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tinés , ignorent s’ils exiftent, ou les dédaignent !
8c c’eft par-là que l’ignorance fuccède à 'l'ignorance
, 6? la barbarie à la barbarie. Loin d’accueillir
ces génies privilégies qui font les précepteurs
des nations, on les repoùfle, on les éloigne ; 8c le
meilleur, le plus doux des gouvernemens, eft
celui où l’on ne.reprélente pas comme un homme
dangereux, celui qui confacre fes jours à éclairer
fa patrie.
Mais l’art cruel de détruire l’efpèce humaine,
l’art fanglant de la guerre, eft celui qui a fait le
plus de progrès jufqu’à ce jour. Les gouvernemens
, par les plus grandes récomp.enfes , excitent
fans celle l’émulation de tous ceux qui lui confa-
crent leurs talens. C’eft par cette funefte fupério-
rité qu’on a vu les nations les plus nombreufes ,
les plus betliqueufes , difparôître devant une poignée
de foldats. L’Européen a porté par-tout fes
arts , fa valeur, fon injuftice, & a fondé des colonies
dans tous les points du globe.
Si d’on confidère l’Européen du côté desfcien-
ces & des arts utiles, que pourroit-on lui comparer
? Les autres peuples les plus célèbres ne font
point fortis des limites & des époques de leur
empire ; prefque tous leurs arts, femblables à un
arbre qui ne peut profpérer que dans le fol qui l’a
vu .naître, ont été concentrés à lenre b'efoins per-
fonnels : l’Européen occupé du préfent, cherchant
a lire dans l’avenir , n’a point dédaigné les ftêcles
antérieurs. On l’a vu recueillir, avec des peines
infinies , les débris des’ arts j & riche de ces pré-
cieufes dépouilles antiques, perfectionner ce que
le génie n’avoit pu mûrir encore ajouter dé nouvelles
découvertes aux découvertes anciennes,
enchaîner par fes calculs la marche des affres, op-
pofer un frein aux élémens', & parcourant toutes
les terres, toutes les mers, inrerroger la nature
jufques fous les pôles ! . . . Quelle fupériorité n’a-
t-il pas fur toutes les nations du monde, par fa
marine & fon commerce r Lui feul a fu fe conf-
truire des citadelles flottantes, qui, avec la marche
la plus rapide, vont porter la terreur chez tous les
peuples. Lui feul connoît parfaitement cet art con-
folateur de les rapprocher tous, & féconder un
climat des produ&ions d’un autre climat. Faites un
pas fur les mers, parcourez les terres , par-tout
vous trouverez fes comptoirs, fes colonies, fes
fadeurs, fes magafins & les vaiffeaux ! Faut-il que
tant d’avantages , tant de découvertes, tous ces
prodiges de l'induftrie humaine, n’aiént d’autre but
que de tromper des peuples paifibles, de s’enrichir
de leurs dépouilles, de les chaffer de leur fol paternel
, de les réduire dans un odieux efclavage,
& de vendre des hommes libres comme on ven-
droit de vils troupeaux !
On évalue généralement la population de l’Euro- j
pe à cent cinquante millions, nombre prodigieux,
mais bien inférieur cependant à celui des autres
parties du monde: l’Afie feule eft deux fois, &
Âu-çielà mêiïie plus- peuplée, Quelques écrivains
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ont prétendu, fans fondement, que la population
étoit autrefois plus confidérable. Je fuis bien éloigné
d’admettre ce féntiment. Il fuffit pour cela de
confidérer le nombre & la grandeur des villes, la
quantité de bourgs 8c de villages ; le cours des
fleuves plus contenu, les canaux creufés pour fer-
tilifer les terres , les campagnes mieux cultivées
les bois abattus , les terres défrichées, les marais
defféchés ; plus de connoilTances dans tous les
genres de culture, l’anéantiffement de ces petites
guerres féodales qui défoloient l’Europe ; la manière
dé combattre beaucoup moins meurtrière,
les peftes, les épidémies, & le peu de police pour
y remédier, les croifades, les guerres de religion
le fanatifme des prêtres, la tyrannie des feigneurs,
l’ignorance, la barbarie, les préjugés , la fuperf-
tition , & l’efclavage enfin plus dépopulateur que
tout le refte ! Le nord de l’Èurope a été incontef-
tablement plus peuplé, parce que les Romains
portant par-tout leurs armes viélorieufes , avoient
réfoulé vers le nord d’innombrables peuplades
qui fuyoient l’efclavage. Aujourd’hui le midi eft
couvert d’un peuple nombreux ; les royaumes fep-
tentrionaiix au contraire font prefque déferts en les
comparant à ce qu’ils étôient autrefois. Ils s’en faut
bien cependant que cette belle partie du monde
foit auflî peuplée qu’elle pourroit l’être. Sans les
émigrations nombreufes en Amérique , en Afie,
6c en Afrique, fans.les vexations des gouvernemens
, fans une foule d’autres circonftances , 8cc.
Que de millions d’habitans ne pourroit-elle pas
nourrir encore ! A l’afpecl çonfolant des bonnes
lois établies pour le bonheur des peuples , le philo
fophe feroit des voeux fans doute pour cet excès
dé population ; mais peut-il fouhaiter de voir fortir
des millions d’êtres du néant, pour en faire des
millions de malheureux !
Quant aux langues que l’on parle en Europe,
on ne peut guère.s les confidérer que comme un
mélangé de toutes les langues anciennes. Dans la
•plupart on y trouve encore les débris récens du
Grée, du Latin , de la langue Celtique , &c. le
Gothique , la langue des Francs , le plat Allemand
& le Scandinavien ont tiré leur origine des langues
Suédoifes 8ç Danoifes, qui dévoient beaucoup
au Grec & au Latin. Cette langue gothique
reffembloit beaucoup à celle que l’on parle encore
aujourd’hui dans l’Irlande & dans quelques dif-
tricls de la province de Thaïlande , en Suède. La
langue des Fioniens & celle des Efthoniens en diffèrent
moins que celle des Lapons. La langue Hon-
groife a quelque rapport avec celle de Fionie. Les
Lithuaniens , les Çourlandois & les Livoniens ne
diffèrent que dans leur dialeéle. On parle l’Efcla-
von, à quelques variations près, en Ruflie , en
Hongrie , en Iliirie ? en Bohême, en Moravie ,
en Luface, dans une partie de la Stirie, & delà
Carinthie & en Pologne. L’Italien & le Valafque
font un mélangé de Latin & d’autres langues.
Celle que l’on parle dans plufieurs baillages dépendîyijÿ
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pettdans des Grifons, eft compofée d’Italien 8c
de Latin. L’ancien Celtique ou Gaulois eft encore
en ufagé en baffe Bretagne, 8c dans la principauté
de Galles. Ce Jargon mélangé avec le Franc, le
Gaulois & le Latin , a donné naiffance a la langue
Françaife. Anciennement en Efpagne on parloit
le Cantabre, qui eft encore en ulage dans les provinces
de Guipufcoa, d’Alava & de Bifcaye, dans
les deux Navarres 8c dans les terres de Labour &
de Soûle, fituées en France. Mais cette langue
ayant été confondue avec les langues Phénicienne,
Canhaginoife, Latine , Gothique & Maure, ce
mélange produifit l’Efpagnol ou le Caftillan, que
l’on parle aujourd’hui, & dont le Catalan diffère
beaucoup plus que le Portugais. La langue Irlan-
daife eft en ufage en Irlande , & dans la partie
feptentrionale de l’Ecoffe. La langue Anglaife a
pour fondement celles que parloient au cinquième
fiècle , les Saxons, les Jutlandais, les Frifons,
&c. mais les Anglais ont enrichi leur langue aux
dépens de toutes les langues du monde, & ce
peuple philofophe a adopté les expreffions étrangères
qui lui manquoient pour exprimer tout ce
qu’il avoit à peindre ; par ce moyen l’Anglais
fera, tôt ou tard, une des plus riches , des plus
énergiques, & des plus variées de toutes les langues.
Le Grec moderne que parlent les Grecs
de l’Archipel,, & ceux qui habitent les autres
contrées de là Turquie , eft l’ancien Grec, corrompu.
Le Tartare & le Turc enfin , font , à
quelque chofe près, pour ainfi dire., une même
langue.
Les différentes religions de l’Europe font, i°. le
Chriftianifme , qui fe divife en Chriftianifme du
rit Grec , & en Chriftianifme du rit Latin : ce
dernier fe fous - divife encore en une infinité de
branches ; telles que les Luthériens , les Cal-
viniftes , &c. 2°. le Judaïfme ; 30. le/Mahomé-
tifme, & 40. le Paganifme. On ne trouve gué-
res de païens que dans le nord, parmi ces contrées
fauvages où les Millionnaires n’ont pu encore
pénétrer.
Pour donner une idée de la grandeur des diffé-
rens états de l’Europe, je vais rapporter ici le calcul
qu’en a fait Jean - Frédéric Hanfen. On doit
obferver qu’il s’agit de milles quarrés géométriques.
La Ruffie, non compris la Sibérie, 5 7,600 raill,
Le royaume de Pologne & le grand
duché de Lithuanie ... . . . . . 12,900
La Suède & la grande principauté
de Finlande. , ’ . . . . 12,800
L’Allemagne. .......................... . 11,236
La Turquie Européenne, avec la
Tartariéde Crimée. . . . . . . 10,236
La France. . . . . . . . . 10,000 g
L’Efpagne. . . . . . . ’ . . 8,500
Le Danemarck & la Norvège . . 6,10.0
|La Grande - Bretagne 8 c l'Irlande. 6,900
Géographie. Tome l . P a r tie //.
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La Hongrie, laTranfilvanie, ainfi
que les parties de la Croatie 8c de la
Dalmatie, poffédées par la maifon
Autriche..............................
Le Portugal. . . . . . .
Naples & Sicile.................. . . 1,836
Les états du roi de Sardaigne. • . 1,224
Les Cantons Suiffes. . . •
L’Etat Eccléfiaftique. . , . » . 80®
Le royaume de Prufle. . • • 729 Les Provinces - Unies. , .
Le grand duché de Tofcane. » • 33°
Gênes 8c Corfe. . . , . . . 290
Les états du duc de Mode ne. . . 90
Ceux du duc de Parnte. . ,
Les mers qui entourent l’Europe , font :
I. La mer Occidentale, qu’on nomme auffi mer
A t la n tiq u e . Elle eft fituée entre l’Europe, l’Afrique
& l’Amérique , en s’étendant d’un côté vers
la mer du Nord , & de l’autre vers le Sud, jufqu’à
la mer d’Ethiopie. Elle reçoit encore plufieurs au- •
très noms particuliers félon les différentes provinces
qu’elle touche : ou appelé mer de B i f c a y e , ou
$ E fp a g n e , la partie qui baigne les cotes de ce
royaume : près de la Guienne en France, .011 l’ap-
pele mer d 'A q u ita in e , ou p lu tô t mer de G u ien n e .
Entre la France 8c l’Angleterre, elle porte le nom
de mer Br itan n iqu e ; entre l’Angleterre .& l’Irlande
celui de mer d'Irlande.
La partie la plus étroite entre Douvre 8c Calais,
que l’on nomthe la M a n ch e ou le C a n a l , n’a , buvant
Picard 8c de la Hirp, que vingt-un mille
trois cent foixante-neuf perches de France ; c’eft
de-là qu’on l’a appelée p as de Calais .
Plufieurs favans prétendent, avec beaucoup de
fondement, qu’il y avoit anciennement un ifthme
qui joignoit l’Angletçrre à la France, & qui aura été
détruit par la fureur des flots ou par quelque tremblement
de terre. On peut lire fur cet objet la difo
fertation de M. Defmarets qui a remporté le prix à
l’Académie d’Amiens.
II. La mer Germanique eft cette partie de l’Océan
qui eft fituée entre la Grande Bretagne, les Provinces
- Unies, l’Allemagne, le Danemarck & la
Norvège. On la nomme auffi mer du N o r d , mer
d 'Ou efl , & près de la Jutlande elle eft appelée mer
Cimbrique.
Cette mer eft fujette au flux venant d'orient,
& au reflux venant d’occident. Près de la Norvège
le flux fait ordinairement monter les eaux depuis
quatre jufqu’à \fix pieds, 8c tout au plus jufqu’à
huit pieds. Mais en Angleterre aux Provinces-
Unies où le canal gonfle les eaux, elles montent
bien davantage. Les eaux de cette mer ont
beaucoup plus de parties faîines que celles de
la mer Orientale ; elles dépofent beaucoup de fel
dans les creux des rochers, font grades, & donnent
le foir une lueur que les marins appellent
M c r il( lK
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