
mêmes couleurs reviennent ordinairement tous les
ans, il arrive quelquefois cependant qu'elles jouent,
& mê me qu’eiles difparoiflènt pour revenir un ou
deux ans après.
Je commence par ces obfervations, parce qu’elles
doivent fervir de guide aux cultivateurs qui veu- j
lens procéder en connoiflance de caufe.
Il eft probable que les premières Tulipes cultivées
ont été tranfportées déjà variées ou très-près !
du moment de varier, de la campagne dans les
jardins, car le type fauvage eft moins beau que la
plupart de ceux des autres efpèces, & que cen’eft
que long-temps après qu’on s’eft avifé de femer la
graine pour avoir davantage de pieds & des pieds
plus vigoureux.
Le nombre des variétés de Tulipes eft peut-être
incalculable ; chaque femis en fournit de nouvelles,
& chaque année il en difparoît quelques-unes. Autrefois
on mettoit une grande importance à en
pofféder beaucoup 5 aujourd’hui on en préfère un
petit nombre de bien choifies.
On divife les variétés de Tulipes en fimples &
en doubles. Ces dernières ont joui un moment de
la préférence , mais a&ellement elles font! peu
eftimées.
Les variétés limples fe fubdivifent en b ig a r r e s ,
en f o n d b la n c , en "précoces & en ta r d iv e s elles font
au nombre d’environ quatre cents de choix, ayant
toutes des noms.
« La beauté des Tulipes, dit M. Feburier, con-
lïfte dans la hauteur & la force des baguettes ( des
tiges). Cependant les baffes, quand elles ont les
qualités ci-après, & que le vafe (la corolle) eft proportionné
à la hauteur de la baguette, ne font pas
rejetées, parce que les amateurs les tiennent en
ordre fur leurs planches plates, & veulent cependant
qu’elles faffent le dôme ou dos-d’âne. Il leur
faut, pour cet effet, des Tulipes de quatre hauteurs,
leurs planches ayant fept rangs.
Des fix pétales de la corolle, les trois intérieurs
doivent être plus larges,.tous arrondis, pas
trop évafés, nullement recourbés ou échancrés, ô c
fuffifamment épais. La durée des fleurs, furtout dans
les couleurs foncées, tient! cette dernière qualité.
« Quant aux couleurs, toutes deviennent de
mife quand elles font vives, nettes, & forment
un contrafte frappant. La couleur du fond ne doit
pas fe mêler avec celui des panaches, mais trancher
fur ce fond & régner du haut en bas des pétales.
Plus le fond eft petit, quoique bien marqué,
& les panaches nombreufes , plus la fleur eft belle.
.Si elle eft du nombre des bizarres, & qu'elle ait
des pièces fur les bords du pétale, qu’on nomme
p a n a c h e a y e u x , il faut qu'ils aient une couleur
bien vive & qui refforte fur le fond, telles que
des plaques noires fur un fond blanc.
» La Tulipe a d’autres panaches ou difpoütïons
de couleurs qui font recherchés par ies amateurs
j tris font les panaches en grande broderie,
bien détachés de fes couleurs, & qui ne prennent
point du fond ; ceux de petite broderie, quand
ils font nets & qu’ils percent bien leurs couleurs,
font également eftimés, mais il faut qu’ils foient
placés fur des bizarres.
» Quand une fleur réunit à ces qualités des étamines
brunes & non pas, jaunes, & les couleurs
aufli marquées en dedans qu’en dehors, elle eft
parfaite 5 mais peu réunifient ces avantages.
» Certains amateurs défirent vingt autres qualités
qui annoncent plutôt leur efprit de détail &
leur défaut d’occupation, que leur connoiflance
du vrai beau. »
A ces judicieufès obfervations de M. Feburier,
j’ajouterai que quelques perfonnes, malgré la décision
des docteurs, perfiftent à efiimer les Tulipes
doubles, panachées & même frangées, telle
que la cocarde jaune qui ne fait pas fe foutenir
fur fa tige, & dont les pétales s’écartent conftam-
ment de la maniéré la plus irrégulière. Il eft très-
probable , foit dit en paffant, que cettê dernière,
que la vivacité de fa couleur jaune fait remarquer
des plus indifférens, provient d’un type différent de
la Tulipe des jardins, probablement de la fauvage.
Les Tulipes ifolées, foit en pleine terre , foie
en pot, même celles difpofées en touffes ou en
bordure, font bien moins agréables au coup d’oeil
que celles qui font en planches convenablement
garnies; aufli eft-ce feulement de cette manière
qu’on les cultive généralement dans les jardins bien
dirigés.
On appelle p la n c h e d 'o r d r e , une planche où les
Tulipes font difpofées en lignes félon leur grandeur,
leur couleur, l’époque de leur floraifon,
& correfpondent à un catalogue où elles font
fommairement décrites.
On appelle p la n c h e d e m é la n g e j celle où elles
fe trouvent confondues...
Les jeunes oignons provenant de graine fe
plantent toujours en mélange, jufqu’à ce que leurs
fleurs fe panachent.
Une terre légère , plutôt fèche qu’humide,
plutôt amaigrie qu’engraifiee, eft; celle dans laquelle
la Tulipe profpère le mieux, quoiqu’elle
réuflifle quelquefois fort bien dans celles qui
font fortes, lorfqu’elles font bien labourées &r que
la faifon n’a pas été pluvieufe. Trop de fertilité
naturelle, ou.acqu.ife par des engrais, ainfi qu’une
furabondance d’eau, lui occafionnent ou une
pouffe plus vigoureufe en feuilles, dont les fuites
font la petite fie de fa fleur, ou la difparirion de
fes panachures, ou la graifîe, ou enfin la mort
de l’oignon.
Lorsqu’on n’a pas naturellement une terre convenable
aux Tulipes, on leur en compofe une en
mêlant, dans une épaifleur d'un pied, ou moitié
de terre franche, de terre de bruyère , ou moitié
de terre franche & un quart de fable pur & un
quart de terreau de feuilles.
Si, faute de matériaux, on ne peut opérer ainfi,
on aura la reffourçe ou de faire une fofle de trois
pieds de profondeur, de la remplir à moitié de-
recoupes de pierre de taille , de gravats & autres
objets analogues, & de remettre par-deflus la
terre qui alors fera à peu près élevée d’un pied
au-deflùs du fol environnant, ou feulement d’établir
un dos-d’âne d’un demi-pied de flèche pour
favori fer l’écoulement des eaux.
' En tout état de caufe., la terre deftinée à recevoir
des oignons de Tulipe doit être très-ameti-r
blie par des labours, & même, fi elle eft naturellement
forte ou pierreufe , il eft bon qu’elle
foit paffée à la C l a ie , f^o y e^ ce mot.
Comme originaire des pays, chauds, une expo-
fition méridienne eft favorable a la végétation de,
la Tulipe; mais, d’unèôté, s’accommodant de
toutes, & de l’autre fes fleurs fe colorant davantage
, fubfiftant plus long-temps aux autres expofi-
tions, on l’y place de préférence dans le climat de
Paris.
L’époque de la plantation des oignons de Tulipe
a été un objet de difeuflion parmi les amateurs,
cnacun prétendant que fa pratique lo.e.aje devoir,
fervir de loi ; mais il eft évident que cette époque
ne peut être fixée,,d’une manière générale pour
tous les climats, tous les fols ,.toutes les aqnées,
& d’ailleurs on doit avçfir pour but de multiplier
lès caïeux, confine d’ayôjr de belles fleurs, &
elle doit varier dans ces deux cas. |
En1 effet, i°. plus on plante de bonnç heure, &
plus la végétation eft vigoureufe dans les oignons,
plus les caïeux prennent de force ou s’augmentent
en nombre;.:;!0, plus on plante tard, moins les
fleurs font expofées a la gelée en fortaiit.de terre,
& moins on doit craindre la luxuriance de la végétation
,_ qui, comme je l’ai dit plus haut,
amène la décoloration, des fleurs.
Ainfi les jeunes oignons de femis & les caïeux ,
ainfi les gros oignons dont on voudra obtenir des
productions, feront plantés les;premiers, c’eft-à-
dire, au moins quinze, jours avant les oignons
dont les fleurs font deftinées à la jouiffan.ee.
Quelques jours plus tôt, quelques jours plus
tard, font d’une fi petite importance au fuccès ,
qu’il ne faut jamais planter quand il pleut.
En principe général, on peut planter dès que
la pointe des oignons commence à blanchir, c’eft-
à-qire , que le fommet de la première feuille fe
montre , ce qui a lieu ordinairement dès le mois
de feptembre; mais on ne le fait guère, pour les
oignons à fleurs, que vers la fin d’oétobre dans
le climat de Paris.
Les amateurs zélés, pour ne point être expofés
a mettre du défordre dans leurs planches, ont
un cafier pourvu d’autant de divifions numérotées
qu’ils doivent mettre de Tulipes dans leurs
planches, & c’eft dans ce cafier qu’ils mettent
leurs oignons en les levant, & dont ils les ôtent
en les plantant. Outre l’avantage de l’ordre ,
cette pratique a encore celui d’économifer beaucoup
de temps.
La difpofition des Tulipes dans la planche, relativement
a leurs couleurs, varie. Il eft des amateurs
qui mélangent les couleurs, d’autres qui
feparent les fonds blancs , appelés f lam a n d e s , fies
bizarres.. M. Feburier penfe qu'il Ut mieux fie les
mélanger ; &r je ne puis que me ranger de fon avis,
d'apres l’effet des planches que j’ai vues chez lui
& ailleurs.
La diltance à laquelle il convient de planter
les oignons varie entre cinq & fept polices, félon
la nature du fol & le goût de l’amateur. Le terme
moyen eft le plus généralement ufîté. M. Feburier,
qui , comme je l’ai dit plus haut, fait commerce
d’oignons de Tulipe , plante quelquefois à neuf
pouces fes planches d’ordre, & il met un caïeu ,
.encore trop foible pour donner fa fleur, dans l’intervalle,
Û>C par ce moyen il ne dédouble pas fes
collerions & n’a pas le défagrément d'avoir des
planches fans fleurs ; mais il ne peut être imité
par ceux qui ne cherchent dans la culture de cette
plante que l’agrément du coup d'oeil, une aufli
grande diftance diminuant l’effet des comparaisons.
«
Généralement les caïeux font plantés dans des
planches particulières Sc hors des parterres, à un,
deux ou .trois pouces d’écartement, félon leur
grofie un
. J ai (déjà dit que les oignons à haute tige dévoient
être placés fur le milieu, & qu’on faifoit
communément fept rangs dans chaque planche >
ce qui donne quatre pieds de largeur à chaque
planche.
La profondeur à laquelle il convient d’enfoncer
les oignons varie félon le terrain. Dans
les fols légers & dans les climats chauds , on les
place à quatre pouces de la furface ; dans les terres
fortes & dans les pays froids, deux pouces font
quelquefois de trop.
La manière la plus générale eft de les placer
perpendiculairement ; mais fi on a à craindre une
furabondance d’humidité, il fera prudent de leur
donner une pofition un peu inclinée.
Quelques cultivateurs, dans ce cas, les plantent,
droits, mais Les placent fur une poignée de fable
qui écarte l’eau de leurs racines pendant l’hiver ,
époque où elle eft le plus à redouter.
Les oignons fe mettent, tantôt, dans des trous
faits avec un plantoir ou avec le doigt, dans les
points d’interfeélion de lignes parallèles tracées
au moyeu d’un cordeau, à la diftance indiquée
plus haut, dans les planches préparées, trou«
qu’on comble avec un rateau ; tantôt à la furface
ou prefqu’à la furface , aux mêmes points, pour
les recouvrir, à la hauteur fufdite, en criblant
delà terre fur la planche. Cette dernière méthode
eft préférable, mais plus longue.
Il eft bon, quelle que foit celle de ces méthodes
employée, de recouvrir la planche d’un demi-
pouce de terre de bruyère ou de terreau.
Jufqu’au printemps, les Tulipes ne demandent