
des obftacles infurmontables à Tes plus hautes con- J
ceptions , aux réfultats de fes foins les plus aflidusi
Très-peu de jardiniers connoiffent les principes
delà Taille, ou font en état de les" appliquer convenablement.
La plupart ne lavent que raccourcir les
branches; aufli, encre les mains du plus grand nombre,
les arbres formés avec le plus de feience rem-
pliflent- ils mal leur objet & périffent-ils avant le
temps. Le moyen d’en avoir de bons ell de les
mieux payer qu’on ne le fait généralement ; &
de leur accorder la confidération qu iis méritent,
parce que, fans ces avantages, aucun homme de
mérite ne voudra prendre cet état.
On peut commencer la Taillé des arbres^ à pépins,
ainfi que je l ’ai déjà obfervé, auffifôt que
les feuilles font tombées; mais il vaut mieux attendre
la fin de l'hiver, malgré les craintes fondées
que peuvent faire naître de fortes gelées tardives,
gelées qui quelquefois font périr, à l’aide
de la pluie, l’extrémité de la branche taillée.
Butret, dont le Traité pratique de la Taille eft
fort eftimé, penfe qu’ il faut fuivre l ’ordre d’entrée
en végétation des efpèces ou des variétés ; en con-
féquence, il ne commence qu’en février, & par
l’abricotier ; après quoi il opère fur le pêcher,
puis fur les poiriers, pruniers, cerifiers, enfin les
pommiers , qui ne fleuriflfent qu’en avril dans le
climat de Paris. Cependant, dans les grands jardins,
où le temps manque toujours, on taille les
poiriers & même les' pommiers pendant tout
l’hiver.
Si on retarde trop l’époque de la T a ille , on rif-
que qu’il y ait une déperdition de fève par la plaie,
& que l’arbre en foit affoibli 8c par fuite retardé
dans fa pouffe. Cependant cet effet même eft pris
en confidération par les jardiniers inftruits pour
empêcher l ’influence d’une végétation trop vigou-
reufe fur tous les arbres à fruits, & celle des gelées
tardives fur les A b r ico t ie r s 3 les Pechers
& furtout la V igne. (V oye ices mots.) On oblige
par ce moyen les arbres les plus robuftes à fe mettre
à fruit. Les inconvénrens précités font moindres
lorfqu’on taille fur le bois de deux ans, mais
on ne le fait généralement que pour quelques
branches chiffones, malades ou trop rapprochées
des autres.
On doit éviter, autant que poflible, de tailler
pendant les fortes gelées, foit parce qu’alors le
bois s’éclate ou fe caffe plus facilement, foit à
raifon des effets du froid fur les mains des ouvriers.
Non-feulement chaque efpèce , mais encore
chaque variété d’arbres fruitiers, fe plantant dans
des terrains & des expofitions diffemblables , entrant
en végétation à des époques différentes,
offrant des branches de longueur, de groffeur, de
difpofitions très-variables , portant plus ou moins
de fruits & des fruits qui nouent plus ou moins
difficilement, dont on de lire tantôt le nombre,
tantôt la groffeur, exige bien certainement .une
T ’aille qui lui foit propre ; mais il n’appartient
qu’aux praticiens confommés de combiner toutes
ces données pour arriver plus certainement au but,
& ces praticiens fe comptent en France 8c encore
plus dans les pays étrangers. Je ne pourrois entrer
dans tous les détails que néceffite le fujet que je
traite, fans écrire des volumes, 8c je dois me ref-
treindre à renvoyer aux articles de chaque arbre
ce qu’offre de particulier la Taille qu’ il exige.
On appelle chargés h la Taille les arbres taillés
longs, 8c déchargés a la Taille ceux qui font radiés
courts. Les expreffions alonger 8 c raccourcir U
Taille yfont fynonymes des précédentes.
Lorfqu’un jardinier inftruit fe préfente devant
un efpalier qu’ il doit tailler, furtout fi cet efpa*
lier a été mal conduit depuis fa formation, ou
feulement les années précédentes, il commence
par en examiner l’enfemble ; enfuite , fi cet en-
femble e lt devenu défectueux, il étudie les moyens
de le régularifer de nouveau, foit en facrifiant
fon apparence pendant un ou d=ux ans s’ il n’a pas
de fruit, foit en facrifiant une partie de fon fruit
s’il en eft chargé. Ainfi, s’il a un de fes- côtés
plus vigoureux que l’autre, il le taillera d’autant
plus long, & l’autre d’autant plus court; après
quoi il abaiffera un peuTe premier, & relevera
un peu le fécond. Ainfi, fi un membre eft menacé
de mort, il le retranchera & le remplacera
par une branche voifine, qu’ il relevera ou inclinera
félon le befoin. Il en fera de même des mon-
tans & de leurs plus groffes branches latérales.
Ainfi, fi toutes fes branches font chargées de
têtes de fautes, de crochets, de chicots, de chancres,
de bleffures produites par la grêle, parla
dent des beftiaux, de lichens, de mouffes, 8cc. ,
ce qui indique un affoibliffement notable dans la
végétation du pied , il rabaiffera ces branches
près du tronc pour en faire pouffer de nouvelles,
q ui, étant droites, & ayant de larges vaifteaux,
fortifieront d’autant les racines. L ’année fuivante
on taillera fur ces branches pour reformer l’arbre.
Voye[ Rajeunissement;
Les grandes opérations de la Taille de fon arbre
arrêtées, le jardinier, dont il eft queftion, entre en
befogne par délier , ou déloquer, toutes les branches
de fon efpalier, pour retrancher tout ce qui
eft mort en totalité ou en partie , toutes les branches
qui ont pouffé fur le devant ou fur le derrière,
qui ont croilé les autres, ou qui gênent
celles qu’il veut conferver ; il ne rélerve des brindilles
qui, dans le pêcher, doivent porter principalement
le fru it, que le nombre 8c que la portion
néceffaire,c’eft-à-dire, qu’ il ne laiffe pas trop
de boutons à fruit : cela fa it , il commence par
couper plus ou moins longue l ’extrémite des membres,
ainfi que des montans, pu.s fncceiiivement
dans, l’ordre de leur groffeur, celle des branches
latérales ; enfin, il finit par les Brin dilles ou les
Lam bo urd es. Voye* ces mots.
Toutes ces Tailles, je le répète, varient dWV
arbre à l’autre, félon fon â g e , fa vigueur, 1®
but
but qu’ on fe propofe ; mais généralement les
arbres vigoureux, ceux dont on veut obtenir
beaucoup de fruit, fe taillent plus longs, 8c les
arbres foibles, ceux dont on veut ranimer la vigueur,
plus courts.
Avant de donner le coup de fer.pette, on doit
examiner l ’oeil fur lequel on opère, y en ayant
d'éteintsy c’eft à-dire, de morts, 8c qui ne donnent
par conféquent naiffànce à aucun bourgeon ;
mais ces yeux éteints fontprefque toujours accompagnés
en deflous de deux fous-yeux vivans, &
nui, par conféquent, peuvent le remplacer. Voyez
(Eil & Bou to n .
Lorfqu’ on taille trop près de l ’oe i l, on rifque
de le faire périr par fuite du defféchement de
l’extrémité de la branche ; lorfqu’on taille trop
lo in ,.il arrive fréquemment que cette extrémité
meurt, parce que la fève ne dépaffe pas
l’oeil, ce qui donne lieu'à des chicots défagréa-
bles à la vue. On doit donc tailler à deux lignes
au-deffus dè l’oeil les arbres jeunes ou bien garnis
de fève, 8c à trois ou quatre les autres.
Quoique la direction de la coupe paroiffe indifférente
dans la pratique, cependant la théorie
indique qu’il vautmïeuxla faire en deffous qu’en
deffus de la branche, puifque le foleil defféchsra
moins la plaie dans ce dernier cas.
Couvrir toutes les plaies d’onguent de Saint-Fiacre
ou autre, comme l’ont propofé quelques écri- j
vains, eft prefquinutile & fouvent impraticable
dans les grands jardins où il,faut économifer le :
temps 8c l ’argent.
Les bourgeons qui fortent des boutons placés
en deffous des branches, étant toujours plus foibles
que céux qui fortent des boutons placés en deffus,
il faut faire attention à cette circonftance dans
l’opération sde la Taille.
En général il eft néceffaire de tailler court toutes
les branches du bas 8c du deffous des principales,
parce que ce font les plus foibles.
Dans le cours de ces opérations , le jardinier
doit toujours tendre à faire regarnir toutes les
places vides par les pouffes qui doivent fe déve-
‘ louper ; en conféquence il taille tantôt fur l’oeil
qui eft du • côté du ciel ( c ’eft la Taille fur l’oeil
en dedans), tantôt fur l’oeil qui eft du côté de la
terre ( c’ eft la Taille fur l’oeil en dehors).
Il eft fréquemment des circonftances où il faut
conferver une branche mal placée , ou dans l’ intention
de l’employer l’année fuivante à garantir
un vide produit par l’amputationj projetée d’une
autre, ou dans celle d’attendre qu’ une branche
refervée ait pris affez de force ou une direction
convenable pour la remplacer. Ces fortes de branches
s’appellent des Br anch es de r é s e r v e .
Quoique dues à l’art le plus exercé , ces branches
font quelquefois mal juger du talent du jardinier
par ceux qui ne regardent qu’ à la régularité.
De plus, un jardinier doit déterminer’ par la
forme des Bo u to n s , 8c c’eft ici que l’expérience
• -Agriculture. Tome V I .
'feule peut guider, quels feront ceux qui donneront
du fruit l'année fuivante, & même deux
ans, trois ans après, afin de les réferver; il faut
pour ainfi dire qu’il puiffe compter les fleurs qu’il
aura pendant quatre ans.
^11 fe fait à Montreuil, fur le pêcher, une ef-
pêce de Taille-qu’il feroit bien à défirer qu’on
pratiquât partout; on la nomme le R em pla cem
en t. Voyez ce mot.
Quelquefois les vieux arbres à fruits, principalement
les pommiers, ne pouffent plus de branches
à bois, ce qui amène leur mort au bout de
quelques années; dans ce cas il faut, ou les tailler
fur le gros bois , c’eft-à-dire les rajeunir, ou fur
le premier oeil de leurs branches à fruit ou L am bourdes
(yoyei ce mot); cet oeil,-qui ne devoit
donner qu’ une ou deux feuilles, pouffe alors un
bourgeon.
En général, plus il y a de jeune bois fur un
arbre à fruit, & plus il fera vigoureux, 8c plus
il portera de hëaux fruits ; ainfi ce n’eft que quand
on veut tenir à la quantité qu’on doit ne pas chercher
à multiplier tous les ans ce jeune bois.
Les arbres en efpalier, plus que les autres, font
dans le cas de pouffer fouvent des gourmands lorf-.
qu’ils ne font pas bien conduits : couper un de ces
gourmands, c’eft prefque toujours provoquer la
naiffance de plufieurs autres ; il faut donc ou les
C ourber , ou les L ig a t u r e r , ou les C ir c o n cire
(voye{ ces mots) , & remettre leur fuppref-
fîon à l’année fuivante. Souvent, par une de ces
opérations, on en tire un par:i avantageux pour
remplacer un montant, quand la courbure a modéré
leur vigueur. •
Les maîtreffes branches tendant toujours à fe
relever par fuite de l’adtion de la fèv e,- il fau t,
lorfqu’on les paliffade après la T a ille , les rabaiflér
un peu au-deffous du point où elles étoient avant.
La Taille des poiriers, quelle que foit leur forme,
eft bafée, par quelques écrivains^, fur un
principe qui > quoique difficile à faifir/ n’éft pas
moins bien fondé ; elle confifte ài couper les rameaux
de l’année précédente au point intermédiaire
de leur accroiffement, ce qu’on appelle du
fort au foible. Quelquefois on diftingue ce point
par un rétréciffement fubit du diamètre de la branche
, 8 c il eft tantôt au-deffus, & c ’eft le plus fou-
vent, tantôt au-deffous de fon milieu. Ordinairement
il ne s’aperçoit pas , mais on juge affez bien
par l'expérience, furtout en courbant la branche,
où il doit fë trouver, ce point étant celui où commence
l’arc de cercle qu’on lui fait faire. Le fondement
de cette Taille eft appuyé fur ce que la
partie foible eft celle qui a été formée la dernière
(le plus fouvent à la fève d’août), 8c qu’elle
eft^par conféquent moins folidifiée que l’autre.
Quelques jardiniers appliquent auffi cette ex-
preffion du fort au foible à la Taille des deux parties
des efpaîiers qu’ il faut tenir en équilibre,
c ’eft-à-dire, comme je l’ai déjà obfervé plufieurs
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