
4<î ' A L L cette cérémonie épuifoient l’Allemagne , & enri-
chiflbient l’Italie.
L ’Allemagne , comme dans les premiers tems ,
eft encore gouvernée par différens fouverains, dont
l ’empereur eft le chef, mais dont le pouvoir eft
reftreint par celui des diètes de l’empire , qui font
compofées des princes, dont les uns l'ont eccléfiaf-
tiques & les autres féculiers , & des villles libres &
impériales qui font autant de républiques. La dignité
impériale, depuis Charlemagne, a toujours
été éleélive. Quoique toute la nation fût convoquée
pour donner fa v o ix , il eft confiant qu’il n’y eut
prefque jamais que les princes, les évêques & la
noblefle, qui donnèrent leur fuffrage. Le nombre
des éleâeurs eft aujourd’hui reftreint à huit, dont
trois font eccléfiafliques : favoîr les archevêques
de Mayence, de Trêves & dp Cologne. Les cinq
autres font le roi de Bohême, le marquis de Brandebourg
, les ducs de Saxe & de Hanovre , & le
comte Palatin du Rhin, duc de Bavière. On ne peut
fixer le tems où ces princes fe font appropriés ce
privilège exclufif : la plupart des droits ne font
que d’anciens ufages. L’opinion la plus générale en
fixe l ’époque à Othon III. Il eft probable que les
premiers officiers de l’empire, qui tenoient dans
leurs mains tout le pouvoir, s’arrogèrent le droit
d’éleélion. La bulle d’O r les confirma dans une
ufurpation dont on ne pouvoir les dépouiller. Le
chef de tant de fouverains eft fort limité dans l ’exercice
du pouvoir fuprême : il ne peut rien décider
fans le concours des collèges ; & dès qu’il eft élu ,
il confirme par fes lettres & par fon fceau, les
droits & les privilèges des princes, de la noblefle
& des villes.
La couronne impériale, après avoir ceint le front
des princes de Saxe, de Suabe, de Bavière & de
Francônie, & c ., paffa fur la tête du comte de Habsbourg
, tige delà maifon d’Autriche, dont les def-
cendans ont étendu leur domination dans les plus
belles provinces de l’E urope, plutôt par une politique
fage & fuivie, que par la force & l’éclat des
armes. L’ëxtinâion de cette augufte maifon en a
fait paffer l ’héritage dans celle de Lorraine, q u i,
à ce que quelques-uns ont prétendu, avoit une
commune origine avec elle.
La maifon des comtes Palatin du Rhin fe glorifie
de la plus haute antiquité. Sa domination
s’étend depuis les Alpes jufqu’à la Mofelîe :
elle étoit divifée en deux branches principales,
dont L’une, qui defcend de Rodolphe, a pour chef
1-éleâeur Palatin ; l’autre , defcendue de Guillaum
e , pofledoit la Bavière. La branche Guillelmine
vient de s’éteindre, 8c la totalité à peu près de
l’héritage a paffé au prince Palatin du Rhin. La
branche Palatine des Deux-Ponts a donné des rois
à! la Suède , & des fouverains illuftres à plufieurs
pays de l’Allemagne. On peut dire, à la gloire de
dette maifon , quelle a été dans tous les tems féconde
ên grands hommes.
- La maifon de Saxe.,, qu’on voit briller dans le
A L L berceau de l’Allemagne , paroit auift grande dans
fon origine , qu’elle l’eft aujourd’hui. La Thuringe,
la Miinie, la haute & baffe Luface quelle poffècîe ,
font fituées au milieu de rÂllemagne. Elle eft divifée
en deux branches qui en forment plufieurs autres.
L ’Erneftine, qui eft î’aînée, a été dépouillée
de l éleélorat qui a paffé dan§ la branche Àlberti-
ne. Si les poffeffions de cette maifon étoient réunies
fur une feule tête , elles formeroient uneptiiffance
redoutable : les princes de Gotha , de Veimar,
Hildburghaufen , Eyfenach , Salfeld , Cobourg ,
n’ont plus que l’ombre du pouvoir, dont leurs ancêtres
avoient la réalité.
La maifon éleélorale de Brandebourg eft parvenue
au plus haut période de la grandeur, fous un
roi philofophe & conquérant, Ses poffeffions s’étendent
au-delà de l’Allemagne. Il eft maître de
la Poniéranie prefque entière, de la Pruffe, du
Brandebourg , du duché de Cleves , de la Siléfie , à
la réferve d’une très-petite portion, de l’évêché *
d'Halberftad; de la principauté de Minden,, du
duché de Magdebourg ; une partie de la Luface, le
comté de Glatz., le comté de Ravensberg, le comté
de la Marck, la principauté d’O ftfrife, & une partie
de la haute Gueldre lui appartiennent. Cet état
confidérable par fon étendue, prend chaque jour
de nouveaux accroiffemens par fa population , dont
les progrès font favorifés par la fertilité du f o l , par
les encouragemens du gouvernement, par les facilités
du commerce.
La maifon de Brunfvic - Hanovre a paffé à l’Electorat
: elle a aufli la gloire d’occuper le trône d’Angleterre.
Les poffeffions de cette maifon, quoique
divifées, lui donnent un rang confidérable parmi
les princes fouverains de l’Allemagne. L’éleâorat
de Bohême eft tombé dans la maifon d’Autriche :•
les éleéleurs eccléfiaftiques font chanceliers de l’empire.
Celui de Mayence doit exercer cette dignité
en Allemagne ; celui de T rê v e s , dans la Gaule & la
province d’Arles, à laquelle les Allemands confer-
vent toujours le titre de royaume ; celui de Cologne
dans l’Italie. On peut juger par ce partage que leurs
fondions font trop fimples, pour être pénibles : il
n’y a que le premier à qui fon titre impofe desobligations
réelles.
Chaque éle&eur eft haut officier de l’empire. Le
duc de Bavière prend le titre de grand-maître:
c’eft lui qui, dans la folemnité du couronnement,
porte la couronne d?or. L’éledeur de Saxe / en fa
qualité de grand maréchal, porte l’épée. Celui de
Brandebourg, comme grand chambellan, porte le,
feeptre. Le Palatin, comme grand tréforier, diflri-
bue au peuple les pièces d’or , dont l’emperéur a
coutume de faire des largeffes après fon couronnement.
Enfin chaque éle&eur a fa fon d ion, qu’il,
fait exercer- par des vicaires, fur-tout depuis que
plufieurs d’entrieux, revêtus du titre de rois, croiraient
fe dégrader, en, defeendant à des devoirs
qu’on n’exige que d’un fujet Lorfque l ’empire eft
vacant, & qu’il n’y a point de roi des Romains,.
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rélefleur de Saxe & le comte Palatin font les vi-
caires de l’empire.
L’Allemagne a plufieurs fortes de fouverains qui,
avec une égalité de prérogatives, font diftiligués par
la différence des noms. Les landgraviats qui, dans
leur origine, n’étoient que des commifîions, devinrent
héréditaires. La jurifdidion de ces landgraves,
s’étendoit fur une province; c’eft pourquoi
on les appelloit juges ou comtes provinciaux. Les
uns relevoient immédiatement de l’empereur, dont
ils recevoient l’inveftiture de leur dignité, & les
autres relevoient des évêques & des feigneurs , a
qui ils étoient obligés de rendre hommage comme
à leurs fouverains. Leur grandeur aéluelle fait mé-
iconnoître leur origine. Les margraves ou marquis
commandoient fur la frontière. La jurifdiélion du
bourgrave étoit bornée dans une ville. Quoique la
prérogative d’élire un chef de l’empire, foit annexée
exclufivement à certaines maifons, il y a plufieurs
fouverains de l’empire qui marchent leurs égaux.
Les princes de Heffe - Caffel, maîtres d’un pays
étendu & fertile, le duc de Virtemberg, qui pof-
-fede une partie de la Souabe, & quelques autres
encore, font rechercher leur alliance.
Les autres princes font véritablement fouverains.;
mais leur puiftance bornée les met en quelque forte
dans la dépendance de leurs voifins plus puiffans.
Le chef du corps Germanique prend le titre
à'empereur; & comme il n’y a point de revenus attachés
à cette fuprême dignité, on a foin de n’éiire
qu’un prince affez riche & affez puiffant, pour en
foutenir l’éclat par fes poffefîîons patrimoniales. Ce
roi des rois n’a pas une ville à lui : les titres de toujours
augu/ie, de Céfar, de majeflé fa crée, ne lui donnent
point le droit de prononcer fouverainement
fur les affaires de la paix & de la guerre. L établif-
fement dés impôts, & toutes les branches de l’ad-
miniftration dépendent des affemblées générales,
qu’on appelle diètes. Tout ce qu’on y décide, ne
peut avoir force de lo i , s’il n’a le fceau de l’empereur.
Les différens fouverains de l’empire comparoif-
fent à la diète ou en perfonne ou par députés. Les
dietes,ou états de l’empire font compofées de trois
corps ou collèges, dont le premier eft celui des
électeurs; le fécond celui des princes; le troifieme
eft celui des villes impériales. Dans le collège des
princes entrent les landgraves, burgraves, margrav
e s , princes, ducs, comtes, barons, archevêques,
évêques, prélats, abbés, même abbeffes. Quoique
les' princes foient véritablement fouverains dans
leurs états ; il eft des cas où on peut appeller de
leurs juge mensa la chambre impériale de Spire, ou
au confeil aulique, qui fe tient dans la réfidence de
l’empereur : c’eft-là que fe décident les affaires de la
noblefle. Les princes eccléfiaftiques, qui ne doivent
leur élévation qu’aux fuffrages de leur chapitre
j ont cependant la préféançe fur les princes
féculiers, dans les dietes & les-cérémonies publiques.
L’étendue de leurs poffeffions, & leurs
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îmmenfes revenus leur fourniffent les moyens de
tenir une cour, dont la magnificence éclipfe celle
de la plupart des autres princes. Il eft vrai q u e ,
depuis l’établiffement de la religion proteftante,
plufieurs font déchus de cet état d’opulence ; les
archevêques de M ayence, de T rê v e s , de Cologne,
n’ont point été enveloppés dans cette révolution.
Leurs richeffes & leurs privilèges leur donnent une
place diftinguèe parmi les autres fouverains. L ’archevêque
de Saltzbourg tient le premier rang après
eux. Les princes évêques font ceux de Bamberg,
de Virtzbourg, Spire, Vorms, Confiance, Ans-
bourg, Hildesheim , Paderborn, Freifingen , Ra-
tisbonne , T ren te , Brixen, Bâle, Liege, Ofna-
bruck, Munfter, Coire, &c. , quelques-uns de
ces évêques occupent plufieurs fieges, dont les revenus
donnent un nouvel éclat à leur dignité, &
dont rarement ils rempliflènt les obligations reli-
gieufes ; le luxe de leurs moeurs eft bien éloigné de
la fimplicité évangélique. Le grand maître de l'ordre
Teutonique tient le premier rang dans la claffe des
évêques. Les abbés qui ont le titre de princes. font
ceux de Fulde, de Kempten, de Prum, d’Elvan ,
de Viffembourg, &c. Le grand prieur de Malte
prend place parmi eux : le titre de comte & de
baron donne autant de confidération dans les dietes ,
que celui de prince. Au refte cette confidération eft
toujours proportionnée à l’étendue de leurs états.
Plufieurs v illes, qui ont confervé leur indépendance,
forment chacune des efpeces de république,
& figurent avec éclat au milieu d’un peuple de fouverains.
On compte cinquante - une de ces villes ,
qu’on nomme impériales, parce qu’elles rie dépendent
que de l’empire. Le traité de Munfter leur donné
voix délibérative, & toutes enfemble ont deux voix
dans les dietes : l’état fioriffant de ces villes eft une
nouvelle preuve que l’abondance eft un fruit certain
de la liberté. On y voit germer les richeffes ,
& les befoins y font ignorés. Les plus considérables
font Hambourg, Lunée & Brême dans la baffe-
Saxe; Ratisbonne dans le cercle de Bavière; Nuremberg
dans la Franconie ; Ausbourg, U lm , Haii-
bron dans la Souabe ; Colo gne, Aix-la-Chapelle
dans la Weftphalie ; Francfort, Spire, Worms, dans
le cercle du haut-Rhin. Toutes ces villes^ offrent le
fpeélacle de l’opulence.
Il eft une autre efpece de villes qui forment une
puiffance fédérative pour les intérêts de leur commerce
: on les appelle anféatiques : ce font Cologne
dans le cercle de la Weftphalie, Hambourg, Lubec,
Brême & Roftoch, dans le cerclé de la baffe - Saxe
& Dantzic dans la Pruffe : ces villes font des républiques
qui, fous la proteâioii de l ’empire, fe gouvernent
par leurs propres lo ix , & n’obéiffent qu’a
leurs magiftrats.
L’Allemagne eft divifée en neuf cercles, ou grandes
provinces. Chaque cercle renferme plufieurs
états dont les fouverains s’affemblent pour régler
leurs intérêts communs. Ces cercles font ceux de
haute* Saxe, de baffe-Saxe, de Weftphalie, de haut