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gjeules font éteintes: les Catholiques, en plaignant
l’aveuglement des Proteftans, vivent en
paix avec eux , & quelquefois le même temple
fort à des cultes différées.
Le Corps germanique eft compofé de pièces de
rapport qui doivent en affbiblir la conftittirion parla
difficulté d’en entretenir l ’harmonie. Il ferait
difficile de décider quelle eft fa ponftitution politique
, tant elle varie dans les différens états qui
le compofent. Ici la puiffance fouveraine cil héréditaire,
là elle eft éleélive. Dans certains états
le pouvoir du prince eft abfolu, dans d’autres il
eft limité par des capitulations & par la loi. Les
villes libres ont un fènat compofé des principaux
citoyens, & l’éleftion en eft confiée aux fénateurs
mêmes : le gouvernement y eft ariftocratique ; dans
d’autres ce font les tribus qui élifent les fénateurs
qui peuvent abfoudre ou flétrir de leurs cenfures :
c ’eft une véritable démocratie.
Le gouvernement de l’Allemagne ne peut être regardé
comme ariftocratique. Un pareil gouverne*-
ruent fuppofe un fénat fixe & permanent, dont l’autorité
fouveraine délibéré fans oppofition fur tout
ce qui concerne la république, 8( qui confie à des
officiers fubalternes & à des magiftrats l’exécution
de fies ordres & de fies délibérations. La chambre de
Spire & le confieil antique, ne font qu’une image
imparfaite de ce fénat fouverain : on n’y porte
que les affaires par appel ; ainfi ce tribunal relierait
fans fon&ions, fi les parties jugées étoient fa-
tisfaites du premier arrêt. Les diètes ne doivent
point être regardées comme un fénat permanent
& abfolu , quoique tout s’y décide. à la pluralité
des voix. L ’Angleterre & la Suède ont leurs parle-
mens, où les affaires font réglées par les fuffrages
des députés des provinces, fans que le gouvernement
prenne le nom à’ariftocratie. Les biens de
chaque fenateur, dans l’ariftocratie, dépendent ab-
folnment des loix & du fénat qui peut en prendre
une portion pour les befoins de l’état. En Allemagne
, tous les états enfemble n’ont point de droit
iù i les biens des particuliers.
On a fouvent agité fi l’Allemagne pouvoit être
mife dans la claffe des monarchies. La queftion ne
peut fe décider qu’en en diftinguant de deux efpè-
ces. Dans les unes, le monarque eft abfolu, &
dans les autres fon pouvoir eft limité par la loi. Il
eft certain que l’exercice de la puiflànce impériale
eft réglé par des capitulations, & que l’empereur
n ’a pas plus de pouvoir fur les princes, qu’un canton
Suiffe n’en a fur les autres. Les titres faftueux
dont il fe pare , font des fbns fans idé e, des fan- i
tomes fans réalité. Les états, en lui prêtant ferment
de fidélité, fe réfervent leur indépendance & leurs'
privilèges : & dans la capitulation que l'empereur
jure d’obferver, les éleéleurs lui preferivent ce
qu’il doit faire , & fe réfervent le droit de le dépo-
fier s’il viole fes en^agemens.
La puiffance impériale eft beaucoup moins étendue
que dans les monarchies où la puiffance du
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monarque eft reftreinte par la loi. Dans celles-ci;
les premiers de l ’état lui doivent compte de leurs
a&ions, & il ne peut être cité à aucun tribunal ; il
lève des tributs & des armées ; & par la raifon ou
fous le prétexte du bien public, il peut foumettre
la fortune de fes fujets à fes volontés pour foute-
rtir des guerres jiiftes ou d’ambition. L’empereur
d’All emagne ne jouit point d’un pouvoir auffi étendu
: fes intérêts font abfolument diftingués de ceux
des états : les princes qui compofent le corps germanique,
font des alliances avec les autres puillances,
fans fa participation ; & lorfqu’ils fe croient léfés,
ils lui déclarent la guerre. I l y a encore une autre
différence dans lës prérogatives des empereurs &
des rois. Un monarque peut difpofer des forces dé
l’état ; il eft général né de fes armées ; il en dirige,
à fon g ré , les opérations ; il eft l’ame & l ’efprit
qui font mouvoir tout le corps ! L’empereur, quoique
chef d’une nation nombreufe, n’a pas Je même
privilège ; c’eft avec fes propres revenus qu’il fou-
tient 1 éclat de fa dignité : il n’y a point- de tréfor
public ; les états ne lui entretiennent point d’armées;
chaque prince difpofe à fon gré de-fes troupes &
du revenu de fa fouveraineté. Lorfqu’il eft preffé
par des guerres, il eft obligé de mendier des fe-
coHrs d’hommes & d’argent, que fouvent on lui
refufe ou qu’on lui fournit avec épargne. Il eft une
autre efpèce de fervitude qui le met au-deffous des
rois. Une ancienne coutume, confirmée par la bulle
d’O r j affujétiffoit l ’empereur, dans de certains
cas , à comparaître devant lé comte Palatin , pour
rendre compte de fes aélions. Les trois èleéleurs
eccléfiaftiques citèrent Albert I à ce tribunal, mais
il étoit trop puiffant pour obéir ; & au lieu de ré-
. pondre, il prit les armes contre fes accufateurs ;
c’eft le fieul exemple que l’hiftoire nous fourniffe de
l’exercice de cette loi.
Quelques écrivains Allemands ont prétendu,
mais vainement, que leur gouvernement étoit populaire,
& qu’eux feuls juoiffoient du droit de citoyen
, qui confifte à être admis dans les délibérations
, & à donner fa voix dans les affaires publiques.
Bref, la conftitution de l’Allemagne ne peut
être claffée avec aucune de celles qui exiftent dans
le monde. La fouveraineté qui y eft divifée procure
une meilleure adminiftration, & la confédération
des fouverainetés, fous un chef, y forme un corps,
un état puiffant & redoutable. D ’ailleurs, la multitude
des villes libres ou républiques difféminées
dans l’étendue de l’empire , y prévient l’abus de
l’autorité dans les petites monarchies qui le partagent
, par la facilite que le citoyen trouve à y aller
exercer fon induftrie, à y jouir du fruit de fes travaux
, fi le defpote appefantit le joug à un degré
qui lui devienne infupportable.
On peut juger des forces de l’Allemagne par le
nombre de fes villes, de fes bourgs & de fes villages,
où l’on voit par-tout briller l’induftrie commerçante.
Une nobleffe riche & magnifique y répand
l’abondance. Les guerres dont elle a toujours
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étô agitée , ont enlevé beaucoup de cultivateurs à
l i terre : le goût décidé des Allemands pour les
art’ mécaniques les éloigne des travaux champêtres
; & dès qu’ils font allez fortunés pour apprendre
un métier, Us quittent leurs villages, & fe retirent
dans les villes dont la molleffe énerve leur
vigueur naturelle t on compte dans les neuf cercles
dix-neuf cent cinquante-fept villes & bourgs, fans
y comprendre la Bohème, oh 1 on trouve deux cent
deux villes , trois cent huit bourgs & trente mille
trois cent foixante-trois petits villages. Quoique
l’Allemagne s’étende depuis le pay?de Liège juf-
qu’aux frontières de la Pologne, ot depuis le Hulf-
tein jufqu’aux extrémités du T ir o l, U n y a point
de contrée qui ne fourniffe des fubfiflances fuffifan-
tes à fes habitans. La culture des terres qui s’y per-
feâionne chaque jour, en augmente ia richede &
la beauté. Le fol y donne du froment, du feigle,
du maïs ou bled de turquie, de l’o rg e , de l'avoine
, des ppis, fè v e s , lentilles, millet, bled
farrazin. On cultive du riz en Moravie, 8c l’en en
fait un eflai dans les états de Saxe. On y recueille
auffi de la manne, du chanvre, du lin, du houblon,
de l’anis , de la régliffe , du tabac, de la garance
, du fafran, des trafes, des pommes de terre,
& de l’hortolage. On y trouve auffi des olives, des
figues, des châtaignes, des oranges, citrons, limons
, 8c autres fruits ordinaires de France 8c d’Italie.
L’Allemagne a des vins excellens. Les meilleurs
croiffent dans le cercle du bas Rhin, favoir
les vins du Rhin 8ç les vins de Mofelle. L’Autriche
en a auffi de très-bons. L’entretien des abeilles y
ell un objet confidérable : elle nourrit une immenfe
quantité de boeufs, vaches, chèvres, moutons 8c
cochons. Les contrées feptentrionales fourniffent
une grande quantité de fromage 8c de beurre de la
meilleure qualité. La volaille y abonde. On y
rencontre des.cicognes, des oies 8c des canards
fauvages , des faifans, des coqs de bruyères , des
gélinotes , bécaffes, alouettes, grives, ortolans,
cailles, perdrix, & autres oifeaux , des faucons &
autres efpèces d’oileaux de proie. On y a du cerf,
du chevreuil, du fanglier, des lièvres, des lapins,
du daim dans les parties méridionales. Il y a auffi
des ours , des loups , des loups-cerviers , renards ,
chars fauvages, martres , blaireaux, mulots , caf-
tors ; 8c la quantité innombrable des fleuves, rivières
, lacs 8c étangs, y donne en abondance de
beau poiffon : on y prend de l’efturgeon , du fau-
mon , du brochet, de la carpe , de la truite , de la
lamproie , de la perche , de la tanche , de la mu-
renne , de la lote , de l’anguille, des écrevifl’es ;
fans faire mention des poiffons de mer.
L’Allemagne a des carrières de marbre, d’albâtre,
d’ardoife, de pierre de taille. On y trouve de l’agate,
du jafpe, lapis-lazuli, du criftal, de la terre de
porcelaine , des perles 8c des pierres précieufes.
On en tire de l’alun , du v itriol, du falpêtre , du
fel de roche , du fel de fontaines, du charbon de
pierre, du fon fje, de la cire , du vif-argent, du
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cinabre , de la mine de plomb, de l'antimoine, de
l’arfenic: enfin du fe r , de l’acier, du cuivre, du
plomb, de l’étain , de l’argent, & quelque peu
d’or. Il s’y trouve beaucoup de fources minérales :
elle exporte des bois pour la marine; on y fabrique
des canons , des fourneaux & plaques de fer , des
boulets, bombes, grenades, du fer-blanc, du fil
de fe r , de la porcelaine.
L’exportation de fes denrées excede l’importation.
C ’eft Fin traduction du luxe qui leur a fait uh
befoin des vins de France & d’Efpagne , des draps
étrangers dont ils ont la matière première. Les
bords du Rhin font couverts de mûriers , qui donnent
la facilité de nourrir des vers à foie. Plufieurs
v ille s , (ffituées fur le Mein & la mer Baltique, fa-
voriferit les importations, dont les progrès font
arrêtés par des impofitions accablantes. C ’eft de là
que plufieurs nations tirent le fer travaille, le
plomb , le vif-argent, du bled, de la laine , des
draps greffiers, des ferges, des toiles de lin, des chevaux
& des moutons. La puiffance de l’Allemagne
eft toute renfermée en elle-même ; elle n’a point,
comme les autres royaumes, des poffeffions dans
des terres étrangères ; c’eft ce qui donne des entraves
à fon commerce, & ce qui rend l’argent
plus rare ; cette difette d’efpèces eft encore occa-
fionnée par le goût de la jeuneffe allemande, pour*
les voyages : ils vivent pauvres chez eux peur
figurer avec éclat chez l’étranger, où ils perdent la
fimplicité de leurs moeurs. Dans les autres royaumes
, les capitales engloutiffent tout l’or des p rovinces
; en Allemagne , il y a plus d’économie
dans la diftribution des richeffes ; & cette égalité
qui lui donne moins d’éclat, eft ce qui entretient
fon embompoint.
La puiffance d’un état eft relative à celle de fes
voifins. L’Allemagne , contiguë à la Turquie d’Europe
, a pour remparts , la Stirie , la Hongrie & la
Croatie. Les Ottomans , confidérables par leur
nombre , ne font point des ennemis dangereux :
peu aguerris & mal difeiplinés , ils n’ont que l’im-
pétuoüté de courage qui s’éteint à mefure qu’ils
pénètrent dans les pays froids. La flérilité de la
Servie & de la Bulgarie, leur refufe les fubfiftances
néceffaires à de nombrenfes armées. Ils ont eu
quelques fuccès dans plufieurs guerres , on doit les
attribuer au mépris qu’ils infpiroient : l’Allemagne
ne leur a jamais oppofé que le quart de fes forces,
& c’étoit des troupes de rebut mal payées & mal
difeiplinées. La terreur qu’infpiroit le nom T u r c ,
étoit un effet de la politique Autrichienne, qui
exagérait leurs forces pour tirer de plus fortes contributions
: la religion a encore .contribué à nourrir
ce préjugé; les prêtres & les moines ont tonné
dans la tribune lacrée, pour armer l’Europe contre
ces peuples infidèles. L’Allemagne a’a rien à
redouter de lltalie gouvernée par différens princes
oui ne peuvent porter la guerre au - dehors. La
Pologne», démembrée de nos jours , ne figure
plus parmi les puiffances de l ’Europe. Elle n’a ni