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.dont on étend fur la table une longueur pareille à
la partie de la feuille qu’on veut dérouler ; on fait
tenir le commencement de cette feuille à la partie
de la chaîne qui ne pofe pas fur la table, & qui eft
la plus proche de cette même feuille. On fe fert à
cet effet de petites particules de gomme en feuilles
ou par écailles, qu'on applique derrière avec un pinceau
, à l'aide d’un peu d’eau pu de la fimpie falive,
obfervant de ne les mouiller que dans Imitant qu’on
les applique. La feuille du livre s’adapte, fur le champ
à ces particules, de la même manière qu’une feuille
d’or le fixe fur le mordant du doreur : le commencement
de la feuille du livre étant ainfi hapé par la
foie & par la gomme qui y font adhérentes, on
tourne très-doucement le cylindre qui eft au haut
du chaflîs, auquel les fils de foie font attachés , & à
caufe fie la grande fragilité de la feuille, on aide en
mème-tems le livre par en-bas à tourner. Par ce
m o y en , on enlève infgnfiblenjent la partie de la
feuille, qui Teft fortifiée, .& l'ori force le relie de la
chaîne , qui eft couchée fur la table, à fe relever &
à fe joindre, à piefure que le livre tourne, à la
partie dé la feuille qui relie à dérouler. On les fixe
.enfuite avec des particules de gomme, en fuivam le
même procédé. Lorfqu’il nç relie plus riep de la
chaîne fur la table, 8c qu’éllé a été tome appliquée
à la feuille du liv re ,, on coupe cette, même feuille, ;
& on la polie fur une planche. L’écriture y eft fi
fqiblement.marquée, qu’fl éfi difljcile de la lire au
grand jour; mais on y réuflit en la mettant à l’em-
b re, où à un jour plus doux, Alors on la lit comme
pn liroit un imprimé q qi, après avoir été noirci au
feu , conferveroit encore la trace des cgraétèrçs dont
I l étoit einpreint, Les fils de foie font ici d’autant
mieux imaginés , que, préfentant une furfaçe à la
feuille , ils la foutiennent par-tout également, rçm-
pliflenç les parties mutilées , & empêchent qpe la
feuille n.e fe déchire dans ces endroits,^qui, étgnt
les ptysfeibles, fçroient les premiers à céder. Cette
opération exige beaucoup de légerçte dans la main.
O n n’y travaille que les fenêtres fermées ; car le
moindre vent pourroit enlever ou rompre la feuille
qu’on développe, & faire perdre en.un inftant le
fruit d.e toutes les peines qu’on auroit prifes,
Op a développé ainfi quatre maïuifçrits G re c s ,
fiont le premier traite de la philofophie d’Epicure :
le fécond eft up ouvrage de morale ; le troifième,
im poçme fur la mufique ; le quatrième , un livre
de rhétorique. A ùfli-tôt qu’on , ayoit ; enlevé une
page, on là çopioit & on l ’envoyoit au çhapoine
Mazocchi, pour la traduire en Italien, IlTeroit à fou-
liaiter qu’on employât à ce travail beaucoup de per-
jfonnesVLe P. Piaggi n’eft plus en état de s’en occuper
, étant eftropié ; & fon élève paroît n’y prendre
pas aflez d’intérêt : il fe plaint de ce qu’on np lui don-
jne que fix ducats par mois , 8c il y travaille trèsr
peu. Peut - être fçroit-il aufli beaucoup plus utile de
ne développer que le commencemept de chaque
manuferit, & de l’interrompre quand on voit que le
fuièt ne peut rien nous apprendre d’intéfeflant.
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Sans cela, il y a tout lieu de croire que de très-,
long-tems on ne verra paroître au jour ces ouvrages
précieux, & parmi lelquels on ne doit pas défelpé-
rer de recouvrer quelques-uns de ceux qu’on avoit
cru perdus pour la république des lettre«.
C e feroit une époque bien mémorable dans l’hif-
toire de l’efprit humain , fi l’on y rencontroit les
Ouvrages complets de Diodore de Sicile, de Poly-
b e ? de Saftnfte, de Tire-Live, de Tacite, les fix
derniers mois des faftes d’O vid e, & les vingt livres
de la guerre de Germanie, que Pline commença
dans lç tems qu’il fervoit dans ces pays.
La collçâion des peintures antiques tirées d’Her-
çulanum, eft aufli dépofée près du château de Por-,
tici. On les çonferve dans plufieurs chambres ; mais
fous verre, avec le plus grand foin , & le roi d’E f-
pagnq n’a jamais voulu qu’on en difperfât la moindre
partie : on a Apre qu’il en avoit refisfé même au
roi fon père. 4
Ces peintures étoient fur des murailles, que 1*0»
a fciées à une certaine épaifleur : on les a enfuite
aflujéties avec tout le foin poflible , en les fçellanc
fur des chaflîs de parquet, comme autrefois on enleva
les ouvrages de Damophile & de Georgaze i
peintres & fculpteurs célèbres,■ qui avoient décoré
le tçmple de Cérès à Rome, lprfqu’on voulut réparer
& recrépir de nouveau les murs de cet édifice,
La fraîcheur des peintures d’Herculanum, qui s e -
toit confervée pendant plus de feize cents ans dans
l’humidité de la terre , fe perdit bientôt à l’a ir, par
le defféchement qu’elles éprouvèrent, & il fe forma
deflus unepouflîère farineufe, qui en peu de tems
ep eût fait perdre lès couleurs. Un Sicilien nommé
Moriconi> qui excelloif dans l’art des vernis, fut
chargé d’en appliquer un pour conferver le coloris..
Çela a produit reffét qn’ôn çn^attendoit $ mais ce
vernis a ocçafionoé la ruine de plufieurs,tableaux .,
car il fait tomber la çoùleur par.écgilles, & il y en
a qui ne font pas préfentement recpnnoifFables,
tant ils font mutilés. Cela ne paraîtra Pas furpre-
pant, lprfqu’on fera attention que la chaleur deNS
: cendres du Véfuve a dû cpnfumer les'gommes qui
* en lipient les. couleurs. Si l ’on efit employé à ce
travail des perfonnes plus, iptelligeptes, elles au-
roient tenté de donner du corps au* couleurs, en
collant les tableaux ayant de les yernir. C ’eût
été le feul moyep de lçs conferver, & de rendre
en m|me-tems à leur coloris fon ancienne frai*
chieur.
Les plus grands morceaux de cçtte collection
font les moins nombreux, & n’ont guere plus de.
cinq pieds de haut. Les autres font la plupart comme
pos petits tableaux de chevalet. 11 y ép a cependant
quelques-uns de mutilés ; mais il eft étonnant qu il
p’y en ait pas davantage, foit a caufe des diverfes
éruptions du Véfu ve, qui ont dû les endommager ,
foit à caufe de l’humidité, occafionnee par les eaux
qui ont filtré àiijravers dçs terres , & des cendres
dont on a trouve lés maifons remplies.
Tous ces tablpaux font peints en détrempe, ainft
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qu’ il eft aifé de s’en ap perce vo ir , fur-tout dans ceux
qui ont été mutilés. La couleur qui s’en eft enlevée
par écailles, n’alaifle qu’une impreftîon verte, jaune
ou rouge, qu’on avoit étendue auparavant fur 1 er> ,
duit qui recouvroit la muraille. Il n’en feroit pas de
même fi ces morceaux euflent été peints à fréfque ;
car cette peinture, qui ne s’arrête pas a la fupernçie,
mais qui pénètre l’endüit de chaux 8c dç fable fur
lequel on l’applique, n’auroit pu fe détacher qu’avec
l’enduit même. De plus, oh fait que la frefque
des anciens, ainfi que la nôtre, n’admettoit pas certaines
couleurs aflez avives pour pénétrerTenduit,
au lieu que la détrempe les admet toutes indiftinc-
tement. Les tableaux d’Herculanum font dans ce
dernier cas : on y reeonnoît, fans exception, toutes
fortes de couleurs, même celles qu’exclud la frefque.
Enfin l’on a reconnu, jufques dans les morceaux les
mieux confervés, lorfqu’on les a feies & enlevés de
dèfliis les murailles, qu’ils n’étbient tous peints-
qu’en détrempe. Cette obferyation détruit le fyftê-e
nie de ceux qui ont prétendu que les anciens n a-
voient pas , comme nous , le fecours de toutes les
couleurs, & qu’ils n’employoient les peintures à
frefque que pour décorer leurs murailles & leurs
voûtes.
Cette immenfe collection de peintures, qui s accroît
tous les jours, & qui nous met fous les yeux
les productions des anciens peintres dans tous les
genres, prouve que les artïftes du premier ordre
etoient aufli rares chez eux que parmi nous. Dans
la defeription des peintures qui eft imprimée y on
en exalte un grand nombre qui font aii-deflbus du
médiocre. Nous nous bornerons ici aux ouvrages
d’un mérite diftingué, ou qui, fans être bien remar-
, quables du côté dé l’art, auront du moins quelques
fingularités capables de fixer les regards des curieux.
Commençons par les tableaux dont les figures
font de grandeur naturelle, ou qui en approchent.
Un des tableaux les plus grands & les plus beaux
que l’on ait retiré des fouilles d’Herculanum, reprélente
Théfée, vainqueur du Minotàure en Crètg.
■ C e tableau eft de forme cintrée : il ? été enlevé dé
l ’une des deux niches qui étoient dans le bâtiment
que l’on a prétendu être le forum ou Chaleidique
dont nous avons parlé. Théfée y eft vu de face : il
eft debout, nud , & <e taille gigantefque, relativement
aux autres figures.' Son manteau, jeté négligemment
fur répàülè gauche, repafle fur le bras" cki
même eôté : il tient‘ fa mafliie lèvée de là main
gauche \ à l’un des doigts de cette main il à 'un
anneau. Trois jeunes Athéniens lui rendent des actions
de grâces l'un lui baife une main fautre
lui prend le bras dû côte de fà mafliie ; & le troi-
iième, profterné à fes piéds , lui ëmb'ràfle une
-jambe. Une jeûne fille fe joint à eux , &'portant la
main fur la mafliie du vainqüeur, femble lui témoigner
fa recônnoiflance. Gri croit qu’elle fort du
labyrinthe, ainfi qu’une autre perfonnë , dont on
ne découvre qu’une partie de la tête, lé furplus
êïam- efi’âcé. Le Minptaurë eft renvérfé aux pieds
.Géographie, Tçine J. PfJtiç if*
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de Théfée , fous la figure d’un homme a tete de
taureau 9 qui porte une maiji à l’une de fes cornes :
il a l’eftoniac 8c l’une de fes épaules déchirés, par
les. coups qu’il a reçus. C ’ eft la première fois qu’on
le voit fous cette forme : les médailles antiques ne
nous en fourniffent aucun exemple. La déeffe protectrice
du héros eft aflife fur un nuage dans le haut
du tableau : on la découvre jufqu’à la tête î elle eft
appuyée d’une main fur le nuage, 8c tient de l’autre
fon arc 8c une flèche. Le côté ou eft la porte du labyrinthe
, eft très-mutilé.
On prétend que lorfque c.e morceau a été découvert
, les couleurs en étoient bien plus vives qu à
préfent. On les trouve cependant encore belles ,
quoiqu’ un peu éteintes- La figure de Théfée eft
noblement compofée ; elle a cependant quelque
chofe dé froid : mais les trois jeunes-gens font
remués avec beaucoup plus de chaleur ; les mou-
vémens en font pleins d’expreffion : celui qui em-
braffe la jambe du vainqueur, furpaffe en cette
, partie les deux autres. C ét ouvrage eft en général
correél de defiîn , d’une grande manière ; mais il
y règne peu d’ intelligence du clair-obfcur. Le mou-
' vénient du manteau du jeune-homme qui baife la
main de Théfée , n’eft ni heureufe, ni dans le ftyle
des autres draperies du même tableau.
Un autre tableau de forme cintrée a été trouvé
dans la fécondé nfche du Forum dont on a parlé
ci-deffus : les figures en font à-peu-près grandes
comme nature. Le fujet eft Incertain, 8c a donné
lieu à bien des conjectures. Tous les perfonnages
qui v font repr’éfentés, ont rapport à un enfant,
qu’on préfunte ;' avec aflez de Vraifembiance être
Tèlèp he, fils d’Hercule. C et enfant eft allaité par
une chèvre . qui lui lèche la euiffe , en levant une
jambe par derrière pour le laiffer téter avec plus de
facilité. Une divinité ailée & couronnée de lauriers,
tient d’une main des épis de bled , 8c de 1 autre indiqué
l’enfant, en le regardant. Hercule debout 8c
appuyé fur fa m a f l i ie a les yeux fixés fur lui. La
déeffe Fibre eft aflife vis-à-vis d’K ercu'le, 8c a derrière
elle le dieu Pan : aux deux côtés d’H ercule, il
yjà un lion 8c un aigle , qui ne contribuent pas peu
à jefer de l’obfcurîté fur ce fujet. La compôfidon de
ce tableau eft bien lié e , 8c les attitudes en font ex-
preffives : la Flore çft drapée d’une bonne méthode;
mais tous les airs de têtes ne font pas aflez
variés; Le eiràâère de deiïin, dans le total dé l’on-1
v ta g e , eft très-médiocre ; l’enfant eft très-incorreâ ,<
1 Scies’ animaux font mal rendus.
Achille, à qui le Centaure Chiron enfeigne à
jouer de là ly r e , eft encore un beau tableau. Quoique
la figure du centaure ne foit pas bien deflinée ,
‘8c. qii’elîe ri’intéreffe pas fteHe-même , cependant le
haut de cette figure fe gvouppe au mieux avec celle
d'Achille, qui eft dans une attitude noble. Les contours
de ce dernier font coulans > le deffin en eft
d’un beau caraélère ; il eft même peint avec lége-"
reté, 8c l'on ÿ admire une belle dégradation de tons
dans les paffages dos ombres à la- lumière.
* * C c ç c ç