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fàifant préférer de tîrer de l’etranger ce qu ils pour-
roient trouver chez eux en abondance. Cet or circule
dans le refte de l'Europe qu’il enrichit, &
l’Efpa»ne (acrifie, pour 1 avoir. plus d un dixième
de (es habitans. A ces caufes, je pourrois en ajouter
quelques-unes encore , qui ne regardent pas
plus l’Efpagne que les autres royaumes de l'Europe,
telles que le peu de moyens qu’emploie le
gouvernement pour encourager la population, le
luxe énorme qui reftreint le nombre des enfans
qu’on veut avoir, les guerres continuelles, tantôt
directes, tantôt auxiliaires; le célibat des troupes
(chofe inconnue chez les Romains), & les loix
pénales qui s’abreuvent de fang, &c. &c. &c.
On compte dans ce royaume 139 vdles proprement
dites (- d u d a d e s ) , & un grand nombre
de bourgs ( v i l l a s ) , parmi lefquels il y en a quantité
qui font plus grands & plus remarquables que
beaucoup de villes. En 1757, on a compté dans
toute l’Efpagne & les îles Canaries cent dix-fept
églifes cathédrales, cinq mille deux cent trois fer-
viteurs laïques, dix - neuf mille fix cent quatre-
vingt-trois paroifîes, & foixante - trois mille cent
foixante fix ferviteurs laïques, foixante-neuf mille
fix cent foixante-quatre moines & ferviteurs laïques
dans les couvens de moines; trente-buit mille qua-
tre-vingt-neuf religieufes & leurs-Servantes ; deux
cent quatre - vingt - quatorze collèges ; neuf mille
cinq cent trente-une collégiales ; mille neuf cent
douze hôpitaux, & huit mille cinq cent treize ferviteurs
; dans le royaume feulement, fept mille
trois cent quarante - fept maifons de pauvres de
toute efpèce; vingt-huit mille neuf cent cinquante
auberges & maifons de campagne , & un million
neuf cent quatre-vingt-fept mille huit cent-
onze familles : mais il s’en faut bien Cjue je m’en
rapporte à ce dénombrement du cierge Efpagnol;
je neferois pas le feul d’ailleurs qui le mît beaucoup
au-deffous de la vérité. Le nombre des religieux
& des religieufes monte à plus de cent trente
niille, fans parler du clergé féculier,des prieurs,
abbés , chapelains, chanoines , chantres, hommes
attachés à l’églife ,_&c. & des jeunes gens qui fe
trouvent dans tous les féminaires deftinés à la prê-
trife, ce qui met le clergé, relativement au refte
de la population, dans le rapport d’un à trente:
proportion funefte dans 1 ordre politique , & qui
fera toujours une des premières caufes de la langueur
de cette monarchie.
D’après un auteur Efpagnol, un écrivain François
vient de montrer que le nombre des écclé-
fiaftiquês, des religieux, des religieufes & des per-
fonnes attachées à leurs maifons , monte à environ
cent quatre-vingt mille , 8l il n’y a que quatre-
vingt-quatre mille quatre cent cinquante-neuf lieux
habités dans tout le royaume. Il eft très-commun
d’y trouver des bourgs ( v illa s ) qui n’ont que
quinze à fieize cents habitans, & d’autres beaucoup
moins.
On compte dans le royaume d’Efpagne les ar-
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chevêchés & les évêchés fui vans :
L'archevêque de T o lèd e , qui eft primat d Elpagne »
chancelier de Caftille, & confeiller d état né ; il
a huit fuftragans, qui font les évêques de Cordoue%
de C u en ça , de Siguen^a , de J a ë n , de S ég o v ie , de
Carthagène, d 'O fm a & de V a lla d o l id , & celui du
titre de S aint-Jacqu es,
U archevêque de Séville , qui a pour fuftragans
les évêques de M alaga , de C a d i x , des îles Canaries
, & de Ceuta en Afrique.
U archevêque de Grenade , qui a pour fuftragans
G u a d ix & Alméria.
L ’ archevêque de S a n -Ja g o , ou Saint-Jacques de
Compoftelle a treize fuftragans, favoir, les évêques
de Salamanque, de Tuy, d 'A v i la , de Coria ,
de P la c e n c ia , de Badajo£, d 'A flo r g a , de Zamora ,
d 'O r en fe , de Mondonedo 3 de Lugo , de Ciudad R o drigo,
ce c
L*archevêque de Burgos, dont les fuftragans font
les évêques de Pampelunc, dQ. Calahorra , P a len tia ,
& de S a n t -A n d e r , ou Sa in t-A n d r é ,
L ’ archevêque de T aragona, qui a pour fuftragans
les évêques de B a r c e lo n e , de T o r to fe , de L en d a ,
de V i c h , ou V iq u e , d 'J/rgel, de G ir o n a , de So lfon at
& de Perpignan en France.
U archevêque de Saragojfe a fix fuftragans , favoir*
H u e fca , Tarafona.9 Albara^in 9 X a c a 3 Ba lbaJlro9
& T cruel.
L'archevêque de Valence enfin , a pour fuftragans
les évêques de Ség orve, d 'O r thu ela 9 & de M a l lo -
rea , ou M a y or que.
Outre cela, les évêchés de Leon & d'Oviedo relèvent
immédiatement du pape , mais font fous
Compoftelle.
L’évêché d 'E ln a relève de l’archevêque de Nar-i
bonne, & l’évêque de l’ordre de Saint - Jacques,
S a n t -J a g o , n’eft que titulaire.
Tous ces évêchés & archevêchés font très-riches,
& perçoivent la partie là plus claire & la
plus forte des revenus de l’état. En Amérique on
trouve fept archevêchés & trente - un évêchés Efpagnols.
'
L’Efpagne poffède encore les couvens fuivans:
Les cinq ordres de chevalerie en
ont quatorze d’hommes & vingt de
femmes, c i ...........................* •
Les Bénédiélins, Bernardins, Chartreux,
Hyéronimites & Bafiliens,. . 204—114
Les feize ordres mendians, . . • 1650—858
Les feize congrégations régulières,.. 278— 3 3
fnivonfA-Total. trois mille cent foixante-tnlAenurf , dflfoinnlt' dflPeHuYx
mille cent quarante-fix pour les hommes, & mille
vingt-trois pour les femmes.
Le roi nomme tous les archevêques & évêques,’
qui font confirmés par le pape. Par le concordat
rait en 1753, le pape accorda au roi dEfpagne le
droit de nommer à tous les bénéfices mineurs , ce
qui fit ceffer les dépenfes ©ccafionnées par les^voya-
ges en cour de Rome , & affermit 1 autorité du
roi fur le clergé» Sa Majefté peut aufiï, fuivanc
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ks cîrcônftancés, impofer, de fon propre mouvement
, les bénéfices eccléfiaftiques ; ces importans
objets ont été négociés par le marquis d’Enfenada.
Par un traité conclu avec la cour de Rome, en
1737, le clergé eft obligé de payer toutes les im-
^olitions royales pour les biens acquis depuis cette
époque. Par un édit du roi Charles III, de l’année
1761, adreffé à l’inquifiteur générai, il eft défendu
à tous archevêques, évêques & prélats, de
recevoir, publier & exécuter bulles, brefs., ni
referipts de la cour de Rome , foit qu’ils foient
adreffés à des perfonnes privées, à des tribunaux,
ou à des magiftrats, à moins qu’ils n’aient auparavant
été fournis à l’examen de Sa Majefté. Lorf-
que le nonce du pape reçoit de pareilles expéditions
, il eft obligé de les faire mettre fous les yeux
du roi par le fecrétaire d’état, après quoi le confeil
de Caftille examine fi elles peuvent être exécutées
fans porter préjudice aux loix, aux droits du roi,
à ceiuc de la nation , & à la tranquillité publique.
Il fut en même tems enjoint à l’inquifiteur général
d’examiner de nouveau les livres défendus
par la cour de Rome, d’écouter les défenfes des
parties intéreffées , & de protéger, de fa propre autorité,
& fans préjudice des brefs du pape, les
^ouvrages qui lui en paraîtraient dignes. On voit
par ce que nous venons de dire, combien, dans
ce fiècle d’ignorance & de barbarie, la cour de
Rome avoit ufurpé fur les droits des nations ! En
effet, n’eft-il pas bien inconcevable qu’un peuple
foit afiujetti de là forte à un autre peuple, & qu’un
roi ne puiffe faire la moindre réforme dans le
clergé de fon royaume , fans là permiflion du
fouverain «de Rome ? Mais il eft arrivé enfin le
fiècle de lumière, ou chaque puiffance calcule fes
droits ! La nation Efpagnole a fait un pas que
l’on ne devoir pas plus attendre de fa philofophie
que de fa lenteur. L’empereur, par un plan aufii
•fagement conçu qu’exécuté fermement, vient d’étonner
Rome & les autres nations ! Il faut efpé-
rer que la France fe laffera d’échanger fon or contre
des bulles & des indulgences !
La feule religion profeflee en Efpagrie eft la Catholique
- Romaine, excepté à Gibraltar, que les
Anglais poffèdent depuis 1704 , & où ils ont
établi la religion proteftante. Si l’on jugeoit de
la piété des Efpagnols par les tréfors & la ri-
chéffe de leurs églifes , il faudroit convenir qu’il
n’exifte nulle part de peuple plus chrétien qu’eux
^ ^es Portugais. C’eft une profufion, un luxe au-
delà même de ce qu’on peut imaginer. On ne voit
de tous côtés , que des lampes, des vafes , des
chandeliers d’or & d’argent, des grilles, des ba-
Juftrades , des châffes de ces précieux métaux; partout
on trouve les bois les plus rares; par-tout
brillent les marbres les plus beaux, les diamans
& les pierreries. Il faut avoir.lame bien détachée
de toutes les vanités mondaines, pour ne pas être
àin peu diftrait, au pied du fanétuaire même, à
l’afpeâ: de tant de richeffes. Quant à l’archite&ure,
P?ographie,. Tome /. Par tie I I „
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quoique les marbres foient prodigués , il n’y a
peut-être pas un morceau qu’on puiffe citer comme
un modèle : mais fi on n’y voit point ces beautés
males & hardies , qui decèlent le génie d’un ar-
chiteâe & le goût d’une nation , il y règne je ne
fais quel air de coquetterie dans les ornemens 8c
dans la parure, qui fympatife bien peu avec cette
impofante majefté qu’on voudroit dans les temples-
On ne citera pas^ comme un point qui touche à-
la religion, la coutume dés Efpagnols de manger
de la viande les vendredis & fame*dis, pourvu que
ce foit les inteftins ou les extrémités de l’animal.
On ne parlera pas non plus de leur légende, quoi-
quelle foit chargée d’un grand nombre de béatifiés
qui ne font pas reconnus en France, dont la
plupart font fort fufpeéls en Italie même où on
les a faits, & en Efpagne où on les révère: mais on
fera furpris que cette nation ait plus produit de
faints à elle feule , que l’Italie , l’Angleterre Scia
France. Il n’eft guère d’ordre puiffant qui ne
foit dans l’habitude de faire canonifer de tems-
en-tems un de fes membres. Cette coutume avoit
paffe aufii dans nos couvens français, mais grâce
à l’inconftance nationale, il n’en eft plus queftion
depuis long-tems. On aime' mieux fuppofer qu’ils
emploient leurs immenfes richeffes à foulager les
malheureux, à fonder des établiffemens patriotiques
, a foutenir les defeendans obfcurs de ces anciennes
familles qui fe font dépouillées pour eux,
que de penfer que cet argent fe diflipe dans ua
luxe ridicule & afcétique,. ou qu’il fort du royaume
, pour nourrir le fafte d’une puiffance étrangère
!
C’eft ici le lieu de parler de l’inquifition ; en
rapportant l’hiftoire de ce barbare tribunal , on ne
pourroit que répéter ce que l’on en a dit dans des
milliers de volumes ; on citeroit des horreurs ,
des abominations , des crimes horribles commis
fous le voile refpeâable de la religion ; on prouverait
une avarice & un brigandage facré , qui
rie refpeâoit ni les larmes' ni le fang des malheureux
! Cette congrégation fi cruelle, fi intolérante,
fut inffituée contre les Albigeois par le pape Innocent
III, vers l’an 1200. Ses fucceffeurs n’ou?
blièrent pas dq^ protéger un tribunal, bien moins
propre à faire aimer la religion, qu’à affermir les
pas ambitieux des pontifes vers la puiffance temporelle
!
O11 créa un grand Inquifiteur, appellé le Com-
mijffaire de C In q u ifit io n , avec quelques Domini--
;cains , & on ajouta dans la fuite un prélat féculier
qui a le titre d'ajjejfeur. Bientôt cette inftitution de
fang fe répandit dans toute l’Italié, l’Efpagne 8c
le Portugal. Les papes voulurent aufii l’introduire
en France & en Angleterre , mais le peuple .& les
•parlemens s’y font toujours oppofés. Dans les premiers
tems de l’églife, on fe contentoit de feparer
de la communion des fidèles ceux qui perfiftoient
dans leur obftination. On employoit la douceur, la
raifbn pour les ramener de l’erreur ; mais dans le
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