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de Claux-Sluter. On conferve aux Chartreux la
tête du duc Jean-fans-Peur , qui fut tué fur le pont
de Montereau, fous Charles V I , à l’inftigation du
Dauphin. Elle porte l’entaille du coutelas. Elle ne (e
montre qu’aux princes, très-difficilement à d autres.
Bonne d’Artois, fécondé femme de Philippe-le-
Bon , & piufæurs princeffcs de la maifon de Bourgogne
, ont auffi leur fépulture dans ce monaftère,
ainfi que quelques feigneurs de la Trimouille. Le-
glife eft ornée de bons tableaux, de Carle-Vanloo,
de Crants, & quelques-autres.
Le grand hôpital, fous le nom de N o t r e -D a m e d e
l a C h a r i t é , eft un des plus bèaux établiffemens en
ce genre qu’il y ait dans le royaume. Dans fa conf-
truftion , on a confulté également & la décoration,
& l’utilité des malades. L’hôpital Sainte-Anne fut
fondé pour de pauvres orphelines qu’on y inftruit
à travailler, en linge, à la tapifferie , à broder ,
&c. La fbciété de la Mifericorde , établie en 1658 ,
pour venir au fecours des malheureux, leur dif-
tribue annuellement une grande quantité de bois ,
de charbon , de médicamens, de fyrops , de confitures
, &c. Ses bienfaits s’étendent encore fur
les prifons- * v "
Dijon eft orné de beaux hôtels, de très-belles
places , 8c d’édifices publics facrés 8c profanes ,
dignes de remarque. On y obferve fur-tout la
place royale, décorée d’une excellente ftatue équef-
tre, en bronze , de Louis X IV , erigee en 172.5*
Elle pèfe cinquante-deux milliers , dont trente-fix
milliers pour le cheval, & feize milliers pour la
figure du roi. Ce monument, qui eft un ouvrage de
lé Hongre , a coûté 108,000 livres , indépendamment
du pied-d’eftal dans lequel il a été employé
mille deux cent quatre-vingt-quinze pieds de marbre
, tant blanc pommelé., que gris , qui, rendu
à Dijon , a coûté brut 32. liv. le pied quarré. La
place, conftruite en fer à cheval, eft régulière, &
couronnée circulairement d’une baluftrade ; au-devant
eft le magnifique palais de la province, qu’on
nomme le L o g i s d u r o i , orné de fuperbes portiques
& d une très-haute tour en terraffe, qui eft du plus
bel effet ; à gauche , le palais des états , la rue de
condé, tirée au cordeau , toute en çierres de taille,
formée de maifons à balcons , bâties uniformément
, même hauteur , même ftru&ure ; à droite la
haute & très-hardie pyramide de la Sainte - Cha?
pelle, le fomptueuxportail de l’églife de Saint-Mi?
chel, & le riche campanile de la cathédrale , tellement
que de ce point la ville de Dijon s’annonce
de la manière la plus brillante.
Les autres places de Dijon les plus remarquables
font celles de Saint-Etienne, de Saint-Jean , de
Saint-Michel, & des Cordeliers.
Le palais du logis du roi a reçu fucceffivement
les rois Louis XII, François Ier, Henri I I , Charles
IX , Henri I II, Henri IV , Louis X III, Louis XIV,
qui y ont logé. Les gouverneurs de la province
^habitent lorfqu’ils viennent à Dijon. C ’eft uncorps-
fle-logis d’une vafte étendue, qui a beaucoup de
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dignité. Des deux ailes en retour, il en eft une qtu
n’eft point encore achevée, mais qui va l’être d’après
la décifion des derniers états. L’autre eft terminée
par un périftile Tfffcan, conftruit d’après les
deflins de M. Gabriel, ainftque la porte & l’efca-
lier de la falle des états. Ce palais eft lurmonté d’une
grande tour , vulgairement nommée la te r ra f fe d u
lo g is d u r o i , commencée en 1367,8c qui ne fut
finie que par Philippe-le-Bon. Elle eft de belles
pierres de taille , 8c très-haute ; 8c quoique de
forme irréguliète 8c bifarre , elle eft d’un grand
effet. Cette tour fert d’obfervatoire à l’académie.
Le logis du roi fut le château des ducs de Bourgogne
; mais à la réferve delà tour, d’une partie du
corps-de-logis , 8c d’un bâtiment adjacent, c’eft un
édifice moderne, poftérieur à ces fouverains. La
cour, qui forme un quarré long , a jour fur la
place royale, par une grille de fer d’une grande
etendue. L’autel de la chapelle des élus eft orne
d’un tableau de Jouvenet.
Le palais où s’affemble le parlement s’annonça
par un porche, élevé fur un perron deplufieurs
marches, 8c décoré de colonnes 8c de ftatues,'
en particulier de celle de Henri I I , fous le règne
duquel furent commencés la grande falle 8c le por-;
tail, qui furent achevés fous Charles IX. La falle
des audiences publiques fut faite par Louis XII. Le
plafond eft de la plus grande richeffe, par l’or , la'
fculpture , la peinture. Les vitraux , qui font
peints , font un don de François Ier. On y voit fora
portrait , avec fon emblème , qui ^ fut la Salamandre
dans le feu.
Le parlement de Dijon s’eft toujours diftingué par
fes lumières 8c par fon attachement aux intérêts de
la province. Il fut créé à l’inftar de celui de Paris par
lettres-patentes de Louis X I , données a Arras le* 18
mars 1477, après la mort de Charles le Belliqueux,
8c confirmées par une déclaration du même roi du
9 août 1480. La première féance s’en tinta Dijon
le 24 oélobre fuivant, 8c il n’avoit alors dans fon
reffort que le duché de Bourgogne , 8c fes depen-,
dances. Il n’étoit compofé que d’une chambre ,
qu’on a depuis appellée la grand'Chambre. Mais
François Ier y ajouta la chambre de la Tournelle
en 1537, Henri III les requêtes du palais en 1575 ,
8c celle des enquêtes en 1589; Louis XIII la jurif-
diâion des aides en 1630. La table de marbre,
fuppriméqpar le trop fameux édit de 17 71 , a été.
réunie à la chambre des enquêtes. Henri IV mit
fous fon reffort la Breffe, le Bugey, le ValrRomey
8c le pays de Gex qui en dépendent encore aujourd’hui
avec la principauté de Dombes. Il y a dix-
neuf bailliages? royaux , 8c fix préfidiaux fous le
reffort du parlement de Bourgogne , 8c il feroit à
fouhaiter qu’on l’accrût des comtés de Mâcon ,
d’Auxerre , 8c de Bar-fur-Seine. C’eft un bien
grand abus que les habitans de la première de ces
villes foient diftraits de leur province , pour
aller difeuter leurs intérêts à cent lieues de leurs
murs à frais immenfes, en abandonnant leur.
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maifon, leurs affaires, leur commerce ; confidé-.
rant fur-tout que le parlement de Dijon eft mter-
pofé entre le comté de Mâconois, 8c le tribunal de
paris auquel il reffortit. ,,, . _ ,
Les comtés d’Auxerre , de Bar-fur-Seine, 8c de
Mâcon, forment la partie du cluche de Bourgogne
, reffortiffante au parlement de Paris. Ils furent
unis 8c incorporés au parlement de Dijon par edit
de Henri III, donné à Tours au mois de juin
1589, mais la mort de ce prince arrêta l'exécution
de fon édit, quoiqu’enregiftré. On doit attendre de
la follicitude du gouvernement pour le bien des
peuples, qu’on verra revivre cet édit. Il a pu
exifter un ordre de chofes ou ces pays ont pu
momentanément reconnoître la jurifdiaion du tribunal
de la capitale ; mais dans l’état aéluel des
chofes , fouftraire les peuples de ces diftriéb à leur
parlement légitime, 8c qui eft à leur proximité ,
pour les foumettre à un parlement étranger , auquel
ils ne peuvent recourir qu’à grands frais 8c
par la fufpenfion totale de leurs affaires ,- foit publiques
, foit dômeftiques ; ce feroit, finon interrompre
, du moins embarraffer les voies de la
juftice pour quelque partie des fujets, 8c perpétuer
un abus également manifefte 8c préjudiciable.
Aux états généraux du royaume , tenus à Paris
en 1557, le premier préfident du parlement de
Dijon obtint la préféarice fur- celui du parlement
de Rouen , qui la lui difputoit.
Entre les hôtels qu’on pourroit remarquer, celui
de l’intendance, acquis de la maifon Bouhier,
mérite d’être cité. II. feroit à fouhaiter qu’il ne fut
pas dans le coin de la ville le plus retiré, tandis
qu’ailleurs il pourroit en faire un des ornemens.
Cette ville a une faculté de droit , établie par
édit de 1722, qui. fe qualifie d’univerfité. Elle eft
même défignée conftamment par le roi fous ce titre.
Elle eft pourvue de quatre profeffeurs en droits civil
8c canonique , dont les chaires fe donnent au concours,
ainfi que les places des quatre doéleurs ag-
grégés, 8c la chaire de profeffeur en droit François.
Le collège de Dijon eft fans doute le mieux
monté qu’il y ait dans le royaume. Il eft compofé
d’un principal, d’un fous-prinçipal-préfet, de deux
profeffeurs en théologie , de deux profeffeurs de
philofophie, d’un profeffeur de mathématiques,
d’un profeffeur de langue Allemande, d’un profeffeur
d’hiftoire , de deux profeffeurs de réthorique,
l’un pour l’éloquence , l’autre pour la poéfie ; d’un
profeffeur d’humanités, des régens de troifième,
quatrième, cinquième , fixième , d’un fuppléant,
8c d’un bibliothécaire. Il feroit à defirer qu’on y
établit un profeffeur d’hiftoire naturelle, par la
fuppreffion du profeffeur de poéfie latine, dont
la partie feroit. traitée conjointement avec l’clo-
quence , par un feul profeffeur de réthorique.
Tous les trois ans il s’y fait avec appareil une dif-
tribution foie mn elle de prix, en valeur d’environ
mille livres. Indépendamment de ces prix , qui
furent fondés en 1737 par le premier préfident Jean
Géographie, Tome I , P a r tie I I ,
D I J 5 x s
de Berbifey , les adminiftrateurs du collège en
diftribuent annuellement dans les clafl’es d'humanités
, même dans celles de philofophie. Cette même
adminiftration a formé un cabinet de phyfique con-
fidérable : elle a afligné une fomme annuelle à fon
entretien , 8c elle a formé une bibliothèque à l’ufage
des étudians, fournie de bons livres de littérature ,
d’hiftdire 8c de morale.
Ce collège, où les Jéfuites eurent autrefois d’habiles
maîtres, fut conftruit fur l’emplacement de
l’hôtel de la Trimouille. On y voit de beaux tableaux
de Rével , de Corneille , 8c de quelques
autres maîtres. Aux jours de folemnités l’autel 8c le
tabernacle de l’églife font revêtus d’orfèvrerie 8c de
bas-reliefs en argent de la plus grande richeffe. Ce
fut un don du duc de Bellegarde , gouverneur de la
province, fous Henri IV.
Cette ville a de quoi étonner par fon heureufe 8c
fingulière fécondité en favans du premier ordre,
en littérateurs habiles , en hommes de génie. C’eft
de fon fein que font fortis MM. Boffuet, Crébil-
lon, Piron , Saumaife, Rameau , le créateur de la
mufique en France ; le préfident Jeannin , le préfident
Bouhier, M. de la Monnoye, M. de Buffoii,
Claude 8c Jean-Baptifte Meneftrier, deux célèbres
antiquaires, le chevalier de Jaucourt, l’abbé Ni-
caife, le préfident de Broffe, M. de Longepierre,
M. Banneliér , jurifconfulte fameux3 le P. Oudin,
M. Mariotte, S. Bernard , que je cite comme
homme éloquent 8c grand perfonnage; M. Legouz
de Gerland, l’abbé Clément, qui fe diftingua par
fes talens pour la chaire ; Quentin, 8c Jean Dubois,
deuxartiftes du premier mérite, l’un peintre, l’autre
fculpteur 8c architeâe ; M. de Marcenay, graveur
très-célèbre. Encore aujourd’hui cette Ville
a des favans diftingués, parmi lefquels on citeroit
M. l’Archer, de l’académie des Infcriptions ; M.
de Morvèau , M. Maret, 8c quelques autres. Philibert
de là Mare , M. Diderot, l’un des.plus profonds
métaphyficiens qui aient exifté chez aucune
nation; M. de V auban, l’abbé Sallier , M. d’Au-
benton , M. Gueneau de Montbelliard , font nés
dans fes environs ; Greuz_e, M. de la Lande, ont
vu le jour dans le reffort de cette ville.
L’académie de Dijon , hors de la foule des inifi-
tutions du même genre, vient en Europe immédiatement
après celles de Londres, de Paris , de Berlin,
de Pétersbourg 8c de Bologne. Remarquons
qu’on doit en quelque forte à cette académie les
produélions de l’éloquent 8c vertueux citoyen de
Genève. Elle couronna fon difeours de l’influence
qu’a eu fur les moeurs le rétabliffement des fciences
8c des arts. L’épigraphe en étoit, Barbarus hic ego
J u n i , quia non inte llig or ill i s . Le fuccès de l’ouvrage
prouva à M. Rouffeau que l’académie l’avoit parfaitement
entendu : il comprit qu’on étoit capable de
brifer d’anciens préjugés, 8c de s’élèver a fa manière
de. voir: de-là les che :s - d’oeuvres qui ont
çonfacré fon nom à l’immortalité.
Le jardin de botanique, fitué hors de la ville,
V v v