
4§2 c o s Boryfthène. Le roi Sigifmond I crut qu’il conve-
noit d’en placer une partie au-deffus ; il leur céda
un terrein considérable, afin qu’ils fuffent plus à
couvert des courfes des Tartares, & il augmenta
d’ailleurs leurs privilèges.
Il y a toute apparence qu’on conflruifit alors
quelques places fortes dans ce pays , accordé tout
nouvellement aux Cofaques , afin qu’ils puffent y
retirer leurs armes, ce qu’ils avoient d’artillerie,
& leurs munitions, 8c que les Tartares ne puffent
pas fi facilement s’en emparer. C ’eft vraifemblable-
ment ce qui a occafionne la conftruélion des villes
de Tfchigirin & de Tfchirkaski : on en a toujours
parle comme de villes cofaques ; mais elles ont
été ignorées avant que ce peuple exiftât. Un des
lucceffeurs de Sigifmond fit encore mieux. Etienne
Bathori, ce roi qui s’eff rendu fi fameux par fa
valeur, pour rendre les Cofaques plus utiles à fon
royaume , & en tirer meilleur parti en tems de
guerre, en forma fix corps ou régimens, chacun
de mille hommes ; il les partagea en fotna ou
drapeaux. Chaque Cofaque du régiment devoit
être infcrit dans le rôle du drapeau auquel il ap-
partenoit, & s’y rencontrer au premier ordre toutes
les fois qu’on l’affembloit ; chaque divifion étoit
commandée par des officiers permanens ; enfin tous
les régimens, pris enfemble, avoient un comman- ;
dant , qui fut appellé hetmann , nom dérivé de !
het, qui veut dire chef Pour lui attirer plus de
confédération , le roi lui donna une banière royale ,
une queue de cheval, un bâton de commandement
, & un fceau. Il établit auffi parmi eux divers
emplois civils dont on s’abffient d’indiquer les
noms.
C e même roi accorda au prince Bogdan Rof-
chinsky, premier hetmann , la ville de Térechte-
mirow, pour lui & pour fes fucceffeurs , 6c il permit
aux Cofaques d’occuper le pays qui s’étend delà
jufqu’à Kiovie. Il augmenta auffi leur territoire à
Torient-du Dnieper, d’un quartier de pays de vingt
milles d’étendue.
Terechtemirow devint la capitale des Cofaques,
au lieu de Tfchirkaski, qui l’avoit été jufqu’alors.
Elle fut la réfidence de l’hetmann ou de celui qui
en faifoit les fondions. On y confervoit les titres
& les franchifes de la nation. C ’étoit la place
d’armes & le rendez-vous des troupes quand elles
vouloient entrer en campagne. Les Cofaques dévoient
fe fournir eux-mêmes d’armes &-de munitions
, 6c faire la guerre à leurs dépens, à moins
qu’on ne veuille donner le nom de paie à quelques
préfens que le roi faifoit annuellement à chaque
foldat, 6c qui confiftoient en une peau de boeuf,
lin ducat 6c une peliffe. Un certain nombre d’en-
tr’eux reftoit conffamment auprès du chef; il étoit
permis aux autres d’habiter dans les villages. Par
cet arrangement, on avoit pourvu à la culture du
pays en même tems qu’à fa défenfe.
Cette bonne intelligence entre le roi 6c les Cofaques
dura peu de tems. Sigifmond III, fuccefc
o s feur d Etienne, ne fentit pas tout l’avantage qui
en îevenoit au royaume: il vouloit les gêner dans
leurs expéditions, retrancher quelques-uns de leurs
privilèges, donner aux Polonois les premières dignités
, faire dépendre le hetmann des Cofaques du
general de la couronne. Plufieurs nobles Polonois
bâtirent dans leur pays des bourgs 6c des villages,
6c après y avoir attiré des habitans à force de
promefles, ils prétendirent les traiter en efclaves.
Le cierge romain s’y introduifit: on plaça à Kiovie
un evêque catholique romain, à côté du métropolitain
Rufîè ; on chercha à réunir l’églife
grecque de ce pays au fiège de Rome, 6c dans
une efpece de concile, tenu à Brefte, en Lithua-
“ *e »en I 59*> > on perfuada au clergé de la petite
Ruffie de renoncer à l’obédience du patriarche
Grec de Conffantinople, pour reconnoître la fu-
prematie du pape.
Toutes ces vexations émurent ce peuple, qui
crut enfin devoir foutenir fa religion 6c les droits
de fa patrie par la force. Il en réfulta une guerre
qui dura trois règnes , avec une alternative de
bons 6c de mauvais fuccès. Enfin Bogdan Chmel-
nizki, homme actif 6c très - intelligent, que les
Cofaques avoient choifi pour leur hetmann, finit
ces troubles. Il avoit remarqué que les Polonois
promettoient beaucoup, quand le befoin de leurs
affaires le demandoit, 6c qu’ils tenoient peu quand
elles avoient change de face. Il crut que fa nation
ne pouvoit rien faire de mieux que de fe réunir à
celle dont fes ancêtres avoient fait partie, en fe
foumettant aux czars de Mofcovie, dont les pré-
déceffeurs avoient eu droit fur la petite Ruffie que -
les Polonois retenoient injuftement.
Le traité fe conclut le 6 Janvier 16 54, à Pe~
réaflaw, enfuite de quoi les villes 8c les habitans
du côté oriental du Dnieper, ainfi que la capitale
de la province de K io v ie , fuivirent l’exemple des
Cofaques; Chmelnizki avoit porté les forces militaires
des Cofaques à quarante mille hommes,
6c les avoit partagés en quinze corps , dont la
plus grande partie avoit fa demeure à l’occident
du Dnieper 6c portoit le nom des villes qu’ils ha-
bitoient, comme de Tfchigirin , Tfchirkaski, 8cc.
dès-lors ce nombre fut porté à foixante mille
hommes , 6c divifé en dix corps qui établirent
leur demeure à l’orient du fleuve, 8c prirent les
noms des villes principales de ce quartier de
pays.
Pendant que la guerre duroit entre les Polonois
6c les Cofaques , plufieurs familles quittoient journellement
la rive occidentale du Dnieper pour
s’établir du côté oppofé. Enfin l’ancien pays qu’ils
occupoient ne fe trouvant plus fuffifant pour l’entretien
de tou s , ils furent contraints de s’étendre
toujours plus vers l’orient, du côté du Belgorod,
fur les frontières de la Crimée, pays alors inhabité
, mais très-fufceptible par fa nature de bonifications.
Là fe formèrent les cinq régimens Slobo-
diens, connus fous les noms de Achtirka, de Sumi9
c o s !de Charkow, é ’Ifum 8c de Rybna, ou OJlrohofchk.
L ’établiffement de ces colonies commença en
1652. : elles fe trouvèrent tellement au large, qu elles
purent en 1659, recevoir 6c placer une grande
multitude de leurs compatriotes qui étoient venus
les joindre.
On ne fait pas bien précifément en quel tems
fut bâtie la Setfcha des Cofaques Saporoniens ; on
croit que - ce fut fous le règne de Sigifmond I.
C ’eft une forterefîe dans une île du Borifihène , en-
deffous des cataraéles : dans les commencemens,
c’étoit tout Amplement le rendez-vous de ceux qui
fe deftinoient à faire une campagne : ils s’y ren-
controient pour élire leur chef, oc pour concerter
les mefures qu’il y avoit à prendre pour réuffir
dans leur expédition. Dans la fuite, ce lieu eft devenu
la demeure de gens non mariés, réfolus de
faire plus ou moins long-tems leur tout de la guerr
e , 6c de renoncer à toute autre occupation. Toute
perfonne qui afpiroit aux honneurs de la guerre,
alloit paffer du moins trois ans dans la Setfcha,
quelquefois ils faifoient durer ce féjour fept 8c
même dix ans ; après ce terme, ils revenoient dans
leurs maifons comblés d’honneurs 6c de biens.
I l refte une queftion affez intéreffante à déterminer
, c’eft l’origine du nom de Cofaques. On fait
que les habitans de la petite Ruffie ne l’ont pas
toujours porté. D ’où dérive-t-il ? Quelques-uns le
tirent du mot koja, qui, en langue cofaque, lignifie
chevre ou chevreuil, par pù l’on a voulu marquer
l’extrême agilité de ces peuples ; d'autres de kojfa,
une faucille ; d’autres encore de ka^ack, un voleur ;
il y en a qui le dérivent du mot kapfehak. Aucune
de ces étymologies n’eft vraifemblable. Un écrivain
Polonois, après avoir rapporté une expédition
faite contre les Turcs à Ak-kiermen ,011 Bolgorod,
fur le Dniefter, en 1516, par les Cofaques, fous
la conduite d’un nommé Prefiaw, ou bien Predillaw
Lanskoronsky, a dit qu’alors , pour la première
fois, on entendit le mot de Cofaques en Pologne.
C ela pourroit bien lignifier qu’alors les Cofaques
commençoient à fe faire en Pologne une réputation
de valeur, vu que certain nombre de Polonois
, qui avoient fuivi Lanskoronsky dans fon
expédition, y acquirent le nom de Cofaques qu’ils
rapportèrent en Pologne. On pourroit, je l’avoue,
expliquer ainfi les termes de cet écrivain ; mais il
pft plus naturel de croire qu’il a voulu dire que
ces peuples portèrent alors, pour la première fois,
le nom de Cofaques. Il fe peut qu’il en foit de
même du nom de Tfcirkaffes que ces mêmes peuples
portent auffi, & dont Tfcirkask, leur première
capitale, femble avoir tiré fon nom. Si ceci
nous apprend le tems auquel le nom de Cofaques
a commencé, il ne nous apprend ni le fens ni la
caufe de cette dénomination : & comme elle fut
donnée non - feulement aux habitans de la petite
jRiiffie , mais auffi aux Polonois qui les accompagnèrent
dans cette expédition, on en peut conclure
que ce n’eft: point un nom de nation, ni de
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p a y s , mais de profeffion, de caraélère, & qui exprime
certaine façon particulière de faire la guerre.
C e n’eft pas dans cette occafion feule qu’on a
ainfi nommé des troupes étrangères à la petite
Ruffie. Celles que le czar Wafilei Iwanowitz Schuis-
koi prit à fon fervice, l’an 1579, qui de-là paffèrent
en Allemagne au fervice de l ’empereur Ferdinand
I , dans le commencement de la guerre de trente
ans, quoiqu’elles fuffent Lithuaniennes , furent
pourtant appelléesCofaques Lijfoviens, à caufe de
leur chef qui étoit un gentilhomme Lithuanien,
appellé Lijfumski. Mais la queftion recommencera:
pourquoi les uns 6c les autres furent - ils ainfi
nommés ?
Notre auteur croit que ce nom a été en ufage
parmi les Tartares , avant que les Ruffes l’aient
porté , 6c qu’il a paffé de ceux-là aux Cofaques
Maloroffifques, ou immédiatement, ou par le canal
des Cofaques du Don , qui font auffi d'o-
rigne Rufle.
Mais d’où les Tartares avoient-ils pris ce nom ?
L’empereur G rec, Conftantin Porphÿrogenete,
dans le IXe fiècle, a fait mention d’un pays qu’il
nomme Kafakia ; il le place au pied du mont Cau-
cafe, du côté du midi, entre la mer Noire 6c la
mer Cafpienne. On trouve dans les annales Ruffes
qu’en l’année 102.1, le prince Mftiflaw de Tmutra-
can , fils du grand Waldimir, fubjugua un peuple
appellé Kofagi. Ce dernier nom a beaucoup d’affinité
avec celui de Kofakia. Le premier pourroit
être le nom du peuple, 6c le dernier celui du
Pays qu’ils habitoient. En fera-t-on defeendre les
Cofaques Ruffes ? La reffemblance des noms n’eft:
pas une preuve fuffifante : le nom peut bien avoir
paffé d’un peuple à l’autre, 8c fi l’on fuppofe que
les premières troupes qui ont fait la guerre à la
manière des Cofaques modernes , fuffent originaires
du pays dont on a parlé, on aura une raifon
fort probable du nom commun donné à toutes
celles qui les ont imitées. Mais d’ailleurs on af-
fure que le mot kafak, en langue Tartare, lignifie
armé à la légère, un foldat plus propre à tourmenter
8c à inquiéter l ’ennemi qu’à le combattre
de pied ferme, un foldat qui fert pour une certaine
folde, ou enfin un homme qui porte la tête
rafée. Tous ces traits convienent aux Tartares ,
quelques-uns aux Cofaques Ruffes : cette conformité
pourroit bien leur avoir attiré ce nom, tout
comme les Kirgis Cofaques, communément ap-
pellés Cafatfchia orda, paroiffent devoir cette dénomination
à leur manière de combattre en fuyant.
Tant que les Tartares furent maîtres des contrées
méridionales de la Mofcovie, on n’entendit point
paler de Cofaques Ruffes ; ils ne fe montrèrent
que lorfque le règne des autres fut fur fon déclin.
Ils firent la guerre en faveur de leur patrie,
de la même manière que les Tartares l’avoient
faite contre eux : une manière de combattre, toute
femblable , leur fit donner le nom de Cofaques
du parti Rujfe, tout comme leurs ennemis par