
quinquina, le cacao, la vanille, les bois de cam-
pêche, de Tantal, de faffafras., de bréfil, de gayac ,
de canelle, d’inde,, & c . les baumes de to lu , de
copahu , du Pérou, lebéfoard, la cochenille , l’ipé-
cacuanha, le fang de dragon, l’ambre, la gomme
copale, la mufcade, le vif-argent, les ananas, le
jalap , des v in s , des liqueurs, l’eau des barbades ,
des toiles, &c.
L’hiftoire du monde n’offre point d’évènement
plus fingulier aux yeux des philofophes., que la découverte
du nouveau continent, q u i, avec les mers
qui l’environnent, forme tout un hémifphère de
notre planète, dont lés anciens ne connoiffoient
que cent quatre-vingt degrés de longitude, qu’on
pourroit même, par une difcuffion rigoureufe, réduire
à cent trente; car telle eft l’erreur de Ptolé-
mée, qu’il recule jufqu a cent quarante-huit degrés
& davantage l’embouchure orientale du Gange,
qui, parles öbfervations des agronomes modernes,
fe trouve fixée à environ cent huit ; ce qui donne,
comme l’on v o it , un excès de quarante degrés de
longitude dans Ptolémée, qui ne paroît avoir eu
aucune notion fur le lo ca l, au-delà de ce que nous
appelions la Cochinchine, qui eft par confisquent le
terme oriental du monde connu des anciens, comme
notre premier méridien eft le terme de ce monde
connu vers l’occident.
Vouloir que les Phéniciens & les Carthaginois
aient voyagé en Amérique, c’eft une opinion réellement
ridicule, & aufïi peu fondée fur des monu-
niens hiftoriques, que tout ce qu’on a dit de nos
jours des prétendues navigations dès Chinois vers
les plages du Mexique. Nous favons, par les recherches
faites à Pékin, que l’ouvrage dans lequel on
avoit cru trouver quelque? traces de ces navigations
vers les plages du Mexique, eff un roman
pour le moins aufli.greffier que les frétions rapportées
par Elien ( Hiß. diverf. lib. III. ) , au fujet d’un
pays imaginaire, tout rempli d’o r , & qui a paru
avoir la plus parfaite conformité avec le Pérou aux
yeux de plnfieurs favans, dont le jugement étoit
très-borne. Quoi qu’ait pu en dire Vofîius, dans
fes commentaires fur Mêla, & M. Huet, dans fon
traité du commerce des anciens, où il cite les Annales
(TOrmus, que perfonne ne connoît, il eft certain
que les Chinois n’ont pas fait des voyages de
long cours ; en 1430, ils n’avoienç aucune notion
fur 1 île Formofe, qui n eft, qu’à dix-huit lieues
de leurs côtes. S’ils avoient été dans l’ufage de' faire
des voyages de long cours, leur ignorance en Géographie
ne leroit pas auflî prodigieufe quelle l’eft
encore actuellement, au point qu’ils n’ont jamais été
en état de lever la carte de leur empire ; & quand
ils ont voulu avoir une carte de la Chine, ils ont
du y employer des Européens, dont nous connoif-
fqns le travail, qui eft encore bien éloigné de ce que
la Géographie pofitive pourroit exiger au fujet d’une
fi’vafte région de l’Afie.
S’il y a un peuple en Europe qui ait effectivement
fréquenté quelques cotes de l’Amérique feptentrionale
avant l ’époque des navigations de Colomb &
de Vefpuce; ce font les Iflandois & les Norvégiens
; puifqu’on ne fauroit difeonvenir que les uns
& les autres n’aient fait avant le x v e fiècle des éta-
bliffemens au Groenland, qii’on doit envifager aujourd’hui
comme une partie du nouveau continent.
Mais il eft effentiel d’obferver ici qu’on ne feroit
jamais parvenu à découvrir le centre de l’Amérique,
fi l’on n’avoit pas trouvé d’autre chemin pour
y pénétrer que celui du Groenland, où les glaces
empêchent qu’on, ne voyage fort avant dans les
terres, & où les glaces empêchent encore qu’on ne
navigue fort avant vers le pôle. D ’ailleurs , le danger
de ces parages, l ’excefïive rigueur du climat,
le défaut de toute çfpèce de fubfiftance , & le peu
d’efpoir d’y trouver des tréfors, euffent fuffi pour
rebuter les navigateurs les plus déterminés. Cnrif-
tophe Colomb au contraire découvrit, en 1491 ,
une route, aifée ; & quand on le voit s’élever juf-
qu’au 25c degré de lut. nord, pour faifir ce vent
d’eft qui règne ordinairement entre les tropiques ,
& aller enfuite prefque en droite ligne à l’île de
Saint-Domingue, on feroit tenté de croire qu’il fa-
! voit cette route d’avance ; auflî les Efpagnols ', par
une ingratitude véritablement monflrueufe, ont-ils
voulu priver ce grand homme, qui n’étoit pas né
en Efpagne ,• de la gloire de fa découverte, en débitant
à cette occafion des fables puériles & contradictoires.
La vérité eft que Colomb a été guidé par
un de fes freres, nommé Barthelemi, qui étoit
géographe ; & en faifant des mappe-mondes, telles
qu’on pouvoir en faire alors, il ne ceffoit de s’étonner
que de trois cent foixanfè degrés de longitude >
on n’en connût que cent quatre-vingt tout au plus ;
de forte qu’il reftoit autant à découvrir du globe
qu’on en avoit découvert ; & comme il ne lui »
paroiffoit pas probable que l’Océan couvrît tout
un hémifphère fans aucune interruption , il foutint.
qu’en allant toujours des Canaries à l’oueft, on
trouveroit ou des île s , ou un continent. Et en effet,
on trouva d ’abord des îles, & enfuite un continent,
où tout étoit dans une défolation fi grande, qu’on
ne peut y réfléchir fans étonnement. Nous ne nous
fommes point propofé de fuivre ici les anciennes
relations, où l’on a joint à la crédulité d’un enfant
les. délires d’un vieillard. Dans ces relations , tout
eft merveilleux, & rien n’y eft approfondi ; il faut
donc tâcher de donner au leéleur des notions plus
claires, & des idées plus juftes.
Parmi les peuplades répandues dans les forêts &
les folitudes de ce monde qu’on venoit de découvrir
, il n’eft pas poflible d’en nommer plus de deux
qui euffent forme une efpèce de fociété politique :
c’étoit les Mexicains & les Péruviens, dont 1 hif-
toire eft encore remplie de beaucoup de fables.
D ’abord leur population a dû être bien moindre
qu’on ne l’a dit, puifqu’ils n’avoient point d’inftru-
mens de fer pour abattre les bois, ni pour labourer
les terres : ils n’avoient aucun animal capable» de
traîner une charrue , & la conftruûion de la.charrue
même leur étoit inconnue. On conçoit aifément
que quand il faut labourer avec des pelles de bois ,
& à force de bras, on ne fauroit mettre 'beaucoup
de terres en valeur : or, fans une agriculture régulière
où le travail des bêtes concourt avec celui de
l ’homme, aucun peuple ne fauroit devenir nombreux
dans quelque contrée du monde que ce foit.
Ce qu’il y a de bien furprenant, c’eft qu’au moment
de la découverte, l’Amérique ne poffédoit prefque
aucun animal propre au labourage : le boeuf & le
cheval y-manquoient , de même que l’âne, qui a
été anciennement appliqué à la culture par quelques
nations de notre continent, comme dans laBétique
& la L y bie , où la légèreté des terres, dit Columelle
(.le Re Ruß. lib. V i l. ) , fait que cet animal a pu fup-
pléer le travail des chevaux & des boeufs. On croit
communément que le bifon de l’Amérique auroit
pu y fervir à labourer ; mais comme le bifon a un
inftinâ très-revêche, il auroit fallu auflî le dompter
par une longue fuite de générations, pour lui infpi-
rer par degrés le goût de la domefticité. O r , voilà
ce que perfonne n’avoit même imaginé en Amérique
, où les hommes étoient fans comparaifon moins
induftrieux, moins inventifs que les habitans de
notre hémifphère : leur indolence 8c leur pareffe
ont fur-tout frappé les obfervateurs les plus attentifs
& les plus éclairés. Enfin, la ftupidité qu’ils témoignent
en de certains cas eft telle, qu’ils paroiflent
v iv r e , fuivant l’expreflion de M. de la Condamine,
dans une éternelle enfance.
Cependant on n’a rien remarqué d’irrégulier dans
l ’extérieur de leurs membres , fl l’on en excepte le
défaut prefque abfolu dé la barbe & de ce poil follet
que les individus des deux fexes devroient y
avoir après le terme de la puberté ; & on ne fauroit
dire toutefois que le germe de ce poil foit détruit
ou déraciné, puifqu’en un âge fort avancé il leur
en croît par-ci par-là quelques épis, qu’ils s’arrachent
ordinairement avec des pinces de coquilles. Leur
taille ne différoit point de celle des autres hommes
répandus dans les zones tempérées ; car au-delà ’du
cercle boréal , la peuplade des Eskimaux ou dès
Innuits, quoique de race Américaine, ne comprend
que des fujets fort petits , parce que l’aétion extrême
du froid s’y oppofe au développement des membres
; & il en eft à-peu-près de même dans'lé
Groenland, qu’on fait auflî avoir été primitivement
peuplé par des hordes de race Américaine ; & le
plus parfait accord du langage des Groënlandois
avec celui des Eskimaux, ne laiffe fubfifter à cet
égard aucun doute.
Il n’y à qu’un amour aveugle du merveilleux qui
ait pu faire répandre des fables aufli révoltantes que
le-font toutes celles qui parlent d’une efpèce gigantesque,
trouvée aux terres Magellaniques, qu’on
eft aujourd’hui dans l’ufage dénommer lu Patagonie.
Les voyageurs les plus raifonnables , comme Nar-
brough.( voy. to the fouth fea ) , qui aient communiqué
avec les Patagons, nous les repréfentent de la
taiüe .ordinaire ded’hommê, vivans par petites troupes
dans des contrées immenfés, où" les AngîoiS
qui ont traverfé ces-pays dans toute leur longueur
, depuis le cap Blanc jufqu’à Bucnoi-ayres,
n’ont pas vu un pouce de terrein cultivé, ni aucune'
ombre de labour; de forte que la difficulté de trouver
la fubfiftance a dû y être très - grande avant le
tenls de la découverte, & lorfque les chevaux n’y
exiftoient pas encore ; puifque la chair de ces animaux
fert prefque uniquement aujourd’hui à nourrir
les Patagons qui occupent lé centre des terres
entre le fleuve de la Plata, & le 45e degré de lat. fiid.
T e l eft l ’excès de la pàféflè' dans ces fauvages, qu’ils'
mangent les chévaux par lé moyen dëfquels ils1
pourroient défricher leurs déferts, & finir enfin ce'
genre de vie miférâble qui ne les met pas au-deflùs'
du niveau des bêtes guidées par leur inflinéî.
Nous ne compterons pas, comme on l’a fait juf-'
qu’à préfent, parmi les races particulières & diftihe-
te s , ces Blafards qu’on rencontré en aflez petit
nombre à la côte Riche & à l’ifthmé du Darien;*
(Warffér’s defcppt.of the ijlhmus o f Amer. & Coréàl,
voy. 1.1.) puifque c'eft une maladie , ou une altération
accidentelle dans le tempérament des pareils
qui y produit ces individus décolorés qu’on fait
avoir une grande analogie avec les negres blancs
ou les Don dos de l’Afrique , & avec les Kakerlakes
de l’Afie. L’indifpofition d’où réfukent tous ces’
fymptômes, attaque plus où moins leS peuplés noirs
ou extrêmement bàfanés dans les climats lés plus1
chauds du globe. Les Pygméës, dont il eft parlé en ■
une relation traduite par M. Gomberville de l’académie
Françoife, les Himantopodés ou les fauvages
, qui ont l’inflexion du gënou: tournée en arriéré,
les Eftoilandois qui n’ont qu’une jambe,
doivent être rangés avec lés Amazones & les ha- ‘
bitarts de la ville d’O r du Mànoa, au nombre de ces
abfurdités que tant de voyageurs ont ofé croire, & 7
qu’ils ont ofé écrire. Tous les hommes monftmeiix,
qu’on a vus au nouveau - m onde, étoient monf-
tnieux par arrifice ; comme ceux qui ont la tête parfaitement
fphérique, & q ü ’on nomme'iê-es de boule,
icomme ceux qui l’ont applatie, & qu’on nomme
plagiocéphales, comme ceux enfin qui l’ont conique
ou alongée, & qu’on nomme macrocèphdies. Chez
les peuples nuds, où les modés ne faurbient afteéler
les vêtemens, elles affe&ent le;corps même, & pro-
duifent toutes ces difformités qu’on a eu lieu de re-
marquef parmi les fauvages, dont quelques-uns fe
raccourciffoient le cou, fe perçoient la cloifon du
nez, les levres, les pommettes des joués, & dont
d’autres s’alongéoient-les oreilles ou fe faifoienten-
fler les jambes par le moyen d’une ligaturé au-def-
fus de là cheville.
On ne fait point, & il fera toujours difficile de
favoir au jufte quelle a pu être la véritable caufe du
mal vénérien, dont tant d’Américains étoient atteints
, aux Antilles , aux Caraïbes, dans la Floride,
dans le Pérou & une grande partie du Mexique : on
a hàfàrdé à cet égard beaucoup de cônjèéhir'es rares
ptë leur ridicule. On a .prétendu que la chair1 du