
» canons , de fufils, d’arcs , de flèches , &c. Le
« palais particulier de l’empereur eft au milieu de
» cet enclos : il eft fans étage, & n’a qu’un rez-
5> de-chaufTée élevé de dix-huit degrés. Les planchers
» font très-hauts , & ornés de fculpture , peinture ,
» & dorure. Les murailles font enrichies de lames
s» d’or. Le trône de l'empereur eft d'or maifif, Ck.
entouré de la figure d’un dragon. Outre la falle du
3? confeil, il y en a douze autres. D ’un côté de ces
s? falles font des appartemens qui renferment des
3? filles, de l’autre font d’autres appartemens qui
3? renferment dès eunuques. Ces filles & ces eu-
3» nuques ont fur la tête des couronnes enrichies de
i? pierreries. Une fille & deux eunuques font aflis
3) auprès de chaque minifire qui préiide à ces con-
9> feils ; d’autres filles-, & des officiers rangés en
3> file , refient debout derrière. Les officiers des
» fept enceintes que forment fept murailles qui entourent
le palais de l’empereur > ont leurs dépar-
3» temens difiérens. Ceux de la première enceinte
3» ont celui des jardins & des terres. Ceux de la fe-
3> conde reçoivent les plaintes & les requêtes du
3j dedans & du dehors. Çeux de la troifième ont le
3> foin de répondre à ces requêtes. Ceux de la quasi
même examinent les affaires concernant les of-
s) ficiers de juftice employés àux confeils. Ceux de
»? la cinquième examinent lesrevenus & les finances
3» de l’état : c’eft à leur bureau où fe fait-la. recette
3> & l a dépenfe. La fixième enceinte contient douze
» mille chambres ou loges, & la feptiéme renfermé
»? le palais impérial, où logent la famille , les con-
3? cubines , & les eunuques de l’empereur ; il n’en
a? permis à aucune autre perfonne d’y entrer >?. Mu-
nuferits de La bibliothèque du roi.
La Chine eft divifée en quinze grandes provinces
; favoir, Peche-li , dont Pékin eft la capitale;
Kiang-Nan, dont Nankin eft la capitale;
Ganfi, Chenfi, Channtong , Honan , Séchuëre ,
Huquang, Kiang-fi, chekiang, Fo-kien , Cuan-
tong, Chan-fi, Gun-nan , Queïchen; on pourroit
y ajouter le pays de Leaotoum ; mais les Chinois
le mettent dans la province de Xanton. Il y a
encore plufieurs îles qui dépendent de la Chine,
comme la grande & la petite Licon-Kicou,Tajuam ,
que les Portugais appellent formofa ; Hainan ,
Piamxan , fur la pointe méridionale de laquelle
Méaco eft fituée , & une infinité d’autres , tant
habitées que défertes.
On compte dans ce vafte empire quatre mille
quatre cent deux villes murées, dans lefquelles il
le trouve cent foi xante - quinze cités du premier
ordre ; deux cent foixante - quatorze du fécond
ordre , &c. L’ordre militaire a fix cent vingt - neuf
fortereffes du premier ordre, tant fur lès frontières,
que dans l’intérieur de l’empire ; cinq cent foixante-
fept du fécond ordre ; trois cent onze du troifième
ordre ; trois cents du quatrième ; cent cinquante
du cinquième ; cent du fixième ; & enfin trois cents
du feptiéme ; fomme totale, deux mille cinq cents
trente-fept places ; ce qui , joint aux villes-de
1 ordre c iv il, font le nombre de quatre mille quatre
cent deux villes murées , fans y comprendre un
nombre infini de villes ouvertes & fans défenfe.
Outre cela on compte en-deçà 8c au-delà de la
grande muraille , qui féparè la. Chine de la Tar-
tarie , trois mille tours , appellées Tai, où il y a
toujours une garde & des fentinell.es, qui donnent
l’alarme auffi - tôt qu’on apperçoit l’ennemi. Les
troupes , qui en tems de paix gardent & accompagnent
les mandarins, les ambaftadeurs , &c. &
font la garde la nuit, montent à 767,970 hommes :
lorfqu’ils. ont fait une journée de chemin , ils s’en
retournent, & d’autres prennent leur place. Le
nombre des chevaux que l’empereur entretient
feulement pour fes troupes en certains poftes,
monte à 564,700 les foldats, auffi bien que
les chevaux doivent toujours être tout prêts ; mais
en tems de guerre ces troupes font innombrables.
On compte a la Chine fix cent quatre-vingt-huit
maufolées , fameux pour leur ftruàure & leurs ri-
cheffes. Il eft détendu , fous de groftes peines ,
d’enterrer les morts dans l’enceinte des villes.
Quatre cent quatre-vingt temples d’idoles , remarquables
par leur magnificence ; 3 50,000 bonzes
qui habitent ces temples & le s autres temples moins
célébrés. Outre cela fept cent neuf temples, que
les Chinois ont bâti en divers tems en mémoire de
leurs ancêtres. Ces monumens font diftingués par
leur architeàur-e & leur beauté. Les fleuves , les
fources minérales , & les lacs renommés , font un
nombre de mille quatre cent foixante - douze , &
l’on ne compte pas moins de trois cents montagnes
fameufes dans l’empire : il ne faut pas oublier deux
cent foixante- douze grandes bibliothèques , trente-
deux palais royaux, & treize mille fix cent quarante
fept palais de magiftràts.
Le nombre des canaux, ou rivières artificielles
eft confidérable. On admire fur-tout le canal roy al,
par lequel on peut aller, depuis Canton , jufqu’à
Pékin ; c’eft-à-dire, l’efpace de trois cents lieuês. Il
a quatre cent foixante-dix ans d’antiquité : rien de
plus beau & de plus hardi que cet ouvrage; les
bords en font revêtus de pierres de chaque côté,
avec des chemins pavés & plantés d’arbres. I l eft
traverfé de plufieurs beaux ponts , & on y a ménagé
un grand nombre d'éclufes, au moyen def-
quelles on diftribue dans les campagnes l’eau dont
elle a befoin pour la culture du riz.
Nous ne pouvons nous empêcher de parler des
ponts célèbres. On en compte jufqu’à trois cent
trente-un de remarquables. Celui de la ville de
Ghanchen eft fur cent trente bateaux, .attachés l’un
à l’autre par une chaîne , qu’on peut ôter pour
donner paftage aux gros bateaux qui defeendent ou
remontent la rivière. Dans le Checiang, il y a un
pont merveilleux dans une vallée, entre deux montagnes.
Dans Focheu, première ville capitale de Fokien ,
on en voit un autre de pierres qui a cent cinquante
-toiles de lo n g , & cent arches, avec des ornemeas
de fculpture à la Chinoife. Dans la-même province
de Fokien , fur la rivière de Loyang -, on admire
un autre pont qui-n’a pas moins de crois cent foixante
toifes de longueur. Comme les Chinois font
curieux en bafimens, on voit dans là,plupart dès1
villes d'e belles tours , bâties de-pierres-, ornées de
toutes fortes-de‘ figures relevéesj en bofte , mais
l’ouvrage dé ce genre où il paroît le plus d’art 8c
lé plus de fômptuofité , eft la tàmeufe tour de porcelaine
de Nankin ; fa forme eft o&ogone , ayant
neuf galeries l’une fur l ’autre., toutes ornées de
fenêtres, de baluftrades, de feftons en relief, &
où l ’on monte par cent quatre-vingt degrés. Le
nombre de ces tours eft de mile cent cinquante-
neuf, en y comprenant les arcs de triomphe érigés
en l'honneur de-quelques hoiùmesilluftres.
Mais entrons dàus quelques détails , & commençons
par la fatneufe-muraille', ouvrage étonnant ,
entrepris pour contenir les Barbares , dont l’empire
eft invefti. Elle paffe dans plufieurs endroits fur
des montagnes extraordinairement hautes ; elle
tourne auffi Suivant la fituation des lieux: d e -d is tance
en diftance, elle eft flanquée de groftes tours
8c de forts ; fa folidité égale fa largeur & ïà hauteur;
elle tombe cependant en ruines dans quelques, endroits'
, bien moins de vetùfié que par les ravages
des Barbares. Cet énorme boulevard', défendu par
dés armées innombrables, n’eût jamais été franchi,
fi les Chinois qui le gardoient, auffi lâches que
perfides , ne fe'fuftênt iaifîe gagner par les Tar-
tares , & n’eufterit vendu leur patrie. Les con-
quérans n’étôient qu’au nombre de trois cens 8c
quelques mille , & les Chinois excédoient un million
de foldats. La bafe de cette muraille , à la hauteur
d’un pied, eft de groftes pierres de taille ; mais
les parties fupérieures font de briques & deximent ;
la hauteur eft de fix toifes pleines , & la largeur de
quatre ; fix cavaliers pourroient facilement s’y promener
à cheval : elle eft prefque par-tout en auffi
bon état, que fi elle n’eût été bâtie que depuis
vingt ou trente ans , 8c cependant e le a près de
deux mille ans d’antiquité. Sa longueur eft de mille
fept cent foixante-dix milles.
Prefque toutes les villes de la Chine ont tant de
reftêmblàneeentr’elles , que c’eft allez d'en avoir vu
une pour fe former une idée générale des autres.
Leur forme eft prefque toujours quarrée, autant
du moins que le terrein peut s’y prêter. Elles' font
environnées de hauts murs , flanqués de tours , qui
font bâties en arc boutans à de jliftes ,d:ftances.
Dans l’intérieur, on voit des tours, les unes rondes,
d’autres exagon.ès ou oéiogones, hautes de huit à j
neuf étages ,ides arcs de'triomphe pour l’ornement !
dôs rues ; d’aftez beaux temples confacrés aux
idoles , ou élevés à l’honneur des héros, & de !
ceux qui ont rendu d’importans fervices à l'état.
On dùtingue des édifices publics, plus remarquables
par leur étendue que par leur magnificence. On y
peut joindre un grand nombre de places & de
longues rues, les unes fort larges, d’autres plus I
étroite?, bordées de niagafihs qui n’ont que le rez-
de-chauftee, ou qui ne, s'élèvent aû plus que d’un
etage. Les boutiques font ornées de porcelaines,
de ibie , & d’biivrages verniffés. Devant chaque
,pône- eft placée fur un piedeftal une planche de
de* 7 à 8 pieds de haut" peinte ou dorée, avec trois
jgfarids' cara&ères pour fervir d’enfeigne. On y lit
le nom de plufieurs marchandifes; celui du marchand
, & ces deux mots pu-hu ; c’eft-à-dire, il ne
vous trompe pas.
Ce que les Chinois appellent beauté parfaite
confine dans un grand front , un nez cou rt, de
petits yeux bien coupés , un vifage large & quarré,
de grandes oreilles , une bouche d’une grandeur
médiocre & des cheveux noirs ; car ils ne peuvent
fupporter une chevelure blonde ou roufte. Les tailles
fines & fweltes n’ont pas plus d’agrément pour eux*
parce que leurs habits font fort larges : ils croient
lîn,.k°mme bienfait lorlqifil eft gras & gros, &
qu il remplit fa chaife de bonne grâce. Les payfans,
8c ceux qui vivent a la campagne dans les provinces
méridionales , ont un teint brun & olivâtre ; mais
la plupart des habitans des villes ont la peau fort
belle jufqifà trente ans. Les lettrés, & les doâeurs*..
fur-tout ceux dé bafte extradion , ne fe coupe»?
jamais les ongles, pour faire connoître qu’ils ne
font pas obligés de travailler pour vivre. Quant aux
femmes , elles font ordinairement de la taille
moyenne ; -elles ont le nez court, les yeux petits ,
les cheveux noirs, les oreilles longues , le teint
afîez rude, & les pieds fi petits, qu’à peine peuvent
elles faire un pas. Leur vifage a l’air de la
gaiete, & leurs traits font réguliers.
Ce peuple, grave & p o l i, eft d’une modeftie
lurprenante. Les lettrés paroiflent toujours avec
un air compofé, fans accompagner leurs expreft*
fions, du moindre gefte. Les femmes font encore
plus refervées. Elles vivent conftamment dans la
retraite, avec tant d’attention à fe couvrir, qu’elles
ne laifîent voir ni le bout de leurs pieds , ni celui
de leurs mains.
Ce peuple, naturellement vindicatif, pofîede
plus qu un autre l’art de diftîmuler ; il garde fi bien
les apparences , qu’on le croiroit infenfible aux
outrages ; mais s’il trouve l’occafion de ruiner fes
ennemis , il la faifit avec ardeur, & les voleurs
meme n emploient point d’autre méthode que Tartinée;
en général le Chinois n’eft pas fort délicat
fur ia probité, & il ne fait gracè au* biens des autres
que lorfqu’il ne peut s’en rendre maître impunément.
r
Ce peuple, malgré fes défauts , a cependant de
granaes qualités ; il n’en eft pas dans le monde
entier de plus laborieux; il témoigne la plus profonde
vénération à l ’auteur de fes jours & à ceux
qui ont pris foin de fon éducation ; il rèfpeâe les
vieillards ; il déteite dans les aérions , dans les paroles
& les geftes, tout ce qui décèle la colère ou
la moindre émotion ; il honore fes magiftrats &
fes lettiés , & le Chinois le plus vicieux admire