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•la force ni l’ambition de faire des conquêtes. Le
Danemarck, attentif à conferver fes poffeffions,
ne peut nuire à l’empire, & a befoin de fon fe-
eours contre la Suède. L’Angleterre, fatisfaite d’être
la dominatrice des mers, n’eft jaloufe que d’étendre
fes poffeffions dans le nouvel liémifphère.
Les Hollandois, nés au milieu des eaux., ont
tourné leur ambition du côté de l’Inde. La Suède,
fous fes rois conquérans, a enlevé plufieurs provinces
d’Allemagne ; mais cette puifiance manque
d’hommes & d’argent pour fontenir une longue
guerre; c’eft un débordement qui fe diffipe dans
les campagnes qu’ il inonde. La France eft le feul
état qui puiffe attaquer avec fuccès l’Allemagne.
Mais la nature a fixé fes bornes, & l’expérience
lui a appris qu’elle ne peut les franchir impunément.
Les avantages du corps germanique font com-
penfés par beaucoup de maux politiques qui le
confument au-dedans. Le défaut d’harmonie entre
les membres qui le compofent, la défiance qu’ils
ont de la puifiance du chef, accrue à un dégré dif-
proportionné avec la fureté de l’empire,"l'ont le
germe de fa langueur & de fon dépériffement. Dans
les corps politiques , quand il y a plufieurs princes
qui préfident au deftin d’un état, prefque toujours
divilés d’intérêts, il eft très-rare de les voir conf-
pirer à une même fin. Le concours & la réunion
des forces ne fe trouvent que dans les monarchies,
ou dans les républiques où le pouvoir fuprême eft
concentré dans une feule v ille, comme dans Rome,
• Sparte, Athènes, Venife. Les jaloufies minent &
.détruifent infenfiblement les gouvernemens com-
pofés de plufieurs états égaux en pouvoir. Les villes
impériales devenues riches par leur commerce,
excitent la cupidité des princes indigens, qui ne
peuvent fe diffimuler que c’eft la liberté qui fait
germer les richeffes & l’indufirie : la noblefle, fiere
de fon origine, diftille le mépris fur le peuple qui
fe croit aulïi refpe&able qu’elle par fon opulence.
La jaloufie fème encore la divifion entre lès princes
féculiers & les princes eccléfiaftiques ; les premiers
voient avec indignation les miniftres de l’autel
jouir du droit de préféance, quoiqu ils foient
bien inférieurs en naifiance, & qu’ils ne puiffent
tranfmettre leur grandeur à leur famille: de leur
coté les princes eccléfiaftiques fe plaignent fans
çeffe des féculiers qui ontufurpé une portion de
leurs revenus; enfin on voit par-tout des opprimés
& des cpprefleurs.
Le prétexte de la religion fomente les haines
& divife des coeurs qu’elle fe propofort d’unir ; le
clergé catholique a été privé par les princes pro-
teftans de quelques-uns des domaines qu’il pof-
fédoit. Les prêtres dépouillés d’une partie de leurs
biens, ne font pas difpofés à en aimer les ra-
viffeurs. Le plus grand vice de ce gouvernement
eft le droit accordé à différens états de l’empire
de faire des alliances avec leurs voifins; c’eft ouvrir
une entrée aux étrangers; c’eft rompre l’union na-
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turelle pour faire une adoption nouvelle ; c’eft de
confier au fort des armes la décifion des querelles
qui ne doivent être difcutées qu’au tribunaL des
loix ; enfin fans ces vices de conftitution, l’Allemagne
pourroit fe flatter de donner des loix a
l’Europe entière, ou au moins de la tenir dans
de continuelles frayeurs.
On compte en Allemagne deux mille trois cents
villes,un plus grand nombre de bourgs, & on effi-
me à 80000 le nombre des villages. Sa population
totale eft de vingt -fix millions d’habitarrs.
La langue allemande varie beaucoup fuivant les
différentes contrées de l’empire dans lefquelles on
la parle ; la prononciation, le dialeéle, l’emploi
des mots different tellement aujourd'hui , qu’il
arrive fort fouvent qu’un allemand n’entend point
un autre allemand. La grande étendue de l ’empire,
la diverfité de fouverainetés, & le défaut de
capitale qui faffe loi dans la maniéré de s’exprimer,
en font inconteftablement lacaufe: très-peu
écrivent & parlent. correctement , & nulle part
les Grammairiens ne varient autant dans leurs
principes ; en général on regarde la Saxe comme
le pays où on parle le mieux allemand.
Dans la Marche de Brandebourg, en Poméranie
, en Luface, en Moravie, en Autriche, & eh
plufieurs autres contrées , les bourgeois & les
payfans font comme ferfs de leurs feigneurs.
Les Juifs font très- nombreux en Allemagne;
mais en général ils y font pauvres.
Les Connoiffances & les lumières gagnent &
s’étendent beaucoup en Allemagne, particulièrement
dans les états Proteffans. On compte dans
tout l’empire trente-huit Univerfités, & beaucoup
d’Académies, de Sociétés Littéraires, dont celles
de Berlin, de Gottingue & de Léipfic, font les
plus célèbres. Le Droit public, la Jurifprudencé,
la Théologie , la Botanique, la Chimie, la Méta-
phyfique , l’Aftronomie , l’Hiftoire , la Géographie
, les Mathématiques, doivent beaucoup aux
Allemands.
Ils fe font aufli diftingués dans les Arts libéraux.
Leur mufique eft la meilleure de l’Europe
après celle d’Italie. Elle excelle fur - tout à Drefde.
Les productions de quelques Poètes Allemands
peuvent être mifes en parallèle avec celles des
meilleurs Poètes étrangers. Albert Durer, Pierre-
Paul Rubens dans la baffe - Allemagne, fe font
immortalifés dans la peinture. Les premières gravures
ont paru en Allemagne ; Nuremberg en fut
le berceau. Albert Durer à gravé à l’eau - forte
avant les Italiens. Ce qu’on appelle la maniéré
noire a été inventée en 1648, par M. de Sichem,
lieutenant-colonel au fervice de Heffe, & l’invention
de l ’Imprimerie eft un bienfait de l’A llemagne.
Si le compas n’a pas été inventé en Allemagne
, du moins il y a été perfectionné.
Les fabriques commencent à y être fur un pied
affez florifiant, celles de foieries fur-tout. On y fabrique
du linge damaffé de la plus grande -beauté 3
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de la toile unie, ray ée, à carreaux, cirée, teinté,
imprimée, peinte, & du coutil. On y fait tomes
fortes de papiers & de très-fines dentelles- On
y coule des glaces d’une grande beauté;-1 or &
l’argent y font battus en feuilles tires en f ii, tiflii
avec de la foie; on en fait des galons, des dentelles
, & toutes ' fortes de broderies. La clincail-
lerie y fait entrer des Tommes confidérables. Les
peaux de bêtes y fourniffent des cuirs. & peaux
dé toute efpèce, & la laine des brebis fournit aux
manufactures les matières pour les ^draps , les, ratines,
les tapifferies, & quantité d étoffes qui en
fortent.
L ’Allemagne a de grands avantages pour le commerce
intérieur & extérieur , touchant à l’océan
Germanique, à la mer baltique, a-. la mer medi-
terranée , & arrofée d’un nombre prodigieux de :
fleuves & de rivières navigables.. .
Quoique le pouvoir de l’empereur en Italie ait
fort diminué., il y exerce encore plufieurs droits
régaliens. Il a le droit d’élever tel ou tel noble à un
rang ou dignité plus éminente, & d accorder à fes
terres ou à fes fujets différens privilèges. En cas
de défobéiffance ou d’ intelligence avec les ennemis
de l’état, les princes d’Italie font mis au ban
de l’empire & encourent la confifcation de leurs
poffeffions. C ’eft ainfi qu’en 1708 les Gonzagues furent
dépouillés de la fouveraineté de Mantoue, que
l ’empéréur doit pofiéder au nom du corps Germanique,
comme un fier devoiu à 1 empire. Il eft encore
d’autres droits ou prétentions de l’empereur en Italie
, & l’empire y a un grand nombre de fiefs. Au
refie, les états puifians n’y reconnoifiènt point &
rejèfent la jtirifdiClion impériale._
Du vivant de l’empereur ; les éleCleurs lui nomment
quelquefois un fucceffeur, défigné fous le nom
de roi des Romains. Les cérémonies de fon éieChon
& de fon çouronnem'ent font les mêmes que celles
d’un empereur. Il reçoit le titre de majefté.
En cas de vacance du trône impérial, de minorité
ou de longue abfence de l’empereur, l’é -
leCleur Palatin & l’éieCîeur de Saxe font vicairès
de l’empire , chacun dans une partie déterminée.
L ’empereur jouit de la préféance fur les autres-
fouverains de l’Europe ( le pape excepté ) , & fes
ambaffadeurs ont le pas fur ceux des autres princes.
Il donne en Allemagne l’ihveftiture des fiels , & il
difpofe de ceux qui font dévolus à l’empire par confifcation
, ou faute d’héritiers.
On appelle noblefle .immédiate celle qui relève
direélement de l’empire ; la noblefiè médiate eft
celle qui reffortit à celui des états de l’empire auquel
elle appartient. Les éleéleurs ont le titre dW-
teJJe élettorale férènijjime ; & les éleéïeurs eccléfiaftiques
, qui ne font point nés princes, n’ont que celui
d'alttffe èUftoraLe. L’empereur donne aux électeurs
eccléfiaftiqus le titre de révérendiffime, & de
neveu., & aux éleéteurs féculiers celui, de, férénif-
fime &, d’onclè. Les uns & les ,autres ne font fujets
à aucune taxe en prenant l’inveftiture de leurs fiefs.
Ils-pettVenrenvoyer à l’empereur des miniftres du
premier rang. Dans les affaires de guerre, de paix,
d’ailiance, dans, toutes celles qui font relatives à
Tadminiftration de l ’état , l’empereur ne.-peut point
ftatuer fans leur concours & leur contentement,
étant, aux termes de la capitulation impériale, les
confeillers intimes de l ’empereur C eft aufli de
leur confentement ou à leur réquifuion que l'empereur
convoque une diète. Les électeurs jouiffènt
d’une pleine fouveraineté, leurs vaflaux ne pouvant
appeller à aucun des tribunaux de l’empire. Ils ont
entr’eux une union particulière conclue en 1338,
& renouvellée en 15 31. Ils peuvent s’affembler &
délibérer entr’eux , tant fur leurs befoins réciproques
, que fur ceux de l’empire.
On appelle villes impériales, celles qui fonygouvernées
par leurs propres magiftrats, qui relèvent
immédiatement de l’empire, qui forment comme
autant de républiques, & ont voix & feance a la
diète. Quelques-unes ont un territoire fort confidé-
rable dont elles ont la fouveraineté. Elles font au
nombre de cinquante - une ; toutes enfemble n’ont
que deux voix à la diète. Les principales font Hambourg
, Nuremberg, Francfort-fur-le-Mein , Lubeck”
Ratisbonne, Atisbourg, U lm , Cologne, Aix-
la-Chapelle. # g .. 5
Il exifte deux tribunaux fupérieurs dans l’empire.
L’un , eft le confeil aulique, qui fiège dans la ville
où réfide l’empereur ; l’autre, eft la chambre impériale
qui tient fes féances àVetzlar dans le cercle^dii
haut-Rhin. Le premier dépend de l’empereur-feul
qui en eft le chef & le juge fuprême. Dans la chambre
impériale les affefleurs font nommés par l’empereur
& par les états de l’empire, qui fournifiènt aux
appointemens.
Teutons eft le nom des anciens peuples qui habitèrent
l’Allemagne, & qui fe rendirent célébrés lin
fiècle avant la naiffance de J. C. Dans- le V e fiècle,
les Francs qui habitoient les contrées adjacentes au
bord oriental du Rhin, s’emparèrent des Pays-Bas
& des Gaules, auxquelles ils donnèrent lé nom de
France. Dans les deuxfiècles fuivans ils'fe rendirent
maîtres d’une bonne partie de l’Allemagne.
Vers l’an 800, Charlemagne acheva delà fubjuguër,
ayant dompté les Saxons qu’il combattit pendant
trente ans. Sous ce prince, & fous Louis le Débonnaire
fon fucceffeur, l’Allemagne fit donç^partie du
domaine françois ; elle en fut détachée par le partage
que Louis le Débonnaire fit de fes états entre
fes trois fils, Lothaire , Louis & Charles. Louis II
eut l’Allemagne à titre de royaume, & elle refta
foixante- dix ans dans fa maifon, depuis l’an 840 *
jufqu’en l’an 911, que Louis III mourut fans enfahs.
A fa mort le royaume ou l’empire d’Allemagne -fut
rendu é leâif, & le premier empereur allemand qui
ait été élu fut Conrad. La maifon d’Autriche a joui
de la dignité impériale pendant plufieurs fiécles, &
' jufques à Charles V I , mort en 1740. Elle paffa en-
fuite dans la maifon de Bavière, par le couronnement
de Charles-Albert. Après lui on vit s’affeoir