
476 C O R
C O R O PQ JA K , grande ville de l’empire Ruf-
fien , fur le Don ou Tan aïs.
CORREGIO 5 petite ville d’Italie , capitale d’un
petit pays de même nom, au duché de Modene.
Elle a un beau château. En 1706 le prinèe Eugène
la- prit. C ’eft la patrie du fameux peintre Corrège.
Elle eft à 3 li. n. e. de Reggio , & 4 n. o. de Mo-
dène. Long. 2 8 ,20 ; lut. 4 4 , 14«;.
CORRESE, petite rivièrç d’Italie dans la Sabine
, province de l’état de l’Eglife. '£ile_fe jète
dans le Tibre.
CO R R Ü CH E , petite ville de Portugal, dans
l ’Efiramadure, fur une rivière de même nom.
CORSE , Coi fia , Corfica ; île confidérable d’Italie
, appartenant à la France., dans la Méditerranée.
Elle a" le golfe de Gènes au nord, la
mer de Tofcane à l’eft. Un détroit de trois, lieues
de largeur., appellée Bouche de Boni]ace, parfemé
■ diles 8c de rochers , 1a fépare de la Sardaigne au-
fud, & la mer de Provence la baigne à l’oueft.
Long, de 26-16 , à 27-30; lat. 41 à 43 nord.
Cette île , fi long-tems difputée , théâtre pref-
que continuel de guerres fanglantes, a été cédée
enfin (en 1768) , par la république de Gènes,
à la couronne de France, en propriété fouve-
raine, moyennant une fomme d’argent. Cet évènement
tout récent nous engage a entrer dans
quelque détail fur la defeription de cette île 8c fur
fon hiftoire.
Elle a environ de 36 à 40 lieues de longueur,
évaluant la lieue à deux mille quatre cents toifes ; fa
plus grande largeur de feize ou dix-huit, & fa furface
d’environ trois cens ,• ou trois cent vingt-lieues
quarrées. Pline la décrit allez exactement & nous
apprend qu’il y avoir trente trois v ille s , & deux
colonies Romaines , Mariana de Marius, & Aleria
de Sylla. Il ne refie que des ruines de ces colonies.
Mifi. Nat. lib. I l , c. 6. Quelques éctivains ont
douté de Fexiftence de ces trente-trois villes ; ils
alléguoient qu’on n y voyoit les ruines que de
deux ou de trois ; quelles villesaêluelles avoient
pour- la plupart une origine peu reculée ; qu’il de-
voit y avoir des communications entre ces villes
par des chemins percés dans les montagnes , &
qu’il étoit étonnant que les traces de ces chemins
euffent entièrement difparu , & c . Ces obfervatîons
peuvent avoir de la ■ vraifemblance ; mais l’affertion
de Pline me femhle pofitive. Ce favant naturalifie
n’a pu être trompé fur l’état de la C orfe; dans le
tems où il écrivoit, mille témoins oculaires pou-
voient démentir ce qu’il avançoit fur cette île , pour
peu qu’il fe fût éloigné de la vérité ; d’ailleurs la
Corfe a été pendant tant de fiècies le théâtre des
guerres que je ne ferois point étonné que la plupart
des villes modernes aient été bâties avec les
débris des cités anciennes. Quant aux chemins
dont il ne refie aucun vefiige ., rien ne dit que ces
chemins aient exifié , & s’il y en a eu réellement,
5e ne vois pas qu’on puiffe me prouver que les
^ om en s aient dû confiruire de ces fuperbes voies à
C O R
travers les montagnes d’une île qui étoit pour eux
une terre d’exil.
Elle a des havres , des golfes & des ports ;
Cenruri au nord ;à l’ouefi San - Fiorenzo , Ifola-
Rofla, Calvi & Ajaccio ; au fud Bonifacio, & à
l’eft Porto-Vecchio , Bafiia, 8c Maccinajo. Le port
de Porto-Vecchio eft le plus confidérable de tous.
On voit déjà par-là de quelle importance peut être
la poiré filon de cette île pour une puiffaiice maritime
de l’Europe, fur-tout puifqu’elle fournit de
très-beaux bois de conftrufiion.
L ’intérieur de l’île efi montagneux, entrecoupé
de vallées agréables 8c fertiles , & de éjuelques
plaines. On partage File en deux parties, depuis
Bafiia , en-deçà , .& au-delà des monts, di qua , 8c
d u a dei monti.
chaîne des montagnes traverfe à-peu-près
1 île en croix. Tout le pays eft outre cela divifé en-
Provinces- ^ es P^ves forment les difirids ec-
clefiaftiques. Ces pièves font au nombre de foi-
xante-un. On y compte cinq évêchés ; fa voir.,
M a r ia n aG e b b io , Aler ia, Sagona, & Ajaccio.
Toute la Corfe eft bien arrofée de rivières & de
ruiffeaux : il y a des lacs vers le centre de l’île ;
ceux d In o 8c de Creno font les principaux. Le Golo
efi la plus confidérable des rivières. Il y a aufii des
eaux minérales chaudes & froides. Les rivières font
aflez poifionneufes , &-da mer près des côtes encore
plus. Elle abonde en thons, en fardines , en
huîtres , &c. On y pêche beaucoup de corail, du
^ anc ’Adu no*r 5 & du rotige , le long des rochers
de la côte; la mer, en entrant dans les terres, a
formé fur les. bords de l’ile plufïeurs étangs. Sur la
côte orientale, qui, étant plus baffe, eft plus fujète
aux inondations, on remarque celui de Biguglia;
c’eft de tous le plus étendu y 8c celui dont la pèche
efi la plus abondante. Plus loin , fur la même-côte,
fe trouvent les étangs falés. C e font des cavités que
la mer remplit, 8c le foleil y forme un fel dont on
fait ufage dans l’île. L ’étang de Diane produit des
huitres d’une grandeur inconnue en France , 8c
d’affez bon goût.
L’ile en .général manque de pâturages , ainfi le
heure & le laitage y font peu communs. On fait
des fromages de lait de chèvres , qui fupplée à celui
de vache. Les François ont femé des foins dans
les plaines d’A ler ia, & en ont recueilli de très-
bons & en quantité. Si jamais les tranfports deviennent
faciles, ce canton pourra feul en fournir
lîle entière.
’ L ’île nourrit aufii toutes fortes d’animaux fau-
vages & domeftiques. Les chevaux y font de très-
petite race, & les moutons de mauvaife efpece.
Les ânes & les mulets font de même, pëtits, 8ç
quatre-vingt à cent livres font affez la charge ordinaire
des derniers. Le s chèvres & les moutons
font en grand nombre : ceux-ci ont fouvent deux ,
jufqu’à fix cornes.
Ces troupeaux font la richeffe des montagnards,
Dans la faifon des neiges, ils les font descendre
C O R
dans la plaine. A peine, danç les troupe aux les
plus confidérables voit-on un mouton blanc. Tous
ont la laine noire , longue & dure comme du
poil. Leur chair eft mauvaife pendant les trois-
quarts de l’année.
Les arbres font grands dans çette île ; fur-tout
les pins , les fapins, 8c les châtaigniers : les forets
fourniroieut affez de bois pour 1 établiffèment oc
l’entretien d’une flotte.
Les autres arbres les plus communs font le chene
verd & le hêtre. On tire des pins , des fapins du
bai-gras, & de la réfine. L ’abcornogue efi un arbre
dont on dépouille l’écorce tous les quatre ou
cinq ans ; c’eft ce qui fournit le liège.
. Le fruit du châtaignier , en fuppléant pour ainfi
dire à tout, éteint Findnftrie : on le fèche , on lè
broie , on en fait du, pain ; les chevaux même
s’en nourriffent, & la terre refte négligée , parce
qu’une forêt de châtaigniers n’exige aucune culture,
8c que fes fruits fourniffent aux befoins d’un peuple
très-fobre.
L’olivier eft une des principales richeffes de l’île.
Cet arbre efi beaucoup plus gros & plus élevé
qu’en Languedoc & en Provence ; mais les Corfes
ignorent l’art de faire leurs huiles ; ils pourroient
en exporter une très-grande quantité, q u i, en les
enrichiffant, feroit baiffer en France le prix des ;
huiles & des favons.
L e mûrier étoit inconnu en Corfe : les François
en ont plantés, & les ont vu croître rapidement.
Comme nie eft peu expofée aux orages, cet
arbre va offrir un avantage précieux 8c inexprimable
pour la culture des vers à foie.
Je ne dois pas oublier de dire que lés orangers,
les limoniers, les citroniers, les amandiers ,*les
figuiers , font très-communs en Corfe ; fi le noyer ,
le palmier, l’érable le font m oins, ce n’eft pas que
le fol leur foit contraire. La terre efi couverte de
buis, de mirthes, de lauriers , de genévriers , de
grenadiers, 8c d’arboufiers.
~Les vins feroient excellens fi l ’on connoiffoit
l’art de les faire. Ceux du C ap , de Muriàni, 8c de
Campo-Loro, pourroient le difputer aux vins les
plus délicats.
Quelques montagnes du Cap , & plufïeurs autres
dans différentes pièves , fourniflènt de très-bel
abefte on amianthe : dans celles de Bogagnano ,
de Giovellîna, dû Niolo , on trouve du criftàl de
roche.
Le froment, l’orge , le feigle , le millet, réuf-
fiffent très - bien dans l’île ; mais Favpine y vient
difficilement, ainfi que lè Yarrafin.
Il y a beaucoup d’abeilles dont le miel a de l’âpreté
, à caufe de l’i f , du buis , 8c des autres plantes
à faveurs fortes qui couvrent l’île : celui cependant
de la piève de Caccia paffe pour le meilleur,
& n’a aucun des défauts reprochés au miel
ordinaire du pays ; mais on ne fauroit trop vanter
la. bonté & la fermeté de la cire qu’on y recueille.
Dans les montagnes on trouve beaucoup de
C O R 477
mines de plomb, de cuiyre, de fe r , d’argent &
d alim : ôn y fait aufii du faipêtre 8c du fel. Le
beau granité, le porphyre & le jafpe fepréfentent
en divers lieux. On. y trouve aufii de la très-belle
ardoife.
L’île abonde en gibier. Le .lièvre commun y efi
affez bon. Le cerf eft plus petit qu’en France. Le
fanglier s’y trouve en troupeaux nombreux, 8c fa
chair eft excellente ; le renard 11’y manque pas , &
fa taille eft affez - grande ; mais on n’y voit ni
loups , ni lapins, ni aucun animal venimeux , excepté
cependant une petite araignée , appellée tnar-
mïgnato, dont la morfure eft dangereufe.
Le muffoli eft un efpèce de bélier fauvage ; il efi
couvert de p oil, au lieu de laine , & produit avec la
brebis domeftique. La Corfe poffède aufii un autre
animal fauvage , qu’on appelle Y axis.
La perdrix eft très commune ; mais fa chair eft
fèche & n’a rien de bien délicat. La bécaffe, la
bécafline, le faifan , la pintade/y font meilleures.
Les grives & les merles ont un goût délicieux. Ces
deux efpèces ne font en Corfe que des oifeaux de
paffage. Ils y arrivent vers la mi-novembre, & s’en
retournent à la fin de janvier, ou vers le 20 de février.
Le merle feul y fait fon nid.
On y trouve aufii des cailles & une prodigieufe
quantité de ramiers dans les montagnes. La pie'
feule eft un oifeau étranger à File , & ce n’eft pas
un mal.
La population de la Corfe eft évaluée à cent
vingt-deux mille habitans.
Depuis que cette île appartient aux François,
on a relevé & embelli des villes dont la fituation
étoit importante, 8c par d’excellentes fortifications
ces placés font à l’abri de toute infulte. On y a aufii
percé de grandes routes de tous les côtés , pour
établir des communications d’un point à l’autre.
On a coupé des montagnes & on a fait des travaux
prodigieux.
L’hiftoire de ce peuple offre une fuite de révolutions
, que nous allons parcourir rapidement. Hérodote
nous dit que les premiers habitans de l’île
furent des Phéniciens, qui la nommèrent Collifla,
& qu’au bout de huit générations, ils furent accrus
par une colonie de Lacédémoniens , fous la conduite
de Théras , d’où elle prit le nom de Thera.
Hérod./iÆ. I V , c. 14 7 ,138 . Dans la fuite File prit
le nom de Cyrnos , du nombre de fes promontoires.
L ’origine du nom de Corfica qu’elle porta en fuite eft
fort incertaine. Les Carthaginois en firent enfuite
la conquête. Elle paffa fous la domination des Romains
, vainqueurs de Carthage, environ l’an 193
de Rome. Tit. Liv. lib. X V I I Plufïeurs fois ces
peuples fe foulevèrent contre leurs maîtres, &
! furent réprimés ; mais jamais les Romains n’y
, furent poffeffeurs tranquilles.
A Firruption des barbares, les Goths s’emparèrent
de la C orfe, & y établirent le gouvernement
féodal, aufii barbare qu’eux. Procop. de btllo Goth.
I I I 9 24. Dès-lors 3 8c pendant plufïeurs fiècies ,