation eft terminé,
il faut que toute la population , ou au moins toute
ia fami.le, 6c le plus pofiïble de femmes & d en-
fans gagés, fe tranfportent tous les jours , ceux de
grande pluie exceptés, avant le lever du foleil,
dans les champs, pour l’ëffeâuer dans le moins de
temps que faire fe peut.
Voici comme 011 opère.
Chaque cueilleur, ayant un panier qu’ il tient
de la main gauche , fe met à califourchon fur
une rangée de Safran , & de la main droite,
avec l ’ongle du pouce, ou coupe toute la fleur,
ou feulement le piftil des fleurs qui font épanouies,
6c on met l’un ou l’autre dans le panier.
Il faut, autant que poflible, que la récolte foit
terminée avant la : chute entière de la rofée ;
mais quand elle eft dans toute fa force, & qu’on
manque de monde, on eft obligé de la prolonger
après ce moment, même delà recommencer le foir.
Lorfqu’on cueille les fleurs, on les range régulièrement
dans le panier, & on les tranfporce à la
maifon , où des éplucheufes les étendent fur des
tables , & les prennent une à une pour en couper
les ftigmates, un peu au-deffous de leur point de
réunion, au moyen de l’ongle, & les mettre dans
une aflïette placée à leur droite. Les fleurs font
jetées fous la table & données le foir aux bëf-
tiaux. Une ouvrière habile peut ainfi éplucher une
livre de ftigmates , qui prennent alors feuls le
nom de fafran; mais il faut qu’elle veille ferupu-
leufement à n’y laiffer s’introduire aucune portion
des pétales, parce que, fe moififfant facilement, iis
altéreroient le Safran & diminueroient fa valeur
effective & fa valeur commerciale. Il en eft de
même des étamines, quoique ces dernières foient
moins nuifibles.
On doit toujours tendre à faire le plus promptement
poflible, dans la foirée , l’épluchage du Safran
j mais fi on ne pouvoit fe procurer affez
d’éplucheufes, on pourroit, en le couvrant d’une
toile, attendre au lendemain-, feulement, à raifon
de ce qu’il feroit fané, l’opération feroit plus
longue & moins bien faite,
Lorfqu’on ne cueille que les piftils des fleurs
du Safran, il ne refte plus, après qu’on les a
apportés à la maifon & nettoyés des matières
étrangères qui auroient pu s’ y mélanger, que de
les étendre fur des claies couvertes de linge ou de
papier j ou fur des planches bien propres, & les
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