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Tfchouktski, qui habitoient vers l'embouchure
de l’A n âd y r , que vis-à-vis de ce cap , il y avoir
une grande île habitée par des gens qui venoient
chez eux pardeffus la glace en hiver, & leur ap-
portoient de mauvaifes zibelines.
Pour abréger, je ne dirai rien du refte de fa relation.
M. Muller meparoîttrop févere là-deffus: il
av.oue qu*elle eft réellement d’À tlaffow, mais il dit
qu’elle ne s’accorde ni avec la requête de(celui-ci
de 1700, ni avec fa dépofition juridique de 1701 ;
pour faire valoir fon doute, il auroit au communiquer
ces. pièces comme tant d’autres intéreffantes,
dont il a enrichi fon recueil ; il ne l’a pas fait ; &
puifque le C za r, fi bon connoiffeur en hommes ,
en a été fi content, qu’il l’a fait colonel des Cofa-
ques à Jakontsk, ceci fait bien plus d’impreffion
fur moi.
12°. On envoya fouvent des partis contre les
Tfchouktski, fans pouvoir les fubjuguer. Popow
voulut obliger en 17 11 , ceux qui demeurent de
l’autre côte de la baie & du cap ou noff, à payer
le tribut, ce qu’ils refuferent. 11 tira pourtant d’eux
des connoiffances fur la fituation des pays voifins ;
il fut, que v i s - à - v i s , foit du Kolyma, foit de.
î ’A n ad y r , on voit une île , que les Tchouktski
somment la Grandi terre, dont les habitans fe percent
les joues & y paffentde grandes dents ; n’ayant
pas la même langue que les Tfchouktski, qui font
en guerre avec eux depuis un tems immémorial.
Popow en vit dix , qui étoient prifonniers chez les
Tfchouktski ; & il remarqua que ces dents étoient“
des pièces de celles des chevaux marins. 11 apprit
qu’en été on y paffoit en un jour avec des bai-
dares , & en hiver fur les glaces, auffi en un jo u r ,
dans les traîneaux.
Sur le promontoire ou tertre de ce cap, on ne
voit que des loups & des renards, parce qu’il n’y
a pas de forêts ; mais fur l’autre terre , il y a toutes
fortes d’animaux qui fourniffent de belles pelleteries.
Les habitans ont de nombreux troupeaux
de rennes. Il y a des cedres, fapins , pins, me-
îezes & autres arbres. Popow jugea que le nombre
des Tfchouktski du cap fe peut monter à deux mille
hommes, & celui des infulaires au triple ; que,
depuis l’Oftrog-Anadyr, on paffoit par terre pour
aller au N o ff, à côté du rocher Matkol, qui étoit
au fond d’un grand golfe.
130. Jelticshin, en 1716, devoit entr’autres fe
rendre depuis le Tfchouktskoi-Noff, aux îles &
autres pays du côté oppofé, mais ce voyage n’eut
point de fuite.
En 17 18 , des Tfchouktski fe rendirent à l’Of-
trog-d’Anadirski, pour fe foumettre volontairement
, & rapportèrent qu’ils habitoient le promontoire
entre l ’Anadyr & le Kolyma ; qu’ils
étoient au nombre d’environ trois mille cinq cents
hommes ; que ce promontoire étoit rempli de rochers
& de montagnes ; mais que le plat - pays
confiftoit en terres à tourbes; que vis-à-vis du
cap on voyoit une île de grandeur médiocre,
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dont les habitans reffembloient aux Tfchouktski ,
mais fe fervoient d’une autre langue ; que depuis
la pointe on pouvoit paffer en un demi-jour à cette
île ; qu’au-delà de celle-ci on trouvoit un grand
continent, qu’on pouvoit voir depuis l’île par un
tems ferein ; que fes habitans reffemblans auffi
aux Tfchouktski , avoient une langue différente ,
beaucoup de forêts, &c. (ceq ui eu ladefcription
exa&e de la grande île rapportée ci deffus ) ; qu’avec
leurs baidares ils pouvoient en côtoyant le
promontoire , faire le voyage depuis le fond de la
baie de l’A n ad y r , à la derniere pointe du promontoire
, en trois femaines , foiivent en moins
de tems.
140. Pierre-le-Grand voulant avoir une connoîf-
fance plus précife de ces pays & paffages, & ne
pouvant obtenir de la Compagnie des Indes en
Hollande de s’en charger , ayant d’ailleurs ce def-
fein fort à coeur, il envoya en 17 2 7 , deux géo-
defiftes ou géomètres, au Kamtschatka. On n’a
jamais rien pu apprendre fur ce qu’ils firent 8c
découvrirent. On lait feulement qu’à leur retour ,
le czar les reçut fort gracieufement ; ce qui a fait
préfumer qu’ils s’acquittèrent avec fuccès de ce
dont ils étoient chargés.
150. Enfin le czar voulant abfolument contenter
fa curiofité,& faire reconnoître ces. paffages, &
principalement être affuréfi Y /.fie étoit contiguë à
l’Amérique , du côté du nord-eft, vers le cardes
Tfchouktski, puifque du côté du nord , on étoit
déjà fur qu’elle ne l’étoit pas ; il choifit Beering ,
Danois, marinier très-expert.
Pierre eut cette affaire fi fort à coeur , que
quoiqu’alité parla maladie qui mit fin à fa v ie , il
en parla à Beering , & dreffa en outre , de. fa propre
main , une inftruâion détaillée pour lu i, laquelle
lui fut remife cinq jours après le décès de ce
grand monarque.
Il eut pour adjoints les capitaines Spangberg 8c
&Tchirtcon.
160. 11 partit le 14 juillet 1728, de la rivière
de Kamtfchat, & cingla vers le n ord -eft, fui-
vant les côtes, qu’il perdit rarement de vue ; &
dreffa une carte de celles-ei, auffi exafte qu’il étoit
poffible , & c’eft encore à préfent la meilleure
qu’on en ait.
Le 8 août, fe trouvant à 64 d. 30' de latitude 9
un baidare , avec 8 hommes s’approcha de fon
vaiffeau ; ils fe difoient Tfchouktski, nation depuis
long-tems connue des Ruffes, 8c qui réellement
habite cette contrée. Ils dirent que la côte
étoit remplie d’habitations de leur nation, & firent
entendre que k côte tournoit affez près de-là vers
l’oueft ; ils indiquèrent encore une'île peu éloignée,
que Beering trouva le 10 ao û t, 8c lui donna le
nom de Saint-Laurent.
Le 15 du même mois, iî étoit parvenu à 67 â,
,j8' de latitude ; voyant q u e , comme les Tfchouktski
le lui avoient indiqué , la cote couroit vers
l’oueft & non plus au nord, il en tira la conféquence
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erronée , dit-on, qu’il avoit atteint Fextrémîtê du
nord-eft de YAfie ; que la côte tournant dès-là vers
l ’oueft, une jon&ion de YAfie avec FAmerique ne
pouvoit avoir lieu , & qu’il s’étoit acquitté de fa
commiffion. M. Muller ajoute qu’il fe trompoit,
puifqu’il fe trouva feulement au Serdrekamen,
d’où la côte alloit vers l’oueft, 8c formoit un grand
golfe ; mais elle fe replioit en fuite vers le nord^
8c nord-eft , jufqu’augrand Tfchouktskoi-Nofs.
Au retour, le 20 août, quarante Tfchouktski
vinrent à fon vaiffeau dans quatre baidares, &
dirent que leurs compatriotes alloient fouvent vers
le Kolyma, par terre, avec des marchandifes,
mais jamais par eau.
170. En 17 2 7 , Scheftakow voulut aller fubju-
guer les TfchouktskiÛ de même que lesKoriaques,
vers le golfe de Penfchinska, au nord du Kamtschatka,
découvrir enfuite les pays fitués à l’oppo-
fite du Tfchouktskoi-Nofs & les conquérir. Il eut
pour adjoint le capitaine Pauluski, avec lequel il
fe brouilla & dont il fe fépara, le géodefifte Gi-
vofden & autres.
Scheftakow marcha vers le fud pour dompter les
Koriaques du Penfchinska ; mais en étant à deux
journées, il rencontra un très-grand nombre de
Tfchouktski , qui voulurent auffi aller faire'la
guerre aux Koriaques. Scheftakow alla à leur rencontre
& fut tué; trois jours avant fa mort, il
avoit envoyé le Caufaque Krowpifchew, pour inviter
les habitans des environs de ce fleuve à fe
foumettre aux Ruffes ; il lui recommanda encore
Givofden. Il eft fu r , continue M. Muller, que
celui-ci a é té , en 1730, fur une côte inconnue ,
entre le 65 8c 66e degré, pas loin du pays dçs
Tfchouktski, où il trouva des gens auxquels il ne
put parler , faute d’interprete.
L’officier Ruffe ajoute que Givosden ayant été
envoyé pour chercher les provifions , qui étoient
reftées depuis l’expédition de Beering, & les conduire
dans le pays de Tfchouktski, pour celle de
Pawluski, il parvint jufqu’au Serdzekamen, & fut
chafle par les vents fur les côtes de l’Amérique,
peu éloignées du pays des Tfchouktski.
Le 3 feptembre 1730, Pawluski arriva à Ana-
d y r , oc fit la guerre aux Tfchouktski l’année fui-
vante. Il avança dire&ement vers la mer Glaciale,
vint à l’embouchure d’une rivière confidérable ,
inconnue, ayança pendant quinze jours, vers l’eft,
prefque toujours fur les glaces, fouvent fi loin de
la te r re , qu’on ne pouvoit appercévoir les embouchures
des rivières ; à la fin il remarqua une
grande armée de Tfchouktski qui s’avança 8c parut
prête à combattre ; le premier juin il les attaqua &
remporta la vi&oire. Après quoi il y eut deux combats.
Il paffa donc vi&orieux le Tfchouktskoi-Nofs, où
il trouva de hautes montagnes, qu’il lui fallut grav
ir , & employa dix jours pour atteindre les cotes
oppofées ; ici il fit paffer partie de fes gens fur des
baidares, & lui ayec le refte continua fon voyage
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par terre le long de .la côte qui court' fud-eft, &
eut chaque foir des nouvelles de fes baidares. Le
vingt - feptième jour il fe trouva à l'embouchure
d’une rivière , & dix-fept jours après à celle d’une
autre ; à environ dix werfts ou 2 lieues derrière
celle-ci, un cap s’avance très-loin vers l’eft dans la
mer; il confine au commencement en montagnes
qui peu-à-peu deviennent plus baffes 8c finiffent
enfin en plaine.
Selon toute apparence , continue M. Muller,
c’eft le même cap d’où le capitaine Beering étoit
retourné. Parmi ces montagnes, il y en a une,
q ui, àcaufe de fa figure reflèmblante à un coeur,
eft nommée par les habitans d’Anadirskoi-Oftrog , -
Serdrekamen. Ici Pawluski quitta la côte , & retourna
par le même chemin qu’il avoit pris en
allant à Anadirski où il arriva le 21 oélobre.
180. M. Muller parle du zele ardent que M.
Kirilow , alors fécrétaire du fénat, manifefta pour
la réuffite de ces découvertes en 1732.
Après avoir rapporté ce que les Ruffiens, en
particulier M. M . . . nous apprennent, ajoutons
en peu de mots, ce que nous tenons d’autres auteurs
plus anciens.
190. Le P, Avril a appris cPnn vaivode , que
les habitans , vers le Kowima, alloient fouvent
fur les bords de la mer Glaciale à la chaffe du
behemot ou cheval marin , pour en avoir les dents.
20°. M. Witfen, qui s’eft rendu fi célèbre par
les foins infinis qu’il a pris, depuis environ 1670 à
1692 , pour découvrir ces pays inconnus , d i t ,
« que la grande pointe faillante, qu’il nomme cap
» Tabin , s’étend près de l’Amérique ; que. cin-
» quante à foixante hommes, venant du Lena, un
» peu avant 1692, fe font avancés dans la mer
» Glaciale, & ayant tourne à droite, font arrivés
a à la pointe, contre laquelle donne toute la force
ff des glaces qui viennent du nord, &c. Il ne leur
n a pas été poffible de doubler ce cap , ni d’en
■ n appercevoir l’extrémité depuis les montagnes du
a nord-eft de cette pointe de l’A fie, qui n’a pas
» beaucoup de largeur en cet endroit ; ils remar-
» quèrent que la mer étoit débarraffée des glaces
n de l ’autre côté, c’eft-à-dire, du côté du fud , d’où
a l’on peut conclure que le terrain de cette pointe
a s’étend fi fort ail nord-eft, que les glaces qui
» defeendent du nord ne peuvent pas palier du
a côté du fud a.
M. B u a ch e ( i) , â ’où je tire ce paffage, appuie
8c explique ce c i, en difant : « les premières glaces
a venues du nord*s’arrêtent à l’île , entre le cap &
a l’Amérique, & aux bas-fonds qui la lient aux
a deux continents; ces glaces s’étant amoncelées,
» forment comme un pont ; & ce n’eft qu’après
» cela que les autres qui arrivent enfuite du nord,
a ne peuvent paffer au fud , 8cc. ». On trouve fur
cette pointe, continue M. Witfen , des hommes
qui portent de petites pierres & des os incruftés
(1) Confidéraûons géographique«, pages 105 & 106»
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