
5 6 6 _ E S P
que particulier d’exporter l’argent moyennant un
acquit de trois pour cent : cet acquit', en 1768 , a
été porté à quatre pour cent. .
Le commerce de l’Amériquefe faifoit autrefois
par la flotte & les gallions; depuis 1735 & 1737,
il s’eti fait par des vaifleaux de regître, que chaque
négociant pouvoit appareiller , àinfl qu’il le
jugeoit à propos, après en avoir obtenu la per-
xniffion du confeil des Indes. Ges vaifleaux alloient
direèleniënt de Cadix à Lima , de là à Buenos-
AyreS , à Mar'aéaïbo , à Carthage ne , a Honduras,
à Campêche, & à Vera-Cruz. -Le grand nombre
des marchandées Européennes apportées par tous
ces vaifleaux étoit caufe que le profit devenoit
très-médiocre. Enfin l’ancienne manière de faire
le commerce par la flotte 6c les gallions a été
rétabli depuis 1756, & l’Efpagne envoie tous les
ans eriviron quarante vaifleaux dans les provinces
de d’Amérique. Lés deux vaiflèaux royaux appel-
lés A d o g u e s , amènent le vif-argent à Vera- Cruz
pour le compte du roi.
La fociété de commerce établie à Saint Sébaftien,
en 1728, a un privilège exclufif pour négocier
fur les côtes deÇaracos ; les féuls habitans des îles
Canaries ont la permiflion d’y envoyer tous les
ans leur vaifléau de regître, chargé de produ&ions
-du pays-. En 175.6, une autre compagnie de commerce
a reçu du rôi la permiflion de'trafiquer avec
Hifpaniola , Porto-Ricco, Sainte - Marguerite, &
d’envoyer tous les ans dix vaifleaux de regître à
Honduras, .& dans les ports de la province de
Guatimala. Je ne connois rien de plus injufte que
ces fociétés de commerce avec privilège exclufif;
il me femble voir un aflaflin dans un bois, dépouiller
lès paflans le p’iftoletà .la main ; toute ef-
pèee de privilège tend au monopole. La liberté du
commerce fait feul la juftiee & la richeflfe du commerce.
Heureüfement que depuis 1 7 7 8 , une loi
autorife tous les ports d’Efpâgne à faire des expéditions
pour Buenos-Ayres , à ^n faire pour la
mer du fud : au mois d’oélobre de la même année,
-cette liberté a été accordéé pour le refte du -conti-
'nent, excepté pour le Mexique, qui ne doit pas
'tarder à jouir du même avantage.
Les môftnoies qui ont cours en Efpagne , font
le maravedis, qui eft la plus petite ' monnoie de
Caftille, & avec laquelle les marchands font leurs '
calculs, & tiennent leurs livres de comptes : elle
eft de cuivre. Les autres mon noies de cuivre font
XoElava, à deux maravedis ; le quarto , à quatre
maravedis , & le dos quarto s , à huit maravedis.
Dans le commerce ordinaire , on compte par réaux
de vellon. Les monnoies d’argent font le réal de
v e l lo n , Je die% quartos e medïo (proprement un
réal, deux quartos & un demi-maravedis ) , le dos :
:réal de v e llo n , ou réal de p là ta ; dos reales de vellon
y medio p y feta , ou quatre réaux de vellon ; cinço
reales , cinq réaux ; die% real e s , dix réaux ; pefo
g o rd o , valant vingt réaux. Le réal répond à 5 fols
de Fra.ncq. i ' -
E S P
On compte en Efpagne dix-neuf untverfités;
dont voici les noms , avec le tems de leur fondation
: •
Alcala, en . ; . 1517
A Vila . . . . 1445
Grenade . . .1537
Huefca . . . 1354
Lerida . . . 1300
Onnate . . . 1.543
Orihuela . . . .1555
Offline . . . . 1 54p
Oviedo . . . . 1.536
Palencia . . . 1200
Salamanque • • 12OQ
Sarragofle . • .1474
Séville . . '. • • M31
Siguença . • ; • 147*
Tarragone , fous Philippe
II.
Tolède . . • • * 47$
T ortofe . .. 1540
Valence • • 1454
Valladolid . . . 1346
Si les fciences & les arts n’ont pas fait en Efpagne
autant de progrès que dans le refte de
l’Europe, ce n?eft pas faute d’établiffemens, propres
à les encourager. La plupart de ces universités
font plus richement dotées que celles de
France & d’Angleterre : mais quels faVàns peut
produire un pays où il faut demander la permif-
fion de penfer ? Nousrne ferons cependant pas in-
juftes à l’égard de cette nation : quelques reproches
que lui faflent fes voifins, elle n’en eft pas
moins la première qui, dans un flècle où les autres
nations étoient à demi-barbares, ait eu un
roman fatyrique, regardé encore aujourd’hui comme
un chef d’oeii-vre. Dans lemombre dé fes auteurs
dramatiques on diftirigue Lopès' de Véga,
Guillon de Gaftro , Galderon, & Mozè,tto : le
premier ,, fl connu par la fécondiré de fon génie ,
& qui a compofé jufqu’à rftôb pièces. On trouve
chez elle encore quelques poètes , quelques beaux
efprits, mais fi l’on -en excepte don Ulloa , 8c
deux ou trois autres favans, où font fes mathématiciens
, fies phÿficieris, fes naturaliftes, fes hif-
toriens & fes philofophes ?
La même impartialité qui a conduit notre critique
dans les reproches que nous venons de
faire aux Efpagnols, nous force à rendre juftiee
aux moyens que vient d’employer le gouvernement
pour remédier à tant d’abus. Les beaux
jours de ce royaume ne font peut être pas bien
loin d’éclorre ; la philofophie, ians eeffe repouf-
fée , a pénétré enfin dans ce royaume, & a
déjà détruit! une foule de préjugés. La noblefle
affeéle moins "cet orgueil füperbe qui la rendoit
ridicule ; des hommes de mérite , quoique fans
naiffance, ont été appelés aux affaires publiques.
Les campagnes font déjà mieux cultivées ; plu-
fieurs grandes villes ont éiévé des manufaéhires
de foieries. Saint-Ildephonfe donne de très-belles
glaces; Guadalaxara, & d’Efcaray fabriquent des
draps fins & -des écarlates ; Madrid des rubans ,
des chapeaux, des tapifferies ,de la porcelaine.
Toute k Catalogne retentit du bruit de fes fabriques
d’armes & de fes quincailleries. On y fait
aufli des bas, des mouchoirs de foie, des toiles
peintes de coton , des lainages communs , des ga-
Ions 8c des dentelles. On a ouvert des chemins
E S P
magnifiques pour la communication des différentes
provinces; on, creufe des. canaux d’arrofement
& de navigation ; on voit de tous côtés des fabriques
de papier, des imprimeries , & des Sociétés
confacrées aux fciences, & aux arts. Le revenu
national, autrefois fi borné, monte de nos jours
à- 170,000,000 liv., 8 c il s’élèvera bien, plus haut
fans doute, fi le cadaftre auquel oa travaille depuis
1749, eft jamais exeeute. LEfpagné, enfin.,
compte déjà plufieurs favans célébrés dans la phy.fi-
qnië & l’hiftoire naturelle. Encore un effort ; qui
fait alors à quel point peut-s’élever cette fiiperbe
nation !
Mais, entrons dans quelques détails, pour donner
une idée plus précife du caraôère de ce peuple.
Les grands d’Efpagne & les feigneurs. font
dans l’ufage de faire des profufions extraordinaires
.dans les occafions d’éclat. Ennemis des affaires
domeftiques. & des lettres, ils le font également
des voyages & du féjpur de la campagne ;
cette façon de p.enfer n’eft pas feulement fixée à
leur dalle, niais aufli à cel'e. du peuple. Tous, ces
-grands dans leurs, palais, font c.orameN autant de
princes : leurs manières de vivre , leur luxe.,, leurs
équipages , le nombre de leurs domeftiques , tout
a chez eux un air & un ton royal. Quant à l’étiquette
de la cour 8c des grands , elle eft infinie ,
& s’étend même jufqu’à des miffres qui font traitées
avec l’importance qu'011 accorderoit ailleurs
aux chofes les plus graves.
La morgue, défaut général des grands, eft la
même aufli dans Je peuple & les mendians les plus
déguenillés. Un gueux de France .eft tout autre
chofe qu’un gueux Efpagnol : celui-ci, fans quitter
la cape & l’épée , foutient fon indigence avec une
gravité majeftueufe ; il demande avec noblefle ,
il reçoit avec fierté. On fe plaint , avec juftiee,
de la mal- proprété des Efpagnols. Les tables
même les plus opulentes ne font- point à l’abri
de ce reproche; & l’on voit fouvent réuni-, &
tout ce qui peut révolter le goût, & tout ce qui
peut le féduire.
Les femmes Efpagnoles en général ont un coloris
plus que brun , prefque point de couleurs,
des yeux de la plus grande vivacité, & poffèderit
affez les qualités effentielles de 1’efprit & du coeur.
Naturellement prudentes, vives dans leurs discours
, a-ifées dans leurs manières , fenfibles 8c
libérales pour les malheureux ; on les voit coura-
geufes, impérieufes , altières & paffionnées; leurs
maris ont beaucoup perdu de cette jaloufie horrible,
qui les r.endoit ridicules aux yeux des autres
nations. Encore un demi fièclé , & à cet égard
1 Efpagnol fera peut - être au taux du refte de
l’Europe,
Nous ne devons point oublie^ de parler des
combats de taureaux, puifque c’eft principalement
dans ce terrible fpeélacle que fe déploient l’adreflè
& la bravoure de la nation. Autrefois les feigneurs
& les grands du royaume ne dédaignaient pas
E S P 567
d’entrer en lice , & cette fête étoit beaucoup plus
brillante ; mais aujourd’hui, comme il n’y a plus
que des gens, payés pour combattre, on y voit
bien moins de luxe & de magnificence. Le lieu à
Madrid d.eftiné à ce fpedacie eft ujn amphitéâtre
dreffé près de la- ville, & pour les fêtes extraor-:
dinaires dans une place publique où il peut conr'
tenir fix mille perlonnes. Tout autour, en dedans,
eft un parapet fur lequel font des degrés
jùfqu’à une certaine hauteur pour le peuple , 8c
au-deffus font deux rangs de balcons, le tout afi
fiez bien peint. Il n’eft permis qu’aux combat-
tans appelles Torréadors , d’entrer dans l’enceinte.
Le Juge ayant donné l’ordre de lâcher le taureau,
. ce terrible animal s’élance de fa loge-avec fureur ;
(car les taureaux d’Efpagne étant élevés dans les
bois., 8c nourris'd’herbages excellens, font d’une
force 8c d’une férocité extraordinaire.) Pour les
animer davantage , on ne leur donne point à
boire quelques jours avant l’aélion ; alors paroît
un torréador fur un cheval richement enharnaché,
avec fe-pt à huit torréadors a pied Comme
autant de palefreniers. Le cavalier, tenant la lance
en arrêt, fai ne d’abord la perfonne la plus diftin-
guée , & enfuite tout le peuple ; bientôt il attaque
le taureau , & cherche à le bleffer à coups de
lance. L’animal jète de fureur le' feu par les. na-
zeaux pourfuît fon ennemi, 8c prefque toujours
lui tue plufieurs chevaux : le torréador faute lé-?
gèrement fur d’autrès qu’on lui tient tous prêts ,
8c attaque de nouveau l’animal jufqu’à ce qu’il
l’ait bleffè dangereufêment ; alors les torréadors à
pied l’aflaillent de tous côtés ; lorfqu’ils le voient
près de fe jeter fur eux , ils laiffent tomber à
terre, pour le détourner, un manteau rouge, &
fe fauvent à toutes jambes ; ils lui lancent aufli
des dards fort longs auxquels ils attachent des
pétards, ce qui rend le taureau plus terrible : il
court s’accrocher à tout ce qu’il rencontre , ren-
verfe , faccage tout avec une fougue & une vio-?
| lence au-delà de ce qu’on peut s’imaginer. Enfin ?
| le plus hardi des torréadors l’affaille feul avec une
longue épée, & après lui avoir porté plufieurs efto-
cades, en l’évitant toujours avec beaucoup d’adref-
fe, lui enfonce fon poignard dans la nuque du
col ; l’animal tombe 8c le cavalier fé retire au, milieu
de l’applaudiffement du peuple. On enleve le
taureau de l’arène, & on en lâche encore plufieurs
ftiçceflivement que les torréadors attaquent à-peu-
près de même; enfuite commence le combat des
: dogues, contre le taureau. Ceux qui ont vu chez
: nous cette efpèce de combat, ne peuvent s’en for-
1 mer qu’une idée trèsrimparfaite. On remarque dans
1 ces fêtes des traits d’un courage 8c d’une intrépi-
î dite extraordinaires, comme de faifir adroitement
| le taureau par les cornes & de le renverfer par
! terre, de l’attendre aflîs , en prenant tranquille-
; ment, une taffe de chocolat, de le combattre habillé
en femme, & de faire d’autres jeux fembla-
bles que l’on peut payer bien cher fi l’on vient à