
On fixe Us bottes dans les rivières, après en
avoir lié un certain nombre enfemble au moyen
de harts d’ofier, en les traverfant de piquets enfoncés
dans 1a vafe, à refus de maillet. Pour plus
de fécurité, on place encore des piquets en dehors
du tas, au moins au-deffous du courant.
Il eft des cantons en Fiance, comme le Forêt,
où, lorfqu’une mafia de chanvre , roui (Tant dans
une rivière, eft entraînée par de grolTes eaux,
elle devient la propriété de ceux qui peuvent l'arrête
rtm s’emparer de fes débris.
Tantôt on met le chanvre ou le lin à rouir auflî-
tôt après qu’il eft arraché, & tantôt' on attend
pluneurs jours, même plusieurs mois, foit faute
de temps, foit faute de routoir difponible} celui
qui eft mis dans j’eau avant fa complète deflvcca-
tion rouit bien plus promptement j mais il eft des
perfonnes qui parafent que la filaffe eft plus caf-
lante que celle de celui qui a été 1 aille fe deffécher
auparavant. Il eft probable , en effet, que la filalle
perfectionne fa maturité dans la deificcation, &
qu’elle eft par confisquent meilleure dans ce dernier
cas.
Lorfqu’on met le. chanvre ou le lin , nouvellement
arraché, au routoir avec toutes fes feuilles,
le Rouiffage eft encore plus accéléré, parce que
ces feuilles portent dans l’eau un principe extraêtif
qui favorife la fermentation de la gomme de l’écorce
j mais la filaffe qui réfulte de l’opération,
dans ce cas, eft très-colorée. Ainfi il faut laiffer, ou
ôter les feuilles, félon l’objet auquel on veut employer
la filaffe. En général on ôte une partie des
f= uilles, même la plus grande partie, & on coupe
les têtes au chanvre femelle , dont les calices des
fleurs produifent un femblable effet.
Dès le lendemain du jour où on a mis du chanvre
dans le routoir, on voit, s’il fait chaud, &
que l’eau vienne d’un étang ou d’une rivière, des
bulles d’air atmofphérique crever à fa furface ;
e lendemain c’eft de l’air chargé d’une furabon-
dance d’acide carbonique , & le troifîème jour de
l’air chargé d’hydrogène fulfuré j alors l’eau eft
trouble, colorée, & exhale une odeur defagréable
qui porte à la tête. Les infeétes & ks poiffons
q ai s’y trouvent, périffent après être venus à la fur-
face pour refpirer un air moins vicié.
Les hommes & les animaux domeftiques font
rarement dans le cas d’être affrétés en buvant de
l’eau des routoirs garnis de chanvre, parce que
l’odeur & la faveur de cette eau les repouffent.
11 en eft de même de celle des rivières dans Jef-
quelles on opère le Rouiffage, vu la petite quantité
qu’on en boit, & le peu de principes délétères
qu’elle contient : au plus pourroit-elle
être légèrement narcotique & purgative. Voye[
C h a n v r e .
Lorfqu’il fait froid, ou qu’on emploie de l’eau
de fontaine ou de puits, le Rouiffage eft retardé,
& fa durée fe prolonge plus ou moins, fuivant
l’ii:ttnfité de ce froid. C’eft cette circonftauce qui
détermine le placement des routoirs au midi, &
l’emploi des eaux dont la température foit celle
de l’atmofphère. C’eft encore elle qui oblige de
rouir une partie des chanvres & des lins après l’hiver,
lorfque la récolte eft très-abondance, & les
routoirs petits ou peu nombreux.
Une grande maffe de chanvre eft, toutes chofes
égales d’ailleurs, bien plus tôt rouie qu’une petite,
& de deux ma {Tes égales, ce le qu’on aura
placée' dans une eau qui aura déjà fervi au Rouiffage,
le fera plus tôt. Dans ces deux cas, l’accélération
eft due à la plus grande quantité de principe
extraéfif muqueux qui fe trouve dans la plante
ou dans l’eau.
Par la même raifon, le Rouiffage eft plus lent
dans les eaux courantes, puilqu’une partie confi-
dérable de ce principe eft emportée avant d’avoir
produit fon effet. On y gagne une plus grande
blancheur dans la filaffe , ce qui eft toujours déterminant
pour le lin, dont le fil & la toile fouf-
frent plus des procédés du bhnehiffage, & appellent
plus fréquemment cette dernière opération.
Il eft cependant des cas où de la filaffe très-
noire, ainfi que le fil & la toile qui en font fabriqués,
fe blanchiffent plus vîte que de la blanche.
Non-feulement le temps du Rouiffage du chanvre
& du lin eft fujtt à varier par les caufes ci-
deffus énumérées , mais encore par leur degré de
maturité, par la greffeur de leurs tiges , par chaque
portion de la tige, même, dans le ch mvre, par
le fexe. Ainfi, celui qui eft encore vert fe rouit plus
tôt que celui qui eft devenu jaune j ainfi le gros,
plus tôt que celui qui eft court 5 la partie voifine
des racines, plus tôt que la partie voifine delà
tête j le chanvre femelle plus tôt que le chanvre
mâle.
On'doit conclure, de ce dernier fait, qu’il eft
prefque toujours avantageux de faire rouir le chanvre
mâle (celui qui porte les étamines, s’entend)
immédiatement après fa récolte, qui précède celle
du chanvre femelle (celui qui porte la graine)
de près d’un mois, & s’exécute par conféquent
avant les temps froids & pluvieux de l’automne.
Le moment où le chanvre ou le lin doit être
retiré du routoir ne pouvant être indiqué d’une
manièreabfolue, il faut apprendre à le connoître,
chaque fois , par l’examen d’une botte prife dans
le fond , & d’une botte prife à la furface. Il s’agit
donc de favoir quels font les caractères qu’il offre
quand il eft roui. En général, il eft bien roui lorfque
les fibres feféparent fans difficulté & de l’écorce &
les unes des autres > mais il y a des nuances fans
nombre dans cette faculté de fe féparer. Il faut fe
déterminer d’après l’emploi probable de la filaffe
qu’on efpère, en n’oubliant pas que moins le
Rouiffage eft complet, &plus la filaffe a de force >
& plus il Teft , & plus elle a de fineffe : ainfi le
chanvre deftiné a faire des cordes fera moins roui
que celui deftiné a faire des toiles fines 5 ainfi le
lin cultivé pour fabriquer de la dentelle, fera plu»
roui que celui qu’on fe propofe de confectionner '
en toile commune.
Pour ne pas dépaffer le point le plus avantageux,
un rouiffeur entendu vifite tous les foirs
fon chanvre ou fon lin , & juge à l’odeur , à la
couleur de l’eau, quels font les progrès de la fermentation
( un jour de tonnerre l’avance quelquefois
de deux à trois ) j il tire aujourd’hui un brin
dans un endroit, demain un fécond dans tin autre.
Rarement celui qui eft exercé fe trompe a fiez,
pour que fon chanvre ou fon lin foit altéré d une
manière fenfible.
A raifon de l’infalubrité de l’eau des routoirs ,
c’eft le matin, avant que l’aCtion de la chaleur du
loleil ait augmenté cette infalubiité, qu’il faut
procéder à retirer .le chanvre ou le lin roui. Cette
opération fe fait à la main, en entrant dans l’eau :
l’ufage des inftrurnens de fer ou de bois caffant
les tiges, emmêlant les fibres, caufe des pertes
qu’il eft toujours bon de chercher à éviter.
Comme le chanvre ou le lin roui eft lbuvent
fali par les débris des feuilles, par la boue, &c.,
il eft fort avantageux de le laver dans une eau
courante , ou au moins dans une eau ftagnante
moins fa le & plus abondante que celle du routoir.
Une petite depenfe, dans ce cas, n’tft jamais
à regretter j en conféquence , je confeille
d’aller chercher cette eau, lorsqu’elle n'eft pas
très-éloignée, foit en y portant le chanvre, foit
en en tranfportant dans des tonneaux près le routoir.
La filaffe d’un chanvre ou d’un lin non lavé
chanvre & le lin que l’eau douce , mais les rouir
auffi bien.
La chaux, mife dans l’eau du routoir, accéléré
prend plus difficilement le blanc, & s’affoiblit
néceffairement dans les procédés qui ÿ con.mifent.
Le chanvre ou le lin qui n’a pas été affez roui
peut être remis de fuite, ou long-temps après
dans l’eau, de forte qu’il n’y a que la main-
d’oeuvre de perdue ( cependant celui qui a été
retiré de l’eau & en fui te defféché, ne peut plus
fe rouir avec la même égalité ) ; niais celui qui l a
été trop donne une filaffe noire, caffante, courte,
qui fe transforme p re fqu’erit 1ère ment en étoupe
dans les opérations du feranç ige & du peignage.
Dès que le chanvre ou le lin eft retiré dè l’eau ,
on l’expofe à l’air, foit en le plaçant debout, par
le moyen de l’écartement, en trois parties , de
fa bafe foit en l’appuyant contre une haie, un
mur, & même le couchant fur un pré , afin qu’il
fe deffèche ; & lorfqu’il eft defféché, on réunit
phifieurs bottes en une pour le tranfporter fous
un hangar, dans un grenier, où il attend, a l’abri
de la pluie, qu’on puiffe le Tille R ou le Seran-
CER. V o y e 1 ces deux mots.
Le chanvre ou le lin defféché au foleil eft un
peu inférieur à celui qui l'a été à l’ombre , parce
que les fibres qui font vis-à-vis cet aftre , furtout
lorfqu’elles ne font pas débarraffées de toute leur
réfine, fe collent, cèdent moins facilement au
peignage , ce qui o :cafionne plus de déchets dans
cette dernièrë opération.
L’eau de mer ftagnante' rouit plus lentement le
fingulièrement- le Rouiffage ; cependant ;
comme elle expofe à brûler ( rendre caftante au
dernier degré ) la filaffe, & à caufer dés maladies
à ceux qui la travaillent, on doit prefque
toujours fe refufer à l’employer, quelle que foie
la circonfpedtion qu’on y apporte.
M. Dhondt d’Arcy a propofé un moyen de
rouir le chanvre qui ne peut pas s’exécuter partout,
mais qui paroît, comme il le dit, devoir
! conferverà la filaflè toute fa force & fa (oupleffe,
& donner à la toile qu’on en fabrique une grande
difpofition à blanchir, il confifte à placer le chanvre
6 c le lin, préalablement defféches, fur un grillage
qui trempe dans l’eau provenant d une chute d un
mètre & demi de haut.
Le Rouiffage à la rofée s’exécute principalement
pour le lin dans les climats feptencrionaux.
Pour cela, on débotté!e le lin & on l’étend exactement
fur l’herbe. Il fe retourne tous des jours
ou tous les deux jours. Ce mode de Rouiffage
remplit affez bien fon objet lorfque la faifon eft
favorable., ou qu’on peut arrofer, s’il ne pleut
pas , pendant la grande chaleur du jour. On prétend
même que la filaflè’qui en réfulte, eft plus
forte & plus blanche. Quant au chanvre, on le
rouit rarement de cette manière, attendu, 1®. qu il
faut un mois & plus pour terminer l’opération , &
que, pendant tout ce temps, il eft expofé à mille
accidens qui détériorent la filaffe ; 20. quele Rouiffage
eft rarement égal 5 $°. que, lorfq-u’il fe fait fur
un pré, il en altère l’herbe, de manière à ne pouvoir
de long temps fervir à la nourriture des bef-
tiaux. |
Ce n’eft que dans les pays fecs & chauds, qui
manquent d’eau, qu’on rouit le chanvre & le lin
dans la terre. Pour cela on fait, à pottee d un
puits ou d’une citerne , un trou femblable à un
routoir j on y range les bottes; on les recouvre
de deux pieds de la terre qu’on en a tirée, & on
arrofe le tout d’autant d’eau qu’il eft poflîble. Le
Rouiffage s’accomplit plus tôt par la pourriture
de la partie gommeufe de l’écorce que par fa fermentation.
Si on renouveloit i’eau, H y auroit
retard dans l’opération , à raifon du froid qu elle
apporteroir. Il faut, pour terminer cette forte de
Rouiffage, le double de temps que pour termine*
celui dans l’eau. On juge que le chanvre ou le lin.
eft dans le cas d’être retiré, en examinant une
botte. Il fe fèche à l’air fans en enlever la terre ,
qui, à moins qu’elle ne foit ferrugineufe, & alors il
ne faut pas y rouir, fe fépàre dans les opérations du
ferançage & du peignage. Les résultats de ce mode
de Rouiffage font fouvent préférables, dit-on, à
ceux des autres. J’obferve cependant que la marche
de la décompofition de la gomme-réfine doit
être fort irrégulière , & qu’elle doit marcher quelquefois
, à raifon de la variation de la tempéra