
Je dis de le herfer- avant de le femer j parce
que la graine de foin ne doit pas' être enterrée
lî on veut qu'elle lève toute.
Généralement la graine de foin qu'on amaffe
fur le fol des fenils, n'eft pas btfnne } en confé- .
quence il faut en forcer la quantité.
Cultiver à part les bonnes plantes des Prairies
naturelles pour en récolter la graine, & l'employer
à un femis, feroit fort defirable ; mais l'embarras
& la dépenfe en éloignent. Je n'en recommanderai
pas moins cette utile pratique , ne fût
ce que pour pouvoir facilement regarnir chaque
annee les vieux Prés.
La graine de foin ne tarde pas à lever fi le terrain
eft humide, ou qu'il pleuve. Voye% Gazo n .
Un Pré ainfi feiné & levé demande à être garanti
des beftiaux pendant fa première année. Vers
la fin de l’é té , un homme armé d'une pioche à
fer é tro it, ou d'un facloir, en parcourra toute
l'étendue pour couper entre deux terres les plantes
q u i, par leur grandeur & leur inutilité, doivent
en être exclues. Un autre homme en enlevera,
aufli rigoureufement que dans les Prairies naturelles
, les pierres groffes & petites, car elles nui-
fent be aucoup , & à la croiffance , & à la coupe
de l’herbe. ( Voye^ ÉpïERREMENT. ) On n'en
couprra pas l'herbe cette première année, d'après
le principe que les feuilles nourriffent les racines ,
& que les racines font pouffer les tiges. L'année
fuivante on la traitera, fous ce rapport, comme
une vieille Prairie.
Lès beftiaux feront févèremeht écartés du pâturage
de ces Prés, au moins pendant les deux
premières anné&s, pour donner le temps au fol de
fe confolider j car quelque bien route qu'il ait été,
il fera toujours dans le cas d'être altéré par le piétinement
des beftiaux gros & petits.
Cette Prairie fera d'autant plus belle que ce
terrain fera meilleur, ou aura été plus fumé,
quelle fera fufceptible d’irrigation , de terreaute-
ment, & c . Si la graine ,. par fuite de fa mauvaife
nature ou de laféchereffe de la faifon, n'avoit
pas bien le v é , il faudroit regarnirl.es places vides
en au tom n e ap rè s les avoir grattées avec un
râteau.
Lin tel Pté peut fubftfter un nombre d'années
indéterminé ; mais il eft certainement profitable
de le détruire dès qu'il commence à fe dégarnir.
Il eft des cantons où ces fortes de Prés font
en faveur j mais ces cantons ne font pas aufti nombreux
que les amis de la profpérité agricole de la
France peuvent le délirer.
Plufieurs perfonnes penfent, & je ne m’éloigne
pas de leur idée,,que ces fortes de Prés doivent
toujours commencer par une Prairie artificielle»
compofée de légumineufes.
Des deux fortes de Prairies comprifes dans la
fécondé catégorie , l’une, celle compofée unique-
m -nt.de graminées, encore plus d’une feule efpièce
de graminée, ne peut fubfifter long-tempsl
parce que les racines des plantes de cette famille
s’approfondilfant peu & s'étendant beaucoup à
la furface du fo l, elles l’épuifent promptement:
elles ne tardent donc pas à rentrer dans celles
dont je viens de parler. On dit qu’il s’en établit
fouvent en Angleterre ; mais je ne fâche pas qu’on
en ait formé en France dans d'autre but que celui
de faire des expériences, & d'avoir de la graine
pure de bonnes efpècès pour regarnir celles qui
font détériorées *
Quelquefois on forme aufti des Prairies artificielles
avec d'autres efpèces de plantes, vivaces ,
parmi lefquelles les plus fréquentes font la PiM-
prenelle & la C hicorée. Voyei ces deux mots}
voye^ aufti Pa s t e l , T opinambour.
Les Anglais ont remarqué que ces fortes de
Prés duroitnt moins que les autres 5 mais ils n'en
ont pas indiqué la caufe, qui eft l’épuifement plus
prompt du fo l , épuifement dont j’ai déjà parlé
plufieurs fois.
Par oppofition, ce font les Prairies artificielles
compofées d'une feule efpèce de légumineufe
qu’ on multiplie le plus, & avec raifon, puifque,
toutes chofes égales d'ailleurs, ce font elles qui
fourniffent davantage de fourrage.
Les plantes qui font le plus employées à la formation
des Prairies artificielles proprement dite
s , font la luzerne dans les terres fertiles, fraîches
& profondes} le fainfoin dans les terres
maigres, fèches & calcaires j le trèfle dans les
terres légères comme dans les terres fortes; mais
il ne fubfilte que deux à trois ans au plus, & il
eft préférable de détruire, dès la fécondé année,
les Prairies qu'il compofe.
L'étendue des détails dans lefquels je fuis entré ,
à l'égard de ces trois plantes, me difpenfe d'en
parler ici longuement ; ainfi je renvoie le lecteur
aux mots Luzerne , Sainfoin & T rèfle.
Toujours un grattage avec une herfe à dents
de fer plus ou moins lourde, félon la nature de
la terre , eft une bonne opération pour les Prairies,
quelle que foit leur nature, parce qu’elle rend
la terre plus perméable aux influences atmofphé-
riques & aux eaux des pluies.; Cette opération
eft fi fimple, fi promptement exécutée, fi évidemment
profitable, qu’011 a lieu de s'étonner
qu'elle ne foit pas généralement exécutée.
Toutes les autres indications données à l’oc-
cafion des Prairies naturelles, pour rétablir leur
bon état, s'appliquent à celles-ci5 ainfi je n'en entretiendrai
plus le leéteur.
Dans aucun temps on ne doit permettre aux
anjmaux domeftiques d'entrer dans les Prairies ar-
i tificielles, à raifon non-feulement des dommages
qu'ils peuvent y occafionner, mais encore parce
qu'en mangeant avec excès, ils s’expofenc à la
JVÏé t é o r is a t io n ;, & par fuite à la mort. ( Voy&i
ce mot. ), C'eft pendant que la rofée exifte que
cet accident eft le plus à craindre , parce que
l'herbe eft plus froide. .
Les premières coupes des Prairies artificielles
font conftamment les plus abondantes , mais aufti
les plus fournies de plantes étrangères a leur com-
poficion primitive, furtout de brome des champs
& d'orge des murs. Cette dernière circonltance
fait qu’ on doit réferver h fécondé pouffe, pr^fque
toujours très-nette, pour renouveler fa provifion
de femence , quoique oda. foit contre les principes
j ceux qui confacrent f. ulement la troifième
herbe à cet objet font blâmables, puïfqu'elle eft
la plus foible , & que , dans chaque efpèce , les
petites graines donnent généralement de médiocres
produits. - . ^
Tout femis de plante annuelle, fait dans l’ intention
d’en donner les feuilles & les tiges aux beftiaux
, foit vertes , foit fèches ± peut être appelé
Prairie temporaire ,* ainfi la VESCE , la GESSE , la
Lupuline, la Farouch e, les Pois g ris, les
Fè v e s , le From ent, I’Orge, 1'Avoine, le
Maïs , & c . , en forment.
Cependant on donne plus fpécialement ce nom
à celles qui font compofées de plufieurs de ces
plantes réunies, furtout lorfqu'il y entre des légumineufes
& des graminées,-ces dernières fer-
vant de fupport aux premières.
Confidérées relativement à ce dernier mode,
les Prairies artificielles temporaires font connues
depuis peu d'années, & leur emploi n'eft pas encore
fort étendu : elles font néceffairement partie
d’un judicieux affolement ; car elles fourniffent
le moyen de remplir plufieurs objets à la fo is ,
tels q u e , i° . celui de tirer deux récoltes par an
du même terrain, & cependant de l’améliorer
par l'humidité qu'elles y entretiennent & les
débris qu elles y laifiènt; 20. celui de fournir aux
beftiaux, & furtout aux moutons , une nourriture
précoce, faine & abondante, foit qu’on les
faffe pâturer fur place, foit qu'on les coupe pour
les leur apporter à la maifon , foit qu’on les faffe
fécher pour la provifion de l’hiver.
Un des motifs qui doit le plus fortement déterminer
l'établiffement des Prairies artificielles,
de quelques efpèces qu'elles foient, c'eft de favo-
rifer les affolemens à longs retours 5 ainfi il ne faut
pas, en oppofition à la loi fur laquelle ils font fondés
, en femer deux fois de fuite dans le même terrain.
Voye? Assolement & Succession de culture.
Un grand nombre d’animaux nuifent aux Prairies.
Les beftiaux , lorfqu’elles ne font pas clofes par'
des haies ou.des foffés, y entrent fouvent, & d'un
côté en mangent l’herb e, & d'un autre côté la
trépignent. Des lois de police rurale affez févères
font deftinées à réprimer les délits de ce genre j
mais elles font r arement bien exécutées.
Les animaux fauvages, comme les c e r fs , les
chevreuils,, les d a im s le s fangliers,. les lièvres,
les lapins j-n ’y caufent pas moins de dommages
dans certains lieux. Les tuer eft le meilleur moyen
de répreftion quand il eft permis de le mettre en
pratique.
Les campagnols & les taupes font fouvent beaucoup
de mal aux Prairies j les premiers en les perforant
de trous & en coupant l'herbe voifine de
ces trous, & celle qui gêne leur communication
avec les autres trous, les fécondés en foulevant la
terre de difiance en diftance, & en rendant par-la
leur fauchage plus difficile. Voyeç C ampagnols
& T aupes.
Comme l'opération d’enlever les taupinières &
les fourmilières avec une houe à main ne laiffe pas
que d'être longue & par conféquent coûteufe,
quelques cultivateurs emploient une ratiffoire à
cheval, à fer long de deux pieds & même plus, ra-
tifloire qui tranche plufieurs taupinières ou fourmilières
à la fois, & qui unit même le fol. Voye%
Ratissoirè. 1 •
A u re fte , les Prairies arrofables ne font pas in-
feftées par les campagnols, les taupes & les fourmis,
parce que l’eau les chaffe ou les tue. C'eft un
avantage de plus que je n’avois pas encore c iré ,
mais qui doit être très-fort pris en confidération
par les cultivateurs.
Parmi les oifeaux, il n’y a guère que l ’oie qui
nuife aux Prés, en en mangeant l’herbe & en y
laiffant fa fiente & fes plumes. Voye£ O ie .
C'eft parmi les infe&es que fe trouvent les ennemis
lés plus nombreux, les plus acharnés & les-
plus indeltruétiblés des Prairies. Les courtilières»
les vers blancs, les larves de plufieurs tipules, &
fans doute de beaucoup d'autres efpèces , coupent
ou rongent les racines'. D ’auires d’un grand
nombre de fortes, comme les C henilles j les-
Sauterelles , les Grillons ( voye^ ces mots),,
mangent les feuilles. Il en eft d’autres , enfin, qui
rongent l’ intérieur des tiges , les fleurs, les graines
i aucune partie des plantes n’eft à l’abri de leur
voracité-
Les fourmis élèvent des monticules qui, comme
les taupinières, nuifent au fauchage.
Je ne fignalerai, parmi.les vers ,.que le lombric
ou ver de terre , qui mange l’humus de la terre &
diminue par conféquent fa fertilité. Il eft vrai que
lorfqu'il meurt d^ns cette même terre , il lu i rend
avec ufure ce qu’ il lui a pris.
Les grandes plantes nuifent aux Prairies, comme
je l’ ai déjà obfervé, parleur nombre, & en tenant
la place de bonnes efpèces. Elles ont de plus
à redouter I’Oro b aNche , & furtout la C uscute.
Voye£ ces mots; voye% auflï le mot C hiendent.
La queftion de favoir quelle doit être la Proportion
des Prairies artificielles dans une exploitation
rurale, a été plufieurs fois agitée. Gilbert,
à qui on doit un bon Traité fur ces fortes de
Prairies, établit qu’elle doit être inverfe de la ri-
, cheffe du fonds & des reffources locales, relatives