
2°. La cour du banc du r o i, pour les affaires
criminelles ;
30. La cour de la chancellerie, pour l’interprétation
des loix , pour l’enregiftrement des grâces,
& c . Cette troisième cour eft appellée la cour de
confcience.
Indépendamment de ces tribunaux , on diftingue
encore la cour du vieux-bailli, celle de l’échiquier,
celle du tapis-verd, &c. Toutes ces cours font ré-
fidentes dans la ville-de Londres, ou plutôt dans
celle de Weftminfter, qui fait aujourd’hui partie
de Londres.
Tous les magiftrats de juftice jouiffent en An»
gleterre d’honoraires fort considérables, Jufqu’en
13 6 2 , toutes les procédures fe font faites en langue
Françaife & Normande ; c’eft pour cela que
les avocats étoient obligés de fe faire recevoir doc»
teurs en cette langue.
Mais en 173 î , il fut ordonné, par un bill du 27
m ai, que toutes les procédures fe feraient déformais
en Anglais ; & ce bill n’eut fon effet qu’après
fe 2-5 mars 1733.
Les loix Anglaifes féviffent toujours contre le
crime ; dans les cas cependant qui peuvent être
graciables, elles décernent prefque toujours des
peines pécuniaires contre les coupables. On punit
plus par la bourfe, par la privation de la liberté &
par l’ex il, que par la mort. Le fupplice du pilori
y eft encore fort ufité. Les outrages & les fautes
envers le fexe font toujours punis par l’amende,
Le mari offenfé eft prefque toujours vangé, foit
par la diffelution de Ion mariage, foit par la liberté
que lui donne l’arrêt de palier à de fécondés
jioces.
Les loix contre la fraude dans le commerce, font
£ufîi très-févères.
En 1736, le 29 novembre, les jurés de Midle-
lex condamnèrent Ifmaël Naafon, de la tribu de
Benjamin , à payer une femme de dix livres fter-
lings (2 20 livres monnoie de Françe ) , pour chaque
livre de thé éventé qu’il avoit vendu dans Londres,
1®. Quant aux loix fondamentales du royaume,
les principales font, la magna, charta ou char ta liber-
fatum à reg* Anglorum Joanne Baronibys, ottinibufqye
îiberis hominibus regni Angliçt conçeffarum, in prato
Rivingemade vocata inter Stonefet Windlefchore$ , die
25 junii 1215 , dont l’original exifte encore.
20. L’aâe que drçffa le parlement d’Anglçterre
çn 1689, lorfque Guillaume I I I , prince d’O range,
fon époiife Marip, furent élevés au trône : les
droits & les franchifes du peuple Anglais y font
• définis, & les Papiftes y font déclarés incapables
d’occuper le trône.
30. L’adreffe du parlement au roi Guillaume I I I ,
datée du 18 mars 1702, dans laquelle il étendit
J’aâe précédent, & établit l ’ordre de la fucceflion
desPtoteftans à la couronne; de forte qu’après le
décès du ro i, de la princeffe Anne & de fa ligne,
fe royaume deviendront le partage de l’élç«rice
douairière de Brunfwick-LunebourgSophie, petite'
fille de Jacques I , & devoit paffer enfuite à fes héritiers
proteftans : elle contient encore d’autres
articles.
4°. L ’aÇte de fucceflion de 1705. *
50. Le traité d’union de l’Angleterre & de l’E»
cofîe de 1706.
Telles font les loix principales qui protègent la
liberté des Anglais contre les ufur.pations de leurs
rois, & qui établiffent l’ordre de la fucceflion à la
couronne. Le monarque n’y peut rien changer fans
le confentement de fes peuples. Quel eft donc la
caufe qui a élevé la nation Anglaifë fi fort au-deflfus
des autres peuples de l’Europe ? Qui a donné aux
habitans de ce petit coin du monde, tant d’énergie
politique, tant d’opulence pendant la paix, tant de
reffources dans une guerre défaftreufe ? Qui a pu
leur conferver ce çaraâère original de phifiono-
mie, dans le tems où tous les autres peuplés de
l’Europe altérés, affoiblis, énervés, ne font, pour
ainfi-dire, que des copies que chaque fiècle femfele
dégrader encore? Où fes favans ont-ils puifétant
de profondeur ; fes politiques tant de lumières , fes
citoyens tant de patriotifme, le peuple même tant
d’enthouflafme ? Plufteurs caufes, fans toute, ont
opéré ce phénomène politique ! Tâchons d’arracher
le voile qui couvre ce myftère, fi toutefois c’en
eft un encore ; & ofons dire notre manière de pen-
fer avec la noble hardiefle d’un écrivain, qui nç
veut ni mentir aux autres, ni fe mentir à foi-,
même !
La monarchie la plus tempérée marche infenfi*
blement vers le defpotifme,
La démocratie n’offre qu’une adminiftration ora-
'geufe.
L ’ariftocratie donne vingt, trente, foixante ty-\
rans, au lieu d’ un.
Or , un gouvernement qui réunit ces trois formes
d’adminiftration pour en faire un tout, qui n’a
pris dans chacune que ce qu’il y a de fage & d'utile
; un gouvernement, où le monarque e ft, pour
ainfi dire enchaîné ; où le peuple ne peut fuivre fes?
caprices bifarres ; où les grands ne peuvent être tyrans
, fera toujours le meilleur de tous, parce que
fujet à moins d’abus, & ayant plus de moyens d’y
remédier, il offrira à chacun des membres qui le
compofent, le plus précieux des biens poflibles:
je veux dire la liberté.
D ’ailleurs, de tous les gouvernemens celui-ci eft
le plus fufceptible de fe perfectionner par fa çonf-;
titntion. même; avant de donner les deniers né-
cçflaires aux dépenfes publiques, les chambres , à
chaque renouvellement de parlement 0:11 de minif-
tres , les chambres, d is - jç , s’occupent d’abord des
abus qui régnoient dans l’ancien miniftère , des
événemens malheureux, des caufes qui les ont produits
, enfin de tout ce qui a pu compromettre la
dignité de la monarchie. Par une conduite fi fage,
on iïe donne pas au mal le tems de s’accroître ;
une çrreqr devient prefque toujours un tr9.it dç ly&
A N G
mière, & line faute tourne toujours au profit de la
nation.
L’Anglais, dans la forme de fon gouvernement,
eft libre ; il eft libre , parce qu’il tait lui - même
fes lo ix , les change , les modifie , les anéantit félon
que le befoin l’exige ; parce que les privilèges font
fondés fur fes chartes ; parce qu’il exifte un contrat
entre le monarque & les fujets: contrat facré qu’on
ne peut rompre fans le confentement des deux
parties. Il eft libre, & la plus forte preuve encore,
c’eft qu’il peut aliéner fa liberté, la vendre à fon
ro i , qui, s’il n’achetoit une partie de la nation,
ne pourrait jamais gouverner l’autre à fon gré.
Ceci fans doute eft le crime du prince, & la
honte des fujets. Mais cet abus même, cette corruption
honteufe eft une preuve, nouvelle de la
liberté Anglaifë, puifqu avant f e fixer un prix à
une chofe , il faut avant tout que cette chofe
exifte.
Dans une pareille forme d’adminiftration, chaque
individu doit être plus heureux, puifqu’il peut
s’occuper immédiatement de ce qui peut lui être le
plus avantageux , & qu’un tiers ne peut prendre
à notre fort le même intérêt que nous y prenons
nous-mêmes. Ainfi du bien-être de chaque membre
doit réfolter le bien-être général;/
Un tel gouvernement doit former des orateurs,
fe s citoyebs, des politiques; & dans la honte de
l’efclavage, ou dans la langueur d’une monarchie,
on ne doit avoir ni politiques, ni orateurs, ni citoyens.
Des politiques, parce qu’on ne peut avoir
que peu ou point d’intérêt à la chofe publique; des
citoyens, parce qu’il ne peut pas y en avoir où il
n’exifte point de patrie ; & des orateurs, parce que
la bouche de l’homme éloquent eft fermée lorfqu’il
entreprend d’éclairer ou de fronder l’adminiftra-
tion. Et cependant ce font ces orateurs qui échauffent
un peuple fur fes véritables intérêts 3 ce font
ces politiques qui l’éclairent fur fes opérations; ce
font ces citoyens qui favent faire à la patrie ces
grands facrifices, ces généreux dévouemens -qui
portent un individu à s’immoler à l’intérêt général.
De cette forme de conftitution, doit ré fuite r encore
la liberté de penfer & d’écrire ; tous les goûts,
toutes les v o ix , tous les fentimens fe rapportent à
la patrie. Des écrits folides , judicieux, naiflent en
foule pour éclairer les chefs de l’adminiftration: les
difcuffions même donnent plus d’énergie à tous les
partis & à tous les membres ; & c’eft du choc des
opinions que jaillit la vérité. On ne connoît point
dans cette forme de gouvernement, ces marches
fpurdes & myftérieufes, reffource impuiflante de la
foibleffe, du defpotifme & de l’imbécillité : toutes
les opérations de l’état font à découvert, afin que
les prépofés du miniftère foient l’objet ou de la
reconnoiffance, ou des reproches de la nation.
L’Anglais a fournis tous les cultes, toutes les
opinions religieufes au gouvernement : il ne condamne
que ce qui eft contraire au bien public ; &
penfe fagement que nulle autorité, nulle puiffance
fur la terre n’a le droit d’établir une inquifition fur
les confcienccs.
Il a éteint la hiérarchie monacale, parce qu’on a
voulu, des fujets utiles, & que la fortune 11e doit
pas être le prix de l’oifiveté, mais la récompenfe
du travail & de rinduftrie. Il a permis aux prêtres
de fe marier, tant pour l’intérêt politique, que
pour le bien des moeurs. Il a enlevé au clergé
une opulence qui eft toujours aufli déplacée quin-
décente; enfin, par-tout ailleurs un prêtre n’eft
qu’un prêtre; en Angleterre, un prêtre e ffun citoyen.
Dans cette forme de gouvernement, rien de
plus facré que la propriété; nul pouvoir humain
ne pourroit dépouiller un pere de famille de fon
patrimoine. L’autorité ne connoît point ces aéles
d’une tyrannie fourde, qui facrifie un particulier
à l ’intrigue & à la haine d’un homme puiflant.
Chaque citoyen peut implorer à fon fecours cette
loi atigufte ( habeas corpus ) , que l’on fufpend quelquefois
, mais que l’on 11’abroge jamais ; & l’on
ne voit pas un inocent languir dans les cachots,
à la réquifition du miniftère public, q u i, forcé enfin
de reconnoître qu’il s’eft trompé, ne rend à la mal-
heureufe vi&ime de fon erreur, ni la fanté qui
eft ruinée par le, long féjour d’une prifon humide &
mal-faine , ni le teins qu’elle a perdu, pour fa-
fortune, ni le dédommagement de tant d’inquiè
tudes & de tant de larmes! Point d’autre lettre-
de - cachet à craindre , pour un Anglais, que la
loi,
Ce peuple philofophe a fait une chofe inouïe juf-
qu’ici , chez toutes les nations , même les plus
fages de l’antiquité : c’eft de calculer le prix d’un
homme. Ailleurs un foldat, dans le terme moyen
n’eft pas évalué à 40 écus. Sa dépenfe à l ’état ne
coûte pas plus de 6 à 700 liv. ; l’Anglais, par une
eftimation plus honorable, a fait.monter le prix
d’un homme à 100 guinées.
11 eft bien vrai qu’il n’y a pas de peuple peut-
être plus écrafé d’impôts : mais il paie gaiement ;
d’abord parce qu’il peut payer ; parce qu’il fe taxe
lui - même ; parce qu’il connoît l’emploi de l’argent
qu’on lui demande; parce que la perception eft
ftm-ple, & n’engloutit pas, comme ailleurs , la moitié
des femmes deftinées au fervice public ; parce
qu’enfin les receveurs font des citoyens compa-
tiffans, & non des tyrans barbares, d’infâmes exacteurs
qui vendent jufqu’au lit du malheureux, hors
d’état de payer la plus légère contribution.
Aucune nation n’a propofé des récompenfes plus
magnifiques, pour encourager le commerce , la
navigation, les découvertes , les fciences & les
arts ; aucune n’a mieux fu apprécier les dons du
génie], n’a eu plus de grands hommes d’état, plus
de guerriers & de politiques fameux , des philo-
fophes plus profonds, & des citoyens plus dévoués
ail bien public. Cette île célèbre a offert
dans tous les tems un afyle au mérite perféeuté.
Dans les époques les plus urgentes de fa détreffe