
une écurie, un grenier, Couvent même une chambre
d’habitation qui fert de féchoir.
Au relie, on n’ a pas, aux environs de Clairac,
la mauvaife pratique ufitée en Caroline, de faire
fermenter les feuilles avant de les mettre à def-
fécher.
Pius la defficcation des tiges de Tabac efl lente,
& plus les feuilles font de bonne nature, parce
qu’une partie de la fève contenue dans la tige y
paffe.
Les tiges de Tabac relient au féchoir jufqu’à ce
que les travaux de «la campagne fuient terminés5
ainfi ce n’eft que vers le milieu de'décembre q ue ,
par un temps humide, les feuilles font détachées
une à une de la tige, réunies en manofques, &:
dépofées fur un plancher en tas formés par deux
rangs de manofques oppofées, tas qu’on élève de
trois à quatre pieds, 8c auxquels on en donne
deux à trois de largeur. La plupart des cultivateurs
ne font aucun triage de feuilles, ce en quoi ils
ont tort; ils les laiffent ainfi en tas jufqu’à la vente.
On voit encore ici, par l’expérience, que la fécondé
fermentation qu’on fait fubir aux feuilles,
en Caroline, eft au moins inutile. Je dis au moins,
car j’ai entendu tous les planteurs de ce pays fe
plaindre que cette opération leur faifoit Couvent
perdre une partie & même quelquefois la totalité
de leur récolte, par Tinfouciance qu’apportent
les nègres dans les foins qu’elle exige.
Dans les temps où la culture du Tabac a été
complètement libre en France, elle donnoit des
bénéfices d’une importance majeure aux cultivateurs
qui fpéculoient fur elle , puifqu’elle rap-
portoit, terme moyen, par arpent, 400 francs de
revenu net à fon propriétaire, lorfqu’il cultivoit
feulement avec fa famille 8c fes domeitjques à l’année,
toutes les chances fupp'ofées favorables. Aujourd’hui
les avantages de cette culture paroiffent
être beaucoup diminués par les mêmes caufes que
j ’indiquerai après avoir détaillé celle du Nord.
La culture du Tabac eft fort étendue en Alface,
en Flandre & encore plus en Hollande, les terres
de ces pays y étant tres-propres ; mais le manque
de chaleur empêche les -feuilles d’y prendre de
la qualité, & fait Couvent manquer les récoltes en
partie, ou quelquefois même complètement.
Dès le mois de mars, ou même plus, tôt fi la
faifon le permet, on fème le Tabac fur les bords
du Rhin, principalement aux environs de Sche-
leftat. A cet effet on prépare des couches contré
lin mur expofé au midi, ave? du bon fumier de
cheval, 8c on leur donne deux pieds de hauteur
fur quatre de largeur , la longueur dépendant du
local ou de la quantité du plant dont on a befoin ;
fix à huit pouces de bon terreau, provenant des
couchés de l’année précédente, les recouvrent ; on
les abrita contre le froid de la nuit par des planches
ou d.:s paillaffons. Les foins qu’elles exigent
iorfque le plant eft le v é , ne diffèrent pas de ceux
dont il a été queiiion plus haut, mais ils font plus
minutieux, à raifon de la plus longue durée des
gelées 8c du plus grand froid des nuits après
qu’elles ont ceffé.
La terre deitinée au Tabac eft également pro.
portionnée à la quantité, de bras que les cultiva*
teurs ont dans leur famille, car il n’tft pas toujours
certain d ’en trouver à louer à point nommé pour
les travaux que néceffite fa culture; d’ailleurs,
il faut mettre de l ’économie dans ces travaux, &
une foible avance en argent paroît plus à charge
à ces cultivateurs que l’emploi de plufieurs jours.
Souvent on delline au Tabac des terres qui ont
porté des navettes d’ hiver; mais comme on ne.
peut leur donner les mêmes labours , à raifon de
la brièveté du temps, on ne doit le faire que dans
le cas où il y a néceffité.
Les meilleures terres font celles à demi confif-
tantes & fraîches ; le Tabac eft plus doux, & par
conféquent plus propre à la pipe, dans celles qui font
plus légères ; il eft plus âcre, 8c par conféquent plus
propre à la tabatière, dans celles qui font plus ar-
gileufes, on les laboure deux &même quelquefois
trois fois, 8c on leur donne une fumure complète.
Lorfqu’on a des boues de v ille , des curures d’étangs
6c autres engrais de cette nature, on ne
manque pas d’en profiter.
Vers la fin d’avril ou au commencement de mai,
félon que la faifon eft plus ou moins avancée, ou
que les plants ont plus profpéré fur les couches,
on les tranfplante en pleine terre, & avec les
précautions que j’ai déjà indiquées. Plus cette
tranfplantation fe fait de bonne heure, 8c plus la
récolte eft abondante 8c de bonne qualité, mais
auflî plus on craint les effets de la gelée. Il n’eft
pas poffible de donner de confeils généraux fut
cet objet,-chaque cultivateur étant feul juge des
circonllances atmofphériques 8c de fa pofition
particulière. On difpofe le plant plus fouvent en
carré qu’en quinconce, quoiqu’on reconnoiffe les
avantages de ce dernier mode. La diftance entre
les pieds eft prefque la même qu’ à Clairac ; cependant
elle devroit être un peu plus confidérable,
à raifon de la néceffité, i° . d’entretenir autour de
ces pieds, lorfqu’ils font devenus grands, un aifei
fort courant d’air pour que l’humidité furabon-
dante du fol puiffe s’évaporer; 20. de favorifit
l ’aélion directe du foleil fur la plus grande partie
des feuilles. Les remplacemens ont lieu lors du
premier binage, quis’effeétue huit à dix jours après;
on en donne quatre à cinq dans, le courant de
la faifon. Généralement on ne pince ni n’ébour*
gronne , ni n’enlève tes feuilies inférieures comme
dans le Midi, ces opérations fe retardant jyfqu’aU
moment de là récolte.
Quelquefois des gelées tardives frappent le
fommet des plants de Tabac après leur tranfplantation
, ce qui nuit confidérablement à leur croif-
fance. Quelques écrivains ont confeillé, pour prévenir
cet accident , de couvrir chaque plant, pendant
les nuits où il eft à redouter, avec des pots de
B k ; terre:
terre renverfés, prétendant que la dépenfe de ces
pots une fois faite (ils reviennent à 3 ou.4 francs ,
le cent), ce feroit pour long-temps; mais ils necon-
fidéroient pas, ces écrivains, la difficulté de tranl- :
porter ces pots dans les champs à Tabac 8c de les
placer fur le plant. Dans un pareil cas, le mieux
eft de ne rien faire 8c de tout attendre de la nature. ;
L’ ufagë èft de ne lai (Ter que neuf à dix feuilles'
quand on veut récolter du Tabac fortp onze ou
douze quand c’eft fur le Tabac ordinaire qu’on
fpéeule5 & enfin, quinze à feize quand on èfpère
bien vendre le Tabac foible. Je ne fais fi l’opinion
des cultivateurs, à cet égard, eft fondée fur une
pratique fuffifahiment éclairée, mais la théorie
explique difficilement, p ar j’influence du nombre
des feuilles, la bonne qualité du Tabac, tandis
qu’elle en trouve la fource dans l’aétion de la chaleur
te de la féchereffe.
Les féche relies font moins à craindre fur les
bords du Rhin qu’aux environs de C h ira c , à raifon
du peu .de chaleur du climat; mais,les longues
pluies y font plus fréquentes & caufent également
du mai en rouillant les feuilles , & en ne leur permettant
pas d’acquérir toute la qualité defirable :
les froids précoces leur font aijffi éprouver ce
dernier inconvénient; quelquefois encore les gelées
font perdre la récolte en partie ou en total
i t é . :
Rarement la faifon eft allez favorable pour que
la récolte foit en même temps abondante & de
bonne qualité, c’eft-à-dire , que quand elle a été
trop fèche, les feuilles font petites, & que quand
elle a été trop humide, elles ont peu d’odeur &
de faveur.
Il me femble que, dans les pays froids; on devroit
moins tendre à avoir de grandes feuilles que dans
i les pays chauds, ces grandes feuilles devant être
épaules à proportion, & par conféquent contenir
plus d’eau de végétation , c ’eft-à-dire, être moi-ns
bonnes fous un poids éga l, que celles qui font plus
lâches. Cette confidératioh, au telle, efl peu pefée
par les cultivateurs, qui généralement tendent plus
à la quantité qu’à la qualité ; mais elle devroit
! jg i| beaucoup par les Gouvèrnèmens, qui font
intérèfiés à la bonne réputation des objets de leur
exportation.
Vers le milieu de juillet on commence la ré-
| ^Ité' aux environs de Schèlèftât ; elle [diffère par
| Ion mode de celle de la Caroline & de Clairac. En
; , On laiffe la fige fur pied 8c 6n enlève .les
; feuillès tes unes après les autres. Les premières ré-
col téës font celtes dites de terre, au nombre de
quatre à cinq, q u i, au contraire des pays précités,
ont été confervées. Leur qualité èft très-in-
terieürë , 8c elles font prefque toujours falies par
à terte ftlie les pluies 5ont fait jaillir fur elles. Au
commencement d’août on coupé là tête & .on
enlevé tous lès bourgeons .axillaires, dont les
[ euilîes, qu’on appelle git^en -} fe confervent pour
j- a ventè*# Cette dernière opération fe renouvelle
■ agriculture.. Tome VI.
tous les huit jours, & chaque fois on cueille les
bonnes feuilles inférieures q u i, par leur changement
de couleur 8c leur abaiffement, annoncent
jêtre arrivées à point. Cela fe continue, pour les
bonnes feuilles, jufqu’à ce qu’il n’y en ait plus , &
pour tes gitzens, jusqu’aux gelées blanches.
Comme je i ai déjà ob ferv é, les plus foibles
gelees frappent le T a b a c , & alors il n’eft plus
propre à entrer dans le commerce '; de forte que
les cultivateurs ont le plus grand intérêt à en ter-
min-r la récolte avant leur arrivée ; cependant
celui qu’ ils ont également à avoir du Tabac de
qualité, qualité qu’ il n’acquiert que par fa complète
maturité , les oblige de retarder le plus '
poffible cette recolre, furtout dans les années
froides 8c humides ; auffi fon t-ils quelquefois
furpris par elles.
/ he lendemain de chaque jour de récolte on
^ l^ chë tes feuilles, c ’eft-à-dire, qu’on met de
côté celtes qui font mauvaifes, qu’on fépare des
autres les parties altérées, & qu’on diftingue
chaque qualité, puis on les enfile par le milieu,
en 1 aidant des intervalles d’un demi-pouce ên-
tr elles, te On les fufpend dans une chambre
ou un grenier, ou autre iieu fec & aéré, en
écartant les rangées d’un demi-pied au moins ;
; chaque lialïe eft ordinairement de cinquante à cent
j feuilles.
D*;s vifîtes fréquentes doivent être faites dans
les fécheries , qu’on appelle pentes dans quelques
endroits, afin de réparer les défordres que le vent
ou d’autres caufes y ont occasionnés pour placer
fur les bords les baffes, qu’on appelle auffi guirlandes,
qui fe trouvent au centre , '& qui font moins
avancées que les autres dans leur defficcation.
La moififfure du Tabac eft extrêmement à redouter,
parce que la plus petite feuille qui en eft
attaquée , communique fon odeur d’abord à une ■
partie & enfuite à toute la récolte , & qu’elle devient
impropre à la vente. Une furveiilance a&ive
pendant & après la defficcation peut feule garantir
de cet accident, qui eft plus rare dans les pays
chauds. V o y e i Mo is is su r e .
Si les gelées font à craindre pendant la récolte
des feuilles, il eft prudent de couper les pieds rez
terre pour les apporter à la maifon & les faire
fécher à 1 abri de ces gelees, foit en les fufpendant
comme dans tes environs de Clairac, foie en les
étendant fur le fol d’un grenier, en un ou deux
rangs au plus. P^r ce moyen là fève, qui fe trouve
dans la tig e , agiffant encore fur les feuilles, ces
dernières perfectionnent un peu leur maturité. Il
eft à remarquer que , dès que les feuilles du Tabac
font fanées, la gelée n’a plus d’aétion fur elles.
Lorfque la récolte a été abondante & qu’on
manque d’ abri, on fufpend les feuilles en plein air
dans un lieu fec & expofé au fole il, en les couvrant
d’une toile. Pour accélérer, 'dans ce cas ,
leur defficcation , on change de place les liaffes.
Les feuilles peuvent refter au féchoir, lorfqu’ ii
F f f