
754 H E R
Un tableau de diverfes figures, représentant une
jeune fille ayant une main appuyée fur l’épaule
d'un jeune-homme, & de l ’autre lui ferrant le bras,
comme par un mouvement d’affeélion. Ce jeune-
homme eft entièrement vêtu : il eft afiïs, la tête
appuyée fur fa main, dans l’attitude d’une perfonne
penfive, ou qui fait attention à ce que lui lit un
autre jeune-homme., qui eft afîîs vis-à^-vis de lui.
Ce dernier eft nud jufqu’à la ceinture : il tient d’une
main un papier, & de l’autre femble indiquer celui
dont nous avons parlé le premier, à qui il lit ce
papier. Deux femmes & un vieillard qui les écoute,
font dans des attitudes d’étonnement. On croit que
ce fujet eiV Orefte reconnu , & tel qu’Euripide le
repréfente dans la tragédie d’Iphigénie en Tauride.
Le jeune-homme peniif eft Orefte ; la jeune fille
qui femble le ferrer de fes mains, eft Iphigénie ;
celui qui l i t , eft Pilade. L ’ordonnance en eft belle,
les têtes en font très-exprefiîves , & les figures drapées
d’un bon ftyle. On y trouve même un affez
bon effet de lumière ; mais ce tableau laiffe beaucoup
à defirer du côté du defiin & du coloris : le
dos de l’homme à mi-nud qui li t , pèche plus que
tout le refte de l’ouvrage dans ces deux parties de
l’a rt, étant très-incorreci & d’un ton de brique dé-
fagréable. Ce morceau a fouffert dans le bas, mais
aux endroits les moins effentiels.
Un autre tableau repréfente, à ce que l’on prétend
, Orefte & Pilade enchaînés & conduits par
un foldat du roi Toante, devant la ftatue de Diane,
qui eft fur un autel, où l’on voit une patere & un
préféricule ; Iphigénie eft debout, de l’autre côté
de la table, & les voit arriver ; elle a derrière elle .
deux de fes fuivantes, dont l’une porte, dans un
baffin , une lampe, & l’autre fe baifte pour avoir
le coffre qui contient fans doute les inftrumens du
facrifice. Les deux figures d'Orefte & de Pilade,
qui font prefque nuds, font très-bien çompofées ,
& d’un defiin pur ; mais elles font ifolées , & la
compofition générale n’eft point du tout liée.
Un petit tableau repréfentant un faune qui ca-
reffe une bacchante renverfée ; elle tend un bras
qui paffe fur la tête du faune , comme fi elle vou-
ioit fe retenir à fes cheveux. Elle eft prefque entièrement
nue , elle n’a qu’une cuiffe couverte d’une
draperie rouge. On voit auprès d’elle fa cymbale
& Ion ty r fe , dont l’extrémité finit par une touffe
de lierre , & auquel pend un ruban .de la même
couleur que fa draperie. Ce grouppe eft chaudement
compofé , & les figures ont beaucoup d’ex-
preflion.
' Un petit tablaeu de deux jeunes filles qui fe
donnent les mains en danfànt. Le mouvement de
leurs bras eft bien varié, & les grâces du coude y
font obfervées ; mais les draperies y font affommées
par la confùfion des plis.
Un autre petit tableau d’une danfeufe feule ; elle
eft nue jufqu’à la ceinture , & tient fa draperie.
L’attitude en eft gracieufe, les mouvemens en f o n t
bien contraftés ; on trouve dans fes mains, dont
H E R
les^ petits doigts 'font écartés , des gentilleffes,
qu’on ne voit pas ordinairement dans l’antique. La
draperie en eft moins confufe qué celle des figures
du tableau précédent, & les plis de fes extrémités
paroiffent être moins lourds.
Une autre danfeufe touchant d’une cymbale à
grelots, femblable aux tambours de bafques dont
les Napolitains jouent aujourd’hui ; il y a de la fi-
neffe & de la corre&ion dans le haut de cette
figure. Elle feroit plus intéreffante , s’il y avoit
moins de confùfion dans les plis de fa draperie.
Une jeune fille tenant d’une main un rameau
de cèdre, & de l’autre un fceptre d’or ; elle eft
entièrement drapée. La tête en eft vue de profil,
& l’ajuftement de fa coiffure eft du meilleur goût ;
elle a des pendans d’oreilles de perles : le tour de
cette figure eft naturel ; & quoique les draperies
faffenr trop d’étalage , le mouvement que l’air leur
donne en les faifant voltiger, eft exprimé avec une
grande vérité.
Une bacchante portée par un centaure;la bacchante
eft prefque nue , fes cheveux flottent en
l’a ir , & fa draperie qui voltige au gré du vent ,
laiffe fon dos à découvert. L ’attitude en eft aufii
finguliére qu’élégante ; elle ne porte que d’un genou
fur la croupe du centaure, en fe tenant à fes
cheveux d’une main ; en même-tems, pour le faire
galopper, elle lui donne du pied dans les reins;
de l’autre main, elle tient fon ty r fe , afin de l’ai-
: guillonner davantage. Ce grouppe qui eft des plus
finguliers , eft plein de feu & d’expreflion, & il eft
admirablement compofé : la bacchante eft rendue
’ avec autant de correâion que de fineffe de defiin ,
& fes draperies ne manquent pas de légéreté.
Un autre centaure qui porte un jeune homme en.
courant au galop ; le jeune homme eft devant le
centaure, & il n’eft retenu que par une main qu’il
lui paffe fur. l’épaule. Le centaure touche d’une
main une lyre à trois cordes, qui eft appuyée fur fa
croupe , & de l’autre il fait réfonner la moitié
d’une crotale contre l’autre moitié de la même cro-
taie, que tient le jeune homme. Ce tableau paroît
d’un defiin p u r , mais il eft compofé contre tout
principe d’équilibre, étant impoflible que le jeune
homme puife fe foutenir en l'air dans l’attitude où
il eft.
On a remarqué que dans prefque tous ces petits
tableaux, fur-tout dans ceux dont les figures font
feules, les peintres, pour éviter l’embarras des fîtes,
fe font contentés de faire des fonds unis , d’une
teinte rougeâtre ou brune , ou dans d’autres couleurs
très-foncées.
Un grand nombre de tableaux repréfentant des
enfans , des amours ou des génies ailés, occupés à
différens travaux , cômme à chaffer, à faire refon-
ner des inftrumens, ou à des jeu x , des danfes &
autres exercices. Celui de ces petits tableaux où
l’on voit des enfans vignerons , eft digne d’attention,
fur-tout à caufe de la forme du preffoir. antique
: il en donne une idée plus nette que celle
■ B
H E R
qu’on trouve dans Vitruve , Pline & autres anciens
auteurs. Il faut voir la gravure qui en a été faite
dans le livre des Pitturt antiche tSErcola.no. Nous
nous contenterons ici d’obferver que ces enfans font
tous d’une nature un peu avancée, & compofés
froidement. Ils n’ont point l’en joue ment des grâces
enfantines. Il y en a cependant, dont les attitudes
ont une certaine vérité, & qui font paffablement
peints.
Plufieurs tableaux d’animaux où il y a des paons,
des coqs , des' poules, des canards , des cailles , des
tigres & des poiffons ; quelques-uns font afl’ezbien
imités & d’une touche fpirituelle.
Des tableaux de fruits , où l ’on a repréfenté,
fur-tout des raifins,, des figues & des.dattes : ils font
touchés librement, & peu terminés.
Une grande quantité de tableaux d’ornemens,
ou pour mieux dire des fragmens de frifes en ara-
befque, dont quelques-uns font d’affez bon goût de
defiin ; mais il n’y en a prefqu’aucune de bien
peinte.
Beaucoup de payfâges mal .rendus , & où il y a
des bâtimens qui fourmillent de fautes de perfpec-
tive.
Des tableaux d’architeâure , dont le genre eft
fi bizarre , qu’on croit y trouver en général ,un mélange
de goût gothique , arabefque & chinois , &
fouvent une imitation extravagante de l’ordre
ionique.
Deux marines : la première repréfente quatre
yaj féaux , dont l'un en partie, confumé par les flammes
, & brifé contré un écueil ; on combat avec
acharnement fur les trois autres : il y en a un fur
lequel s’élève une tour , où font les enfeignes de
Rome | au milieu de la me r , on découvre une petite
île avec un temple entré deux arbres , à côté
duquel il y a un Neptune le trident à la main ; devant
ce temple eft placé un autel. On voit dans la
même île un foldat armé d’une p iq u e ,.d ’un caf-
que & d’un bouclier ; une .figure que l’on diftin-
. ,gue mal, parcè qu’elle eft prefque toute effacée,
femble fortir de la mer. Ce tableau eft mauvais,
& n’a d’autre mérite que celui de nous laiffer, en
ce genre de peinture quelque chofe des anciens ;
les vaiffeaux n’y font point en -perfpeftive, & ils
ne lèvent point la queftion des birèmes , des trirèmes
& des quadrirèmes , toutes les rames paroiffent
fortir de la même ligne.
La fécondé marine, quoique fort mutilée,'dans
un coin découvre un fite agréable, avec un front
terminé par des montagnes,, & quelques bâtimens
mêlés d’arbres qui forment un bon effet.
Les terreins qui fervent de repoufibir, font traités
dans le goût de ceux qu’emploient quelques-uns
de nos peintres pour produire de femblables effets.
-On conferve dans cette colleélion quelques ta<-
bleaux en mofaique, trop mauvais pour qu’on enr
tre dans aucun détail à leur fujet. Qn remarque dans.ces peintures en général un
jfep.u çaraélèrp .de defiin & cle rexprdlion; mais il-
HER 755
paroît que les peintres étoient peu favans dans fart
des raccourcis, que leur manière de draper confif-
toit en petits plis fouvent confus, & que rarement,
par la difpofition de leurs étoffes, iis s’atta-
choient à produire de grandes • maffes, mais qu’ils
accufoient toujours le nud ave< auftérité. Ils
étoient peu avancés dans la couleur locale, encore
moins dans la magie du clair-obfcur, qu’ils
o n t, pour ainfi dire, totalement ignorée. Ils n’a-
voient aucune, notion, ni de la perlpeâive locale
, ni de la perfpeCrive aérienne. A l'égard de
la compofition, ils réufliffoîent bien dans les figures
ifolées, qu’ils difpofoient dans le ftyle de
celles des bas-reliefs ou des ftatues , fans connoî-*
tre cependant l’agencement des grouppes ; aufii
prefque tous leurs fujets font-ils rendus avec froideur.
On n’y voit nulle part cet enthoufiafme ,
q u i, à l’afpeét de plufieurs peintures modernes ,
remue les paffions & excite dans l’ame des im-
preflions fi vives ; il eft furprenant que, dans des
fiècles où la fculpture avoit été portée à un fihaut
degré de perfe&ion, la peinture n’eût pas marché
avec elle d un pas égal ; car quoique ces tableaux paroiffent
être des peintres médiocres de ce tems-là ,
les principes qu'ils ont fuivis répandent beaucoup
de doutes fur les talens des maîtres de leurs écoles.
Peut-être aufii découvrira-t-on par la fuite des
morceaux, plus précieux, qui renverfefont cette
conjecture. Il faut convenir qu’on ne peut pas
exiger une grande perfection dans les tableaux
que nous venons de décrire, plufieurs ayant été
enlevés de defi'us les murs du théâtre & autres
lieux publics d’une petite v ille , où l ’on n’a du
chercher qu’une décoration générale ; les autres
paroiffent avoir été tirés de quelques maifons de
particuliers, qui m’étoient pas affez opulens ou af-
fez curieux pour employer des artiftes du premier
ordre.
Quant aux matières dont on fe fervoit alors
pour peindre, il paroît, en regardant ces tableaux
avec attention, qu’on y a employé toutes fortes
de couleurs , comme nous l’avons dit plus haut,
& que ces couleurs font les mêmes dont on fe
fert aujourd’hui ; cela paroît détruire l’opinion de
quelques modernes , qui prétendent que les anciens
n’ont connu que le blanc de Milet , le jaune
d’Athènes, le rouge de Sinope , & le fimple noir \
on voit à la vérité dans un paffage de Pline que les
peintres de fon tems fè fervoient de ces quatre
couleurs , mais non pas que ce fuffent les feules
dont ils fiffent ufage. Les deffmateurs qu’on a employés
pour les gravures du recueil dont nous
avons parlé , deflinoient avec beaucoup de propreté,
mais ils n’ont rendu que mollement & fans
efprit, les endroits lès mieux reffentis des originaux
; quelquefois auffi ils ont pris la liberté dp
corriger les fautes de perfpeélive qui s’y trou-
voienc, enfortc qu’il ne faut pas précitémer.î juger
des-originaux par .les figures qu’on en pub-w
Mais-dans le pays où il y a y roi t le plus d
•C ç Ç ç ç ij