
iolns ; c’eft-à-dire , longitude & latitude compenfée,
240 lieues. Où font donc les 600 lieues fur lefquelles
s’accordent les deux éditions du Voyage de Drake ?
I l y a bien plus ; elles parlent toutes deux de 600
lieues longitudes ; à les fuppofer pour un moment
depuis le cap Saint-Lucar » à 23 & demie degrés; &
.faifant-voile au nord-oued, à raifon d’un milieu , au
34e d. & à 17 lieues le degré, cela feroit 578 lieues,
& non 340 : comment ofer contredire une relation
aufli authentique , pour la remplacer par des idées
creufes, qui ne font fondées que fur l’arbitraire ?
Drake eft parti d’une île qui paroît être fituée
allez loin vers l’eft du continent ; fi elle en avoitété
proche, le gouverneur des Philippines fe feroit bien
-gardé de fe mettre en route , pendant que Drak e,
qui étoit la terreur de toute l’Amérique Efpagnole,
etoit fuppofé encore dans ces parages. On le crut
reparti par le détroit de Magellan pour l’Europe.
Toutes ces circonftances nous permettent des conjectures
, pourvu qu’elles ne contredifent aucune
relation , ni la probabilité.
En attendant qu’on prouve quelque chofe de contraire
, nous fixerons le point du départ aux îles Ca-
zones, à 252 d. de long. 29 de latitude, & prendrons
le milieu de-là au 42 : on pourroit marquer
43 ; ce qui fera 35 & demi degrés , oiide degré eft
de 16 lieues 17 '. Les 600 lieues en longitude fe-
roient paffé 37 degrés à déduire de 2523 il feroit
.venu au 215e d.
Si on vouloit dire qu’également, félon les anciennes
cartes, il n’auroit pas été à l’entrée du détroit
, qui y eft marqué bien plus loin à l’oueft , je
répondrai :
i°. Q u’apparemment on ne voudra pas fe tenir
fi ftri&ement attaché à ces 600 lieues , qu’on ne
puiffe en admettre quelques-unes de plus ou de
moins.
20. Que les longitudes font encore de nos jours
'i ï incertaines, & l’étoientbien plus alors , qu’on ne
peut s’y fixer à 20, à 30 degrés près , comme ©n
peut le voir pour l’Afie même, bien mieux connue,
où on a mis alors le Japon à 185 degrés.
30. Audi les anciens géographes , étant convaincus
de l’authenticité des relations Efpagnoles,
pour l’étendue & le giffement des côtes , ayant eu
egard à la latitude & à un calcul du voyag e, par
eftime , ont placé la nouvelle Albion de 210 à 2 15 ,
©u 220 à 225 d ., & vers les 38 d. de latitude.
4°. Il faut diftiaguer entre l’entrée du détroit&
Ion milieu ; celle-là y eft marquée au véritable cap
Mendocin d’alors, a environ 205 ou 208 longitude
, 42 à 43 latitude ; au lieu que le cap de For-
tuna , l’eftà 190 & 195 , avec 55 latitude ; le cap
Efcondidos 19 2-197 , fur 6 2 à 6 3.
50. Il eft même prefqu’impoflible que Drake n’ait
Îias été jufqu’au 205 d., quand même on cempteroit
e point du départ depuis le cap Saint-Lucar , pofé à 263 d. de longitude & 23 de latitude. Il a employé
50 jours pour {on voyage au 42ed.-;-éoo-lieues fe-
roient 12 lieues en vingt-quatre heures ! Ceci â-t-il
quelque degré de vraifemblance ? Je ne Veux pas
comparer cette navigation & fa célérité avec celle
qui s’obferve conftamment entre le tropique ; depuis
Acapulco, au 275 , comptons 270, jufqu’aux
îles Mariannes à 16 0 , il y a 110 degrés, & entre
17 & 11 latitude , le degré eft de plus de 19 lieues.
Il y a donc 2090 lieues de diftance , qu’on fait
toujours en 21 ou 22 jours j ce qui fait 95 lieues en
24 heures, 8c ici 12 lieues. Les vents alifés fo n t,
dira-t-on, une différence totale ; mais la différence,
d’un autre côté , n’eft pas moins frappante, en la
comparant avec toutes les autres navigations quelconques
: je ne veux pas parler de celles de 30 lieues
par jour , ni de 25 , qui font très'- communes ;
comptons feulement 20 lieues, 6c les 50 feront
1000 lieues;.8c alors il faudra convenir qu’il a pu
être très-aifément, dans cet efpace de tems, à l’en-
tree du détroit. Ajoutons qu’on ne peut pas exclure
ici totalement les vents alifés. Gemelli, quoiqu’ap-
prochant les 40 degrés, a eu toujours les vents contraires
; c’eft-à-dire, de l’eft. Et M. de Bougainville
étoit furpris de ce qu’il les a éprouvés eft 6c fud-eft
long-tems avant de parvenir à 430 degrés de latitude
méridionale. V oilà donc au nord 8c.au fud de la
ligne qu’on les éprouve déjà fi favorables pour aller
vers l’oueft, fudr-oueft, nord-oueft.
11 y a plus : le même M. de Bougainville parle
des courans , fi forts 6c fi confia ns de l’eft à f ’oueft,
qu’ils font caufe que l’on repréfente la meV dii fud
infiniment moins longue qu’elle ne l’eft réellement.
On ne fauroit donc être furpris que ces deux faits ,
non douteux, concourant enfemblè, faffent avancer
plufieurs lieues dans line heure. Si par contre ori
confervoit la pofition de ce port, d’après les cartes
poftérieures erronnées, à environ 255 longitude,
38 latitude, 6c le point du départ du cap Saint-Lucar
, à 2 6 6 ,6c 23 8c demie degré , compenfant les
longitudes 6c latitudes, pour 50 jours qu’on a été
en route y jufqu’au 42e degré , il faudroit compter
à-peu-près 6 lieues par 24 heures. Quel contrafted
M. de Bougainville fe plaint amèrement, qu’errant
parmi des îles innombrables, fur divers rhumbs
du v e n t , 6c par des empêchemens fans fin , vers la
nouvelle Guinée 6c les Moluques, il n’a fait que
450 lieues en 36 jours , ou 17 lieues 6c demie par
jour ; 6c ic i, fans le moindre empêchement, on
n’en fait que fix.
On ne pourra pas objeéler que les vents contraires
8cles orages ont été caufe de ce qu’il a avancé fi peu,
ou qu’il a échoué quelque part ; il s’agiroit de le
prouver. Dans toute fa relation on n’a pas omis de
les rapporter, lorfque cette efeadre en a effiiyé
avant ou après. Ici rien de pareil, 6c ce n’eft qu’en
allant des Philippines à Acapulco, 8c hors des Tropiques
, qu’on y eft fujet, 6c que même on en eft
rarement exempt.
6°. On a toujours été fi bien perfuadé que Drake
eft allé à l’entrée du détroit, qu’en défigurant l’Amérique
feptentrionale, 6c repréfentant la Californie
en île , on alléguoit, comme un des principaux
motifs,, qu’au bout feptentrional d e i’îje , on avoit
placé à 42 ou 43 degrés le détroit d’Anian : aujourd’hui
qu’elle eft reconnue prefqulle , plus de détroit
à fon nord, à cette longitude 8c latitude ; mais
celui-ci fe trouve entre l’Afie 6c l’Amérique. Les
anciennes cartes reprennent leur droit, 6c mon explication,
de même que mon calcul fur ce voyage
cle Drake, fe trouveront fondés 8c évidens, autant
que l’erreur groflière de l’emplacement du port de
Drake dans les nouvelles cartes.
Je me fuis d’autant plus étendu là-deffus , que
j ’ai cru devoir appuyer l’authenticité des relations
Efpagnoles , 6c des cartes qui les ont pour bafe,
lefquelles on a voulu révoquer en doute, 6c même
anéantir, par celle de ce fameux Anglais.
Il m’eft tombé depuis peu entre les mains un
ouvrage çompofé en Anglais , par Robert B rown,
fous le titre : Hifloire de la vie, aidions, voyages
par mer, principalement de celui autour du monde,
du chevalier François Drake. J’en citerai feulement
ce qui peut éclaircir les faits rapportés dans les
deux autres relations. Drake prit la réfolution de
retourner depuis la mer du fud par le nord, tant
parce "que pareille découverte augmenteroit fa
gloire, que par l’avantage que lu i, pour le présent
, 6c fa nation pour l ’avepir, en tireroit. Four
radouber le vaiffeau 6c faire quelques provisions,
il chercha un lieu convenable ; fit voile le 7 mars
1579 vers l ’île Caïnos , 8c y arriva le 16 du même
mois. Le 25, il réfolut de faire voile direélement
8c. fans s’arrêter, fit pourtant encore des provifions
au lieu le plus proche; 6cle 16 a v r il, cingla vers
l ’oueft par un bon v en t, 6c fit 500 lieues d’Allemagne
en longitude. Le 3 juin, il avoit avancé
3 400 lieues d’Allemagne , fe trouva au 43 e degré
de latitude feptentrionale, par un grand froid qui
fut encore plus fort deux degrés aiirdelà. Il avança
plus loin ; le 5 juin le vent le chaffa vers les côtes,
6c il.jetta l’ancre dans une baie, où il trouva fi
peu de, fureté contre les gros vents 6c tempêtes,
qu’il revint en pleine mer ,- 6c fut chaffé par les
vents depuis le 48 au 38* degré. Le 17 juin , il y
entra dans un bon port , 6c y refta jufqù’au 28
juillet. Drake nomma ce pays Nouvelle-Albion. I
Aufli. long-tems qu’i l cingla le long des côtes jufqu’au
48e degré, il ne put gagner aucune terre
qui s’étendit.vers, l’e ft; la,côte étoit toujours vers
le nord-oueft, comme fi elle y fût contiguë à l’Afie.
Cet extrait peut fuffire, :& n a pas befoin d’un
ample commentaire. Cet auteur Anglais écrivant
en Angleterre, où tous ces faits connus avoient
été recueillis de Drake même dans toutes leurs
circonftances, non - feulement confirme ce que
les autres en ont d it, mais dans des. détails très,
importans , qui appuient lés idées que j’en avois
conçues avant que d’en avoir connoiffance: il confirme
que Drake avoit voulu revenir parle nord
& qu’il avoit pouffé jufqu’att 43e degré; & plus
loin , il nomme l’île Caïnos. Je n’ai pu la déterrer ;
mais il fuffit que le trajet fût de neuf jours : quand
même le point du départ eût été depuis les côtes
du Mexique, ce que perfonne ne voudra fonte-
n ir , la diftance feroit confidérable , & ahforberoit
déjà celle qu’on lui donne en longitude dans les
nouvelles cartes. Cet auteur parlant de la première
partie de la navigation, dit que Drake avança 500
lieues d’Allemagne en longitude ; ce. qui, à raifon
de quatre lieues de France, pour trois d’Allemagne,
feroit 664 lieues de celles-là ; ou, fi on compte
celles-ci à une un quart de France , elles feroient
625 lieues ; ou , comme les autres difent , en
compte., 600 lieues.
L’auteur en rendant compte de tout le v o y a g e ,
depuis le 7 mars au 3 juin, le trouve de 1400
lieues d’Allemagne ; d’après ce dernier calcul, cela"
ferbit 1750 lieues. de France. Les Efpagnols parv
ien t de i70o.lieues d’Efpagne , ou près de 2000
lieues de France, jufqu’au bout du détroit d’Anian,
vers le ,6.5e, degré. Ainfi, cela s’accorde encore à
merveille avec les cartes Efpagnoles. On aura été
le 3 juin au cap Mendocino véritable, & jufqu’au
5 , peut-être, vers le cap Fonuna. Les. nouveaux
géographes ont voulu fe fervir dé ce voyage de
Drake pour déprilèr les relations Efpagnoles ; au
lieu, que fi les Efpagnols .avoient drefté une relation
de leur invention , ils n’en atiroient pu former
une plus favorable que celle de Drake , puif-
qu éntr autres il eft dit, que la côte court toujours
nord-ouefl , comme j i elle étoit contiguë à l’Afie..Quoi
de plus fort & de plus convaincant !
Drake dit, qu’il a eu un bon vent pendant fa
navigation de 500 lieues. d’Allemagne.; il ne dit
pas qu’il l’ait eu contraire dans le refte des 1400
lieues. Q u’on fe donne, fi on v e u t , la torture
pour concilier ceci avec la longitude qu’on a affi-
gnée au port de Drake , à tout au plus 13 degrés
depuis le cap Saint-Lucar, ou 20 degrés depuis le
continent, on n’en donnera aucune folution tant
foit peu apparente, qui .puiffe faire impreffion,fur
les gens .même les plus crédules.
Les vents & les orages les tourmentent feulement,
lorfqu’ils fe trouvèrent vers le 42' degré,
6 au-delà : quel accord admirable entre ce fait &
ceux de la relation de Béering & de Tchirikow!
Ils furent repouffés en mer depuis le 48 au 38'
degré ; & fi on veut réfléchir, ce ne peut avoir
été que vers .le fud-eft: auffi dans,les anciennes
cartes, la nouvelle Albion, eft fituée en cette proportion
du cap Mendocino.
L’hiftoire dont nous parions indique le jour du
départ de ce nouveau p ay s , omis par les autres ;
par lefquelles. pourtant on peut conclure que les
Anglais peuvent en effet y avoirféjourné environ
un mois ; depuis le 27 juin au 28, .juillet. , .
Enfin , cette feule relation fuftîroif pour faire
reprendre aux cartes & relations Efpagnoles Leurs
droits , ,dont les géographes poftérieurs les avoient
privées fans raifon & fans preuves. '(£.)
Entrons maintenant dans quelques détails fur
cette vafle contrée, & furies moeurs de fes habi-.