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cette île fut le théâtre ôbfcur, mais fanglant, de di-
viüoa> cruelles, dont il ne reftè aucune hiftoire.
Enfin les Sarrafnxs devenus puiüans , s’en emparèrent
environ le v in c fiècle, 8c la défendirent
long-rems. 11 eft apparent que e’eft eux qui lui
donnèrent le titre de royaume.
Bientôt les papes formèrent le deftein d’annexer
ce royaume à leur territoire. Grégoire V I I publia
enfin un bref en 1079, 4UI dèclaroit un do
jnaine de la mouvance du laint-iiège. D’autres prétendent
qu'un roi de France en fit la donation au
pape.
Les Génois, fe prévalant de l’état agité & incertain
de cette î le , avoient taché d’établir une colonie
à Bonifacio; & ils encoururent pour cela les
foudres de Grégoire Y I I , qui les excommunia & les
engagea à fufpendre leur projet.
C eft à cette époque qu’il faut fixer la million d’Hugues
Coîonna en C o r fe , avec des troupes du pape
qui remportèrent de grands avantages lur les Sar-r
rafins infidèles.
Cependant l’état de 1 île étoit toujours flottant^
.mais en 1091 Urbain II en dilpofa en faveur de 1 è-
vèché de P ife , par un bre f, avec des réserves pour
le faint-fiege.
Les Génois, toujours occupés de leur projet fur
le royaume de C o r fe , rivaux des Pifans^gagnèrent
fur ceux-ci la bataille de Malora, devinrent les
maîtres de P ife , & fe mirent en état de l’être de la
C o r fe , vers le milieu du XIVe fiècle.
Boniface V I I I , pour afîurer au faint-nège le fief
de ce royaume tant difpute, 1 avoit donne fous ce
titre , par une bulle ,_en 12.97 , a Jacques II , roi
d’Aragon, avec la Sardaigne, 6c celui-ci en fit hommage
en 1305 ; & en 1325 , le*pape Jean XXII
exigea le renouvellement du même hommage. A lphonse,
fuccefi'eur de Jacques, fit folemneliement
un pareil aéleen.1435 , à Benoît X II, & Ion voit
encore un bref d’Eugène I V , de lan 1446, par
lequel il établiffoit l’évêque de Ferrare gouverneur
de la Corfe. •
Gènes s’occupait toujours des moyens de former
des établiüemens dans cette île , dont elle vouloit
être fouveraine , tandis qu’elle reconnoiffoit la
mouvance de fon propre territoire envers l’empire,
dont elle donna des témoignages formels dans les
années 1396 8ç 1458 , lorlqu’elle fe mit fous la
protection de la France, avec cette rçferve exprefie,
fauf les droits de l’empereur & de l’empiré. ,
Mais les Génois , dont la fouveraineté fur la
Corfe n’étoit point reconnue alors des autres puif-
fances, faifoient de continuels efforts pour la maintenir
fur ces peuples , avec lefquels Us avoient de
perpétuels démêlés. Enfin, toujours incertaine dans
cette poffeffion , la république fç détermina en
1364 de céder fes droits à François S force, duc de
Milan , à la réferve des deux places de Bonifacio &-
de C a lvi, qu’elle garda pour avoir toujours un
pied dans ce royaume, l’objet de fon ambition, qui
lui a coûté plus d’argent quelle n’en a tiré, malgré ■
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la dureté que les Corfes lui ont fi foiivenf fe^
prochée.
On voit qu’en 147B le fils de ce duc de Milan
établit encore un gouverneur en Corfe. Mais en
1481 Louis - Marie Sforce aliéna cette ville en faveur
de Thomafius de Campo Frégofo.
Bientôt après les Génois fe trouvèrent les feuls
maîtres de cette île. La France feule réclama quelquefois
fes droits, q u i, après la perte de la bataille
de Pavie, parurent enfevelis, tandis que les Corfes,
toujours jaloux de leur liberté, fe plaignoient
fouvent du gouvernement Génois. Plus d’une fois
ils prirent les armes ; mais n’ayant pas de chefs ca-
pables'de les conduire , ils étoient bientôt accablés,
6c peut-être trop fêvèrement punis.
Henri I I , roi de France, en recommençant la
guerre contre■ Charles-Quint, entreprit une expédition
contre la Corfe. De T h o n , kift. /. X I I , c,
2. Il avoit lieu d’être mécontent des Génois qui
avoient embràfié le parti de l’empereur. Une flotte
débarqua en 1553 des troupes en C orfe, fous le
commandement de Paul de Thermes, accompagné
de Sanpierro'd’Ornano, noble Corfe , & de Jour-;
dain des Urfins. L ’adminiftration de l’îie avoit alors
été remife à la banque de S. Georges de Gènes«
André Do ria, quoiqu’âgé de quatre-yingt-fept ans,
à la tête de la jeuneffe Génoife, & d’un fecour$
fourni par l’empereur, s’embarque. Les Corfes s’u-
-niffent avec les François, & d f£ fit de part &
4 autre dès prodiges de valeur. Enfin on conclut un
traité avantageux aux Infulaires , fous la garantie de
la France. Henri étant mort, les rigueurs des Génois
recommencèrent, & les plaintes des Corfes
continuèrent : Sanpierro d'Ornano repafîa en Corfe,
loutint encore les mécontens ; mais il fut afiaffmè
en 1567; les uns difent que ce fut par la perfidie
des Génois ; d’autres le nient. De T h o u , LXLltc.
3 if. Il eft certain que les Génois fe vengèrent trop
fêvèrement des Infulaires, qui n’en devinrent pas
plus fidèles. 11 n‘étoit plus permis aux Corfes d’ex-»
porter leurs produ&ions, qu’ils étoient forcés de
vendre, fans concurrence , aux Génois, maîtres dit
prix. Tous les deux ans on envoyoitun Génois,
comme gouverneur , qui ne penfoit , à ce que
difent les Corfes , qu’à s’enrichir ; & fi l’on portoit
des plaintes au fénat, le crédit étouffoit le cri de la.
jiiftice. Les commiflaires inférieurs & les lieutenans
fuivoient le même exemple, avec une pareille impunité.
Ce fut au milieu de tant de mécontentemens que
la république recueillit, & envoya en 1677 une colonie
de Grecs de la Morée en C o r fe , au nombre
de milie âmes. Elle devoit jouir dans ce pays, tout
catholique, du libre exercice de la religion grecque:
nouveaux fujets de mécontentemens, 8c fujets perpétuels
de divifions & de guerres.
Après une fuite de mouvemens, plus ou moins
violens, 8ç plus ou moins vite réprimés, les Corfes
s’ameutèrent de nouveau en 1729 , par l'imprudence
d’un collecteur de l’impôt Génois , qui
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Voulut , pour être payé ., faifir les effets d’une
pauvre femme. Ils fe choisirent deux chefs , qui
s’emparèrent de la capitale. Gènes, apres bien des
efforts, eut recours à l’empereur Charles V I , qui
y envoya d’abord des troupes infufiifantes. Leur
mauvais fuccès détermina la cour de Vienne à y
envoyer une plus forte armée. Les Corfes fe prêtèrent
alors à un accomodement, dont l’empereur
fut le garant, 8c qui fut figné en 1733.
Dès l’année fuivante les Corfes reprirent les armes
, foutenant que les Génois avoient violé le
traité. Ce fut des combats continuels jufqu’à l’apparition
du baron Théodore de Neuhoff, du comté
de la Marck, en Weftphalie, qui fut proclamé roi
de Corfe en 1739. Il ne finit pas l’année fur fon
trône, 8c fugitif de lieu en lieu , arrêté à Londres
pour dettes , il dut fa liberté à la générofué d’un
feignëur Anglois, qui les paya. Il mourut à Londres
en 1757.
» Cependant Gènes, ne pouvant réduire les rebelles,
eut recours à la France, qui en vo y a , en
1738 , des troupes pour foutenir la médiation 8c
our combattre les Corfes. Après plufieurs comats
, 8c beaucoup d’exécutions févères, les Corles
furent contraints de rendre les armes à la fin de
1739,8c en 1740 toute l’île fut foumife à la Franpe;
à la fin de 1741 les troupes Françoifes remirent
l ’île aux Génois , & fe retirèrent.
A peine furent-ils partis, que les troubles recommencèrent.
Dans la fuite l’Angleterre & le
roi de Sardaigne parurent favorifer les Corfes 3
mais ils les abandonnèrent après la paix d’Aix-la-
Chapelle.
La guerre, depuis 1748 , continua fous différens
chefs , jufqu’en 175 5 , que Pafcal Paoli, fils d’Hyacinthe
Paoli., un des chefs des mécontens, en 173 5,
fut élu général de File par le confeil général du
royaume. Il chaffa les Génois de plufieurs villes de
l ’intérieur du pays: il s’appliqua avec autant de fa-
. geffe à rétablir l’ordre & la fureté par-tout. Il feroit
peut-être parvenu à lafler enfin les Génois , f i , en
.175.4 , la France n’avoit fait un nouveau traité
avec cette république pour envoyer des troupes,
qui ne dévoient agir que pour la défenfe. Ce traité
devoit durer quatre ans. Au bout de ce terme , -la
.république de Gènes , fatiguée de commandera des
fujets toujours mécontens , les a remis, à la France
eîî 1768 , par un traité , qui eut fon effet parles
armes viélorieufes des François.' La Corfe fut pref-
que toute conquife l’année fuivante par lés armes de
cette nation, fous les ordres d,11 comte de Vaux.
Cependant Paoli 8c fes compatriotes fe défendirent
avec un courage incroyable ;-fouvent ils remportèrent
des avantages fignalés fur les François : enfin :
ils furent obliges de céder à la force. Paoli ne ,
pouvant fauvér fa patrie , prit le parti déjà'quitter.
.Sa retraite acheva la réduâion totale de file. Les ’
Corfes vaincus font devenus tranquilles 8c fouillis.
On n’y voit plus même de cés montagnards venir
inquiéter leurs vainqueurs,^Heureux ces peuples,
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s’ils peuvent trouver enfin dans une adminiftration
fage le repos, la fureté & le contentement, dont
ils n’ont pu jouir depuis tant de fiècles ! La nation
a fondé, en 1764 , une univerfité dans la cité de
Corte. Il faut efpérer que les fciences 8c les arts,
mieux cultivés dans ce pays , encore agrefte,
adouciront le cara&ère de ces fiers Infulaires, 8c
leur apprendront à tirer plus davantage de leur fol
8c de les productions.
Le climat de cette île eft doux, 8c à-peu-près le
même que celui de la Provence. Les brifes continuelles
de la mer y tempèrent les frimats des hautes
montagnes, 8c le vent qui fort de ces mêmes montagnes
rend les chaleurs de l’été moins v iv e s , excepté
quelques mois d’hiv e r , principalement février
8c mars, pendant lefquels régnent les vents
affreux, quelquefois même funeftes. En plufieurs
endroits l’air eft mauvais 8c contagieux, ce qui vient
des eaux croupiffantes 8c des marais , .qu’il feroit
poffible de deflecher, 8c auxquels on a déjà travaillé
avec quelques fuccès. Par-tout ailleurs l’air
eft pur 8c falubre , 8c les habitans y parviennent à
la plus grande vieilleffe ; ils ne connoiffent guères
d’autres .maux que-les rhumatifmes 8c la feiatique ,
encore trouvent-ils des remèdes aflurés dans les eaux
minérales du pays. Le terroir y eft de lui-même extrêmement
fertile. Il ne manque à la terre que des
bras pour en tirer les véritables richeffes. A n’en-
femencer queles champs d’un labour facile , 1a Corfe
fourniroit des grains pour la fubfiftance de trois fois
plus d’habitans qu’elle n’en a.
Les Corfes font naturellement ingénieux , propres,
aux affaires, éloquens , 8c doués de la pénétration
la plus vive. Ces qualités s ’appartiennent
pas feulement à ceux qui ont cultivé les lettres : le
fimple berger difeute fes affaires , expofe fes griefs ,
juftifie fa conduite avec une facilité d’élocution
qui ravit, 8c une abondance d’idées qui étonne.
Mais rien négale l’ignorance 8c la groffiéreté du
clergé de ce pays : à quelques individus près , qui
font plus policés 8c plus inftruits , le refte des
prêtres 8c des moines font , pour ainfi d ire , la
honte de 1 île. Croiroit-on que l’on compte foixante
dix-fept couvens , dont l ’ordre des Francifcains
poflede foixante-quatre. Tous ces monaftères font
vaftes, bien bâtis , 8c encore mieux peuplés. Ce
nombre énorme pour une atîïîr médiocre population
, ne peut manquer de diminuer fous le tournent
François.
L’ Idiômè eft un Italien lin peu corrompu, fur-
tout dans les montagnes , par le mélange de quelques
termes Morefques. Les Corfes ont beaucoup
d’apttitudé pour les sciences 8c les beaux arts. Ils
font braves, aiment la guerre, 8c notre marine
Françoil'e ne peut que fe louer du courage, de
1 adrefie , 8c de Facfivité des matelots qu’elle a
tirés de cette îic. Cette nation eft vindicative au
dernier point, jùfqifà pourfuivre un ennemi de
père en fils ; là haine 8c la vengeance font prefquï
toujours héréditaires. Les Corfes font fobres, hof