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dans le refte ; ce n’eft pas affez : on en doit rejeter
tout ce qui n’eft pas’prouvé, ou qui eft inférieur en
degré d’authenticité.
D ’après ces maximes de critique, en fait de géographie,
nous allons rechercher les découvertes les
moins douteufes de la partie feptentrionale de l’A mérique
, depuis le Mexique, ou plutôt depuis le
trentième degré jufqu’au pôle : nous fuppléerons à
ce qu’elles pourront avoir d'incertain , par des relations
fondées , non fur des contes contredits par
d’autres , mais fur des relations des fauvages , qui
ne foient pas en contradiction. Nous renverrons
pourtant à l'article C alifornie, ce qui regarde
cette prèfqu’ile , & tout ce qui fe trouve à fon oueft
jufques vis-à-vis de l’A f ie , & même toutes les anciennes
découvertes de ces contrées.
Le Groenland ne mérite pas qu’on s’y arrête: jufqu’à
préfent fa conquête n’a point excité de guerres
; ce qu’il y a de remarquable fe mettra de lui-
même à fa place dans le cours de nos recherches.
Chacun connoît les découvertes de D a vis , de
Baffin, de Thomas Smith, de Lancafter, de But-
ton , & fur-tout de Hudfon, de même que tous les
voyages qu’on a faits depuis ce tems dans la baie de
ce nom ; Ellis en donne la relation , & on aura oc-
cafion d’en parler ailleurs.
Depuis le fort Nelfon, autrefois Bourbon , on a
commencé à fe procurer des connoiffances de l’intérieur
du pays. M. Jérémie, homme a&if & intelligent
, a fu profiter du long féjour qu’il y a fait en
qualité de gouverneur , pour prendre des informations
exa&es qu’il a communiquées au public. Il a
luivi les relations des fauvages, qui à la vérité n’ont
pas de théorie , mais qui ont des connoiffances pra-
tiques^qui ont vu & entendu: ce qui vaut beaucoup
mieux.
C e que M. Jérémie nous apprend, par la bouche
des fauvages , des nations les plus reculées au
nord y regarde les Plats-côtés des chiens qui viennent
du nord, un peu nord-oueft, de trois à quatre
cems lieues loin-, toujours par terre, & ne con-
noiffent dans leurs environs ni mer ni rivières.
L’exiftence du lac des Affinipoels, aujourd’hui
Michinipi ou Grande-Eau, me paroît conftatée,
comme on peut le voir à l’article A ssinipoels.
Il y a , difent les fauvages , des pygmées & des
efprits qui habitent les parties les plus occidentales
Sc feptentrionales de l’Amérique. Ce font ceux qui
habitent-au nord-oueft dé la baie d’Hudfon, & les'
alliés des Sioux , qui en parlent. Plufieurs auteurs
rapportent qu’on a vu des hommes de très-petite
ftature amenés prifonniers de ces contrées, lesquels
n’étoient étonnés ni des vaiffeaux , ni de plufieurs
meubles & uftenftles des Européens, difant qu’ils
en avoient vu chez une nation voifine de leur
pays. Il faut obferver que ces gens venoient d’une
contrée à-peu-près la même que celle que les ha-
bitans de la baie d’Hudfon difent être éloignée
d’eux de plufieurs mois de chemin. Si ceux qui les
ont amenés font, comme il y a toute apparence,
A M E \ les fauvages nommés Plats-côtés des chiens, q u i,
félon M. Jérémie, viennent quelquefois de quatre
cents lieues loin vers le nora-oueft, on peut les
placer entre le 65e & le 70e degré de latitude:
alors on ne fera pas furpris fi à la même latitude
devers l’oueft, un peu oueft-fud-oueft , il y a des
nations *de petite taille, comme les Samojedes, les
Lapons, &c. Voilà les pygmées. Les écrivains de
l’antiquité étoient.imbus de cette idée, que vers le
pôle, il y en avoit des nations entières.
Si les prétendus Patagons de huit pieds font
nommés géans, on peut bien nommer pygmées ces
petits hommes du nord, de quatre pieds. Myri-
tius les nomme P'ygmceos bicubitales.
Pour les efprits, il ne faut pas prendre cette ex-
preflion à la lettre. On v o i t , par la relation du
P. Hennepin & de plufieurs autres, que les fauvages
donnent ce nom, & avec beaucoup de jugement
, aux Européens, parce qu’en toutes chofes ils
manifeftent plus d’efprit que les fauvages, qui
n’ont voulu indiquer par-là qu’une nation civilifée
& ingénieufe qui cultive les arts ; ce qui s’accorde
merveilleufement avec la relation de ceux qui parlent
des hommes barbus , dans le même éloignement
, comme d’une nation civilifée.
Plus lo in , vers l’oueft, à cette latitude, on ne
fait rien de ces pays , pas même par les fauvages ,
finon que cette étendue eft immenfe ; qu’ils parlent
les uns de cent jours , de trois, quatre à cinq mois
de chemin , d’autres de mille lieues , ce qui fait à-
peu-près la même diftance ; que ces pays font fort
peuplés de nombre de nations toujours en guerre
entre elles , ce qui a rendu inutiles tous les efforts
de M. Jérémie pour s’en procurer une connoiffance
plus exaéle. On voit pourtant qu’il n’y a rien négligé
; & fitôt que ces fauvages , les feuls qui en
peuvent avoir une connoiffance quelconque , 8c
qui n’ont aucun intérêt d’en impofer aux Européens
, nous fourniffent des idées fort probables,
qui ne contredifent pas d’autres relations dont on
manque abfolument, le bon fens veut qu’on les
adopte, jufqu’à ce qu’on puiffe leur oppofer d’autres
relations authentiques.
Si nous defeendons vers le fiid, à la latitude du
lac fupérieur du Huron , du Michigan , de l’Ontario
, de l’Errié, vers la partie fupérieure du Miffif-
fipi, & la demeure des Sioux de l’e ft, ou Iffats
nous trouverons une grande étendue de p a y s , jufqu’à
la longitude d’environ 250 degrés que je fup-
pofe à-peu-près celle du Michinipi, ou des montagnes
qui empêchent que ce lac ne foit connu.
Cette étendue eft en général fi bien conftatée %
qu’on peut la regarder comme avérée. Les découvertes
de M. Jérémie , depuis la baie d’Hudfon
celles des officiers François, rapportées par M.
Buache , adoptées par les Anglois, & qui peuvent
être conciliées avec la defeription,, quoique grof-
fière, du fauvage Ouagach, concourent à les faire
recevoir comme telles.
Vers l’oueft, au contraie, nous avons quelque
A M E
chofe de plus que fies relations vagues. La principale
particularité eft celle que le pere Hennepin
rapporte des alliés des Iffats, qui avoient fait plus
de cinq cents lieues en quatre lunes ; cela nous
donne déjà une belle étendue de pays , dont 1 exif-
tence devient indubitable; ajoutons ce que ces
mêmes fauvages lui dirent, favoir : c;ue les nations
qui habitent plus à l’o u e il, ont un pays de prairies
& de campagnes immenfes, coupées de nvie-
tes qui viennent du nord ; qu il? u ont paffé aucun
grand la c, &c. que les Affinipoels demeurent a fix
ou fept journées de chez eux , ou des Iffats , &c.
Tout ceci ne s’accorde-t-il pas^avec les plufieurs
mois, les mille lieues à faire du coté de 1 oueft ; environ
d’autant qu’une riviere court a 1 ou e fl, &c.
Après cela on ne devroit plus douter que l’Amérique
ne s’étende bien plus loin que les nouvelles
cartes ne le marquent. Suppofons ces Sioux^ au
280e degré de longitude, ce-que prouve le Téca-
mionen ; depuis lequel on peut faire mille lieues
par eau ( y compris, fuivant le raifonnement très-
fondé de M. Buache , des portages , fur - tout
auxdites montagnes vers le Michinipi, où de l’autre
côté , fuivant toute apparence, ce fleuve de
Toueft doit commencer) ; combien de degrés cela
fera-t-il ? Il faut calculer par conjeéhire. Ce lac eft
au-delà du 60e degré de latitude, jufqu’au 68 cm
^9e ; le principal portage ne peut être placé qu’au
59 ou 60e ; cette rivière doit fe jeter apparemment
dans la mer au .détroit d’Anian, je nommerai
.conftamment ainfi celui qui fépare l’Afie de l’Amérique
, n’èn ayant pas encore de nouveau ; nous
n’en connoiffons pas d’autres jufqu’à préfent, que
'•celui qui fe trouve vis-à-vis des Tfchrtith, a 65
-degrés ; à prendre le milieu, ce fera tout au plus
■ 60 parallèles , où dix lieues par degré feront 100
degrés ; & nous nous trouverons aux environs de
180 degrés, conformément à mon fyftême.
Si on vouloit fuppofer que cette rivière fe jetât
dans la mer du nord, cette circonftance feroit encore
plus favorable à mon fyftême ; celle-ci étant
généralement placée, comme celle qui coule au
nord de l’A fie , à 70 dégrés ; elle feroit plus proche
que le détroit, ou , ce qui eft le même, celui-ci
plus éloigné. Il y a plus : on parle d’un voyage
de long cours jufqu’à un la c , où des hommes barbus
viennent ramaffer de l’or. Quel pays fe trouve
.au-delà? D ’où viennent ces hommes barbus? De
quelque manière que l’on réponde, on fera obligé
d’avouer que cette partie de l’Amérique ne fauroit
-avoir fi peu d’étendue qu’on la repréfente dans les
nouvelles cartes,.& le refte de nos relations quadre
exactement avec çe que nous venons de dire.
Continuons de defeendre peu-à-peu ; le faut Saint-
Antoine eft à-peu-près au même dégré ; les Etats-
Unis, à l’eft du Miffiffipi, & leurs voifins les
fauvages n’ont pas befoin qu’on en parle ; tout ceci
eft hors de doute ; il n’en eft pas de même des nations
à l’oueft, & que le baron de la Hontan nous
connoîrre.
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Il vînt avec fes compagnons du lac Michigan ,
de la baie des Puants: après un petit voyage par
terre, il fe trouva chez les Onatouaks, alliés des
Eokoros : de - là il defeendit la rivière Onifconfine
jufqu’alors inconnue; monta pendant huit jours le
Miffiffipi, & entra le 23 Octobre 168S, dans la
rivière Longue où Morte ; parvint chez les Eokoros,
enfuite chez les Effanapés, enfin chez les Gnacfi-
tares, où il rencontra quelques Moozemleks, qui
lui donnèrent connoiffance desTahuglanks & de
leur pays avec beaucoup de détail. Il remarque que
depuis les Eokoros, chaque nation fe montra plus
douçe, plus civilifée, & le s Moozemleks, qui ne le
font pourtant pas autant que les Tahuglanks, lui
parurent d’abord des Européens. La rivière Longue
coule toujours fous lé 46e degré, & jufqu’au lac des
Gnacfitares ; entr’eux & les Moozemleks , il y
a une chaîne de montagnes, de laquelle, de l’antre
côté plus au nord-oueft, fort la fource d’une rivière
qui court vers l’oueft & fe jète dans le lac des T a huglanks,
qui a 300 lieues de tour fur 30 de large;
des bâtimens de deux cents pieds de long voguent
fur ce lac ; vers la fortie de la rivière il y a des
villes, des pays, des peuples; une nation entièrement
civilifée, nombreufe comme les feuilles
des arbres , ainfi que s’expriment ces peuples;
d’autres nations, également nombreufes, font à
leur oueft; & pourtant nous voyons que les peuples
vis-à-vis des Tzchfitchkz ne font qu’un peu
moins barbares que ceux - c i , & feulement autant
qu’il faut pour faire conoître qu’ils ont, dans un
certain éloignement, des voifins qui le font encore
moins, entr’eux, & cela feulement à des degrés
différens & éloignés, depuis le 6 Ç au 45e dé-*
gré, toujours vers le fud-oueft.
Nous allons voir à préfent où les diftances données
par la Hontan nous conduifent. M. D. L. G .
D. C. trouve que la Hontan a employé cinquantè-
fept jours pour remonter la rivière Longue ., juf-
qu’aux Gnacfitares, & trente-cinq jours pour re-
defeendre. En compenfant ùn nombre avec l’autre,
nous aurons quarante - fix jours, qui, à dix lieues,
font quatre cent foixante lieues. Confervons feulement
la diftance donnée fur la carte qui eft de qua-
I tre cents lieues jufques,aux bornes des Gnacfitares
contre les Moozemleks ; de-là jufqu’au lac des T a huglanks,
il y a cent cinquante lieues. C e lac de trois
cents lieues de tour, fur trente de large, devroit
donner cent lieues de long; n’en comptons que
quatre-vingt; voilà déjà fix cents & trente lieues.
Nous avons dit qu’au quarante-fixième degré on ne
devroit compter qu’environ quatorze lieues par
degré. Si nous comptions les vingt en entier, nous
aurions trente & un degrés & demi, lefquels étant
déduits des deux cent quatre-vingt-fix, qui eft la
plus forte longitude qu’on donne dans une carte ,
laifferoient un refte de deux cent cinquante-quatre
degrés & demi.
Remarquons encore d’autres faits importans. Les
Tahuglanks font la guerre à d’autres peuples, qui
L ij