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états de Bourgogne, la grande maîtrife de Tordre
de la Toifon. Le roi Philippe II abandonna, peu
avant fa mort, ( en 1598) les Pays-Bas à fa fille,
époufe de l’archiduc Albert ; il réferva exprèffé-
jnent que ni elle ni fon mari ne s'arrogeraient
cet ordre , dont la fuprématie lui appartiendroit
exdufiyement, ainfi qu’à fes fucceffeurs au trône
dEfpagne. Au commencement de ce fiècle, le
irône d’Efpagne fut difputé entre Philippe d’Anjou
& Charles d’Autriche ; tous les deux prétendirent
à la grande maîtrife de Tordre de la Toi-
■*Pn ’ & Charles devenu empereur fous le nom
de Charles VI, quoiqu’il renonçât, par le traité
de Vienne^ (1725) à la couronne d’Eipagne, con-
lerva neanmoins une partie des Pays-Bas , & continua
de créer des chevaliers de la Toifon d’or.
Son héritière, Marie-Thérèfe fa fille , le conféra
à fon mari François Ie‘ , au moyen de quo* cet ordre
eft commun aujourd’hui ambrais d’Efpagne &
a la maifon d’Autriche. La Toifon a pour légende
ces paroles : autre tl aurai, Charles V permit aux
chevaliers de la porter au bout d’un ruban d’or
©u ponceau: elle étoitauparavant attachée à une
chaîne d or incruflée alternativement d’acier &
de pierres à fufil.
• fl0' ^ ’ordre de Saint Jacques de Compoftelle,
inflitué en 1170 par Ferdinand II roi de Léon: il
a pris pour marque une croix rouge en forme
d epée ; & les chevaliers obfervent la règle de Saint
Auguftin. Cet ordre a cinq dignités , favoir , deux
prieurs & trois grands-commandeurs , dont le revenu
annuel monte à 158,077 réaux de vellon. Les
commanderies font divifées en trois langues, favoir
^ Caftille, Leon & Aragon. A la première appartiennent
43 commanderies , à la fécondé 3 5 &
à la troifième 7 : on eftime le total de leur revenu
au-delà de 1,926,547 réaux de vellon.L’ordre a,
outre cela, quatre couvens de moines , fept consens
de religieufes, & deux prieurés.
3 • L ordre de Calatrava, qui a pour marque
une croix rouge, prit nai fiance fous le règne du
Toi de Cafiille, Sar.cîius IIL Cet ordre a fix dignités
, parmi lefquelles la première eft celle de grand-
commandeur , dont le revenu annuel eft de 111,576
reaux de vellon ; cinquante-deux commanderies
dont le produit annuel eft eftimé à 1,073,509
réaux ; deux couvens. de moines, trois de religieufes
, & treize prieurés. Les cheyaliers fuivent
la règle de Saint Benoît.
4 . L ordre d Alcantara, qui a pour marque une
croix en forme de lys, fut inftitue fous le règne
du roi de Léon, FerdinandII, & étoit nommé
originairement S a n -J u lia n âel P e r ey r o ; il fuit la
réglé de Saint B e n o it ', a cinq dignités qui rapportent
par an 294,369 réaux , trente-cinq comman-.
deri.es eftiméesa 816,459 réaux de revenu annuel,
Beux couvens de moines , deux de religieufes-, &
. deux prieurés^
La grande maîtrife de ces trois à la. couronne par Ferdinand leo rdCraetsh foulitq ruéeu neien
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Tannée 1494. Le prince érigea, eh 1489 , le con?
feil royal des ordres , partagé en deux chambres ',
lune pour Tordre de Saint Jacques, l’autre pour
les deux ordres de Calatrava , & d’Alcantara. Ce
confeil connoît de toutes les affaires qui concernent
ces trois ordres.
50. L’ordre de Monteza a cinq dignités , quinze
commanderies , dont le revenu annuel monte à
233,934. réaux de vellon, deux couvens d’hommes
, & fept prieurés. Cet ordre fut établi à Monteza
, ville du royaume de Valence, par Jacques II
J roi d’Aragon, en 1317, dans le tems de la def-
truélion des Templiers. Les chevaliers portent une
croix de gueules fur Teftomac..
6°. L’ordre de Saint Jean de Jérufalem a en
Efpagne neuf dignités , dont le rapport annuel eft
de 1,169,452 réaux de vellon , cent treize commanderies
& prieurés , dont le revenu eft eftimé à
2,225,971 réaux $ cinq couvens de moines , &
huit couvens de religieufes.
7°* L’ordre de Charles III a été inftitué par le'
roi régnant le 19 feptembre 1771. 11 en eft le
grand-maître. Les chevaliers grand - croix font au-
nombre de foixante, & les chevaliers penfionftés ,
de deux cents.
La langue Efpagnolê eft compofée, comme
d’Italien & le Français, des débris des langues de
toutes les nations anciennes & modernes ; & dans
beaucoup d§ mots , ainfi que dans la prononciation
, de la langue Arabe.
Lorfque les Carthaginois & les Celtibériens
qui habitoient TEfpagne, eurent été fubjugués par'
les Romains, leur mélange avec les Colonies de
ce dernier peuple, & le befoin continuel de s'entendre
, les mirent dans la néceftîté de parler peu-
à-peu la langue des vainqueurs. Ils y introdui-
firent bientôt une foule d’expreflions & de tours •
de phrafe de leur ancien langage. Les barbares qui
démembrèrent l’empire Romain, & qui s’emparèrent
pendant trois cents ans de ce royaume
contribuèrent de nouveau à corrompre la langue
j latine.: enfin les Maures s’étant rendu maîtres de:
la plus grande partie de TEfpagne , enrichirent la
langue-Efpagnolê d’un grand nombre de mots Arabes,
& lui donnèrent une certaine harmonie qu’elle
n’avoitpas. On peut dire qu’elle eft douce, énergique
, majeftueufe, & faite particulièrement pour
peindre les fujets fublimes. Elle abonde en termes
propres à exprimer les idées les plus abftraites , &
les différemés fenfations de famé. La.langue Portugaise
eft' un de fes dialeéles ; mais le plus eftimé
eft le dialeéïe Caftillan , qui fe polit de plus en plus
par l'académie inftituée à Madrid,, en 1713, furie
modèle de l’académie Françaife.
Les Efpagnols font en général fobres , graves ,"
même dans les bagatelles, bons foldats , fujets fidèles
, lents à délibérer,. fermes dans leurs réfolu-
tions & patiens dans le malheur ; ils ont Tefprit
. pénétrant & profond, mais ils font indolens, pa-
reffeux,, & mettent plus de courage à fupporte*'
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la pauvreté qu’il ne leur en faudroit pour ne point
la crairîdre. La chaleur du climat contribue beaucoup
à leur infpire r'4 c e tte honteufe ap a th ie : les
Français mêmes les plus agiffans contractent -le
même défaut après quelques années Si. s accoutument
facilement à cette oifive gravité , qui fait le
caraôère diftinétif de l ’E fp a g n o l. Leur zèle outré
pour la religion eft extrême, & devient ^ fou vent
minutieux ; car là, comme ailleurs , o n s é ch au ffe
plus pour des mifères que pour des dogmes effen-
tiels. - | * ' . • ' *i
L’Efpagnol a de l’aptitude pour les fciences, il
a beaucoup de livres, & cependant, ceft peut-
être la nation la plus ignorante de l’Europe.
. Que peut-on efpérer d’un peuple qui attend d un
. moine la liberté de lire & de penfer ? Le livre
d’un Proteftant eft profcrit de droit, qu’importe de
quelle matière il traite , parce que Fauteur eft Proteftant
! Tout ouvrage étranger eft arrêté ; on lui
fait fon procès, il eft jugé ; s il eft plat & ridicule,
. comme il ne doit gâter que Tefprit, on le laiffe
. entrer dans le royaume,' & on peut débiter cette
efpèce de poifon littéraire par-tout: fi,ail contraire,
c’eft un ouvrage favant, hardi, pènfé, il eft brûlé
comme attentatoire à la religion , aux moeurs &
au bien de l’état : un livre imprimé en Efpagne
fubit régulièrement fix cenfures avant de pouvoir
. paroître au jour, & c’eft un miférable Cordelier,
c’eft un barbare Dominicain qui doit permettre à
un homme de lettres d’avoir du génie f S’il fe détermine
à faire imprimer fon ouvrage chez l’étranger
, il lui faut pour cela une permiflion très-difficile
à obtenir, encore n’eft-il peint du tout à l’abri
de la perfécution lorfque le livre vient à paroître !
Aujourd’hui le Danemarck, la Suède , la Ruffie ,
. la Pologne-même, l’Allemagne, l’Italie , l’Angleterre
& la France, tous ces peuples, ennemis,
amis, rivaux , tous brillent d’une généreufe émulation
pour le progrès des fciences & des arts !
Chacun médite des conquêtes qu’il doit partager
. avec les autres nations ; chacun d’eux , jufqu’ici, a
fait quelque découverte utile, qui a tourné au
profit de l'humanité '. Mais que doit-on à TEfpagne ?
Et depuis deuxfiècles , depuis quatre, depuis dix,
, qu’a-t-elle fait pour l’Europe ? Elle reffemble aujourd’hui
à ces colonies faibles & malheureufes,
qui ont befoin fans ceffe du bras prote&eur de la
; métropole : il nous faut l’aider de nos arts, de nos
. découvertes ; encore reffemble-1-elle à ces malades
(défefpérés qui, ne fentant. point leur mal, repouffent
le bras qui leur apporte la vie I Cependant,
s’il faut une crife politique pour la fortir de cette
honteufe léthargie, qu’attend - elle encore? Les
. arts font éteints chez elle ; les fciences, le commerce'.
Elle a befoin de nos artiftes dans fes manufactures
! Les favans font obligés de s’inftruire
. en cachette avec nos livres î Elle manque de mathématiciens
, de phyficiens, d’aftronomes , de na-
turaliftes ! Sans le fecours des autres nations elle
n’a rien de ce qu’il lui faudroit pour faire un fiège.
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Elle doit aux étrangers la conftméfion de fes vaif-
feaux 1 On voit à fes défaites fon ignorance dans
la marin ej, dans tout enfin, ce peuple enfant a
befoin d’acquérir encore. Dans les ouvrages publics
, dans les canaux à creufer , tels que celui
de Mu'rcie, dans l’exploitation des mines, il liü
faut par-tout des artiftes étrangers ,.tant eft grande
la difette d’ouvriers , même pour les métiers les
plus néceffaires 1 On a à la vérité établi depuis
quelques tems, diverfes manufactures & fabriques,
ou Ton travaille particulièrement des foies, des
laines, de l’or & de l’argent ; en Catalogne 8c
en Aragon on a des manufactures de coton ; près
-de la ville de Ronda, dans TAndalôufie, eft une
ferblanterie ; dans plufieurs autres endroits on
fabrique des armes , on coule du canon, &c. r
mais ce peu d’établiffemens ne fuffît point aux
befoins de l’état. D’ailleurs, par un trait d’ignorance
de la part du gouvernement-, les vivres,
les matières crues & 4 travaillées font tellement
furchargés d’impôts, que l’ouvrier ne trouve nui
gain à travailler, & que le confommateur gagne
à tirer fes marchandifes & fes denrées de l’etranger.
Ces objets coûtent à TEfpagne , par an ,
quinze millions de piaftres, favoir, cinq en marchandifes
& denrées? comme laines, huile, vins,
raifins de caiffe, &c. ; & les dix autres millions
en argent comptant venant de l’Amérique.'
Le commerce intérieur de TEfpagne eft: dans
une langueur mortelle , foit par le défaut des
chemins , des canaux & des fleuves navigables ,
foit parce que les frais de tranfport font trop
confidérables , & que les afîifes furpaffent le
prix des denrées. Avant la guerre a&telle , le
commerce d’un port à l’autre étoit négligé par la
crainte que l’on a des pirates. La fituation de ce
royaume, pour le commerce extérieur, eft admirable
; il a de bons ports, tant fur les rives de TO-
‘ céan que fur la méditerranée, & il pourrait exporter
à l’étranger beaucoup de marchandifes de
fori crû : mais tous ces avantages Font moins pour
les habitans, que pour les nations voifines. Les
étrangers, à la vérité, ne peuvent entrer dans les
provinces de l’Amérique Efpagnolê, & même approcher
des côtes ; mais loin qu’une loi de ce genre
mette tout le commerce entre les mains des Efpagnols
, elle n’en fait au contraire que les com-
miffionnaires des Anglais, des Français, des Hollandais
& des Italiens, qui tous fe fervent des
vaiffeaux Efpagnols pour envoyer leurs marchandifes
en Amérique, & reçoivent, pour leur compte
, la plus grande partie de l’or, de l’argent &
des marchandifes qu’on tire deces pays; de manière
que TEfpagnol, quia prêté fon nom, ne reçoit
Amplement qu’une gratification arbitraire ou
le prix de la commifiion. Aujourd’hui le commerce
interlope eft bien moins confidérable qu’autre-
fois par les mefures que Ton a prifes, pour l’arrêter
& l’exportation clandeftine d’efpéces, eft bien
diminuée depuis 1750, que le roi a accordé à cha.-