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quand on I? brûle : fans doute que l’acide fulfureux
s en eft évaporé.
Cette matière ne couvrit que peu-à-peu la ville
‘d’H erculanum, & laiffa aux habitans toute la liberté
de s’enfuir ; car depuis le tems ‘ que Ton
fouille , à peine y a-t-on trouvé une douzaine de
fquçîettes ; il y avoit même fort peu d’or & d’effets
précieux, fi ce n’eft de ceux qu’il étoit difficile
d ’emporter.
Cette pouflière étoit encore brûlante lorfqu’elle
tôm lk , car l ’on trouve les portes & autres hois de
la ville réduits en une efpèce de charbon, qui con-
ièrve encore de la mollefle à caufe de l’humidité
de la terre. Dans les maifons oii la lave n’avoit
pas pénétré , tout eft rôti & réduit en charbon
fans êtçe eonfutné ; tels font les livres qui éteient
d’écorçe & qu’on a trouvés en grand nombre ; le
bled , l ’o rg e , les fè v e s , le pain même en entier,
tout cela a été réduit en charbon, fans que la lave
y ait touché, & par la feule chaleur qu’elle com-
muniquoit à l’air environnant.
On trouve beaucoup de maifons & de chambres
qui font remplies de cette lave, ce qui paroît indiquer
aye l’eau qui s’y mêla, charria cette matière,
oc la difperfa dans l ’intérieur.
' La cendre & la lave rempliffent exactement tout
l ’intérieur des appartemens ; on trouve des murs
qui ont fléchi, d’autres qui font renverfés, ce qui
prouve que la lave a été détrempée & a coulé
comme une efpèce de pâte ou de fluide. Le ciment
que cette cendre a formé avec l’eau, eft devenu fi
çom p a â , & dans la fuite a fi bien garanti de l’hu-
midité tout ce qu’il environnoit, qu’il a empêché 1
la fermentation, Sa qu’il a confervé les couleurs ;
même des peintures, que les acides & les alkalis
«mroient rongées par-tout ailleurs.
Au-deflus de cette lave qui tomba dans la première
éruption, Ton trouve une efpèce de poudre
blanche, dlfpofée par lits , mais avec quelques in-
tercuptiojns ; elle provient fans doute des pluies de
cendres qui font venues fùççeffivement en divers
tems ; par-deflus cette cendre on trouve dix à douze
pieds de terre , dans laquelle on rencontre cTan-
ciçns tombeaux, & par-deflus cette terre la lave
dure en grande rnaffes pierreufes, telle qu’elle a
coulé dans les dernières éruptions, depuis l'an
1036; & pa?-ded\is celle-ci de nouvelles couches
de terre végétale.
G’eftainnque ce rivage dangereux paroit avoir
été habité & dévafté à plufieurs repriles différendes
; la beauté du climat fait qu’on y retourne volontiers,
auflâtôt qu’un ou deux fiècies d’intervalle
ont foit oublier les derniers erabrâfemens. Qn
étoit. encore, en 1-631 , dans la plus profonde
fêcurité, comme on î’avort été au mont Ætna ,
en 15 36, mais ces. éruptions, précédées d’un long
calme, font toujours les plus, terribles.
Le fouvenir des villes d’Herculanum & de Pom-
ÿ é i ï é tm tellement éteint , qu’on difnutoit au
commencement du fiècle fur le- lieu dé leur anH
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cienne fituatîon. Célano mettoit Herculanum ad
fommet du Véfuve ; quelques auteurs l’avoient
placé à Ottaiano qui eft de l’autre côté du Véfu
v e ; Biondo Sa Razzano la mettoient à Torre
dell’ Annunziata ; fur la carte de Petrini, elle eft
marquée à près d’une lieue au raidi de Portici ;
Amb,rogio Lione penfa que c’étoit à Torre-del-
G r e c o , qui eft à une demi-lieue de Portici ; en
effet l’on avoit trouvé dans le dernier fiècle des
inferiptions du côté deTorre-del-Greco , dans lesquelles
il étoit parlé de cette v ille , & que Ca*>
paccio a rapportées dans fon hiftoire de Naples
ce qui la taifoit fuppofer plus méridionale que
Portici, où cependant elle s’eft trouvée réellement..
Il y avoit des favans qui croyoient que Pompeii
étoit dans cet endroit, quoiqu'elle fe foit trouvée-
enfuite fur les bords du S am o, deux lieues plus
loin ; lors même qu’on a eu découvert des ruines
fous Refîna & Portici, on penfa que c’étoient
celles de Retina dont parle Pline; mais on croit aujourd’hui
que Retina n’étoit qu’un petit village furie
bord de la m er, où habitoient les matelots : toutes
ces incertitudes ont été fixées par les découvertes
que nous allons raconter.
Le prince d’E Ibeuf, Emmanuel de Lorraine »
étoit allé à Naples en 1706, à la tête de l’armée,
impériale qu’on avoit envoyée contre Philippe V»
Il y êpoufa en 1713 , la fille du prince de Salfa.
Ce mariage lui fit défirer une maifon de campagne
aux environs de Naples ; il en fit bâtir une at
Ifortici & voulut la faire décorer de ftucs ; un ar-
tifte fe prêfenta , qui excel.loit dans la compofitiotr
d’un ftuc auffi dur Sa auffi brillant que le marbre.,,
qu’il compofoit comme les anciens , avec les débris,
les éclats Sa la pouffière de différens marbres ;
il ne s’agiftoit que d’en raflembler une quantité fùf-
fifante. Un payfan de Portici en avoit trouvé em
çreufimt un puits dans fa maifon : le prince cTEl-
beuf acheta de ce payfan la liberté de faire deh:
fouilles an même endroit. Telle fut la première
occafîon des découvertes d’Herculanum|; on a reconnu
depuis que cette première ouverture étoitr
juftement au-deffus du théâtre de cétte ancienne-
ville. Après quelques jours de travail on découvrit
une ftattie d’H ercule, & enfuite une Cléopâtre.
Ces premiers fuccès encouragèrent le prince,
on continua les excavations avec plus d’ardeur; on;
trouva bientôt l'architrave ou le aeflùs d’une portè-
en marbre, avec une infeription Sa fept ftatues.
grecques , femblables à des veftales.
Quelque tems après on trouva un temple antique
, de forme ronde, environné de vingt-quatre
colonnes d’albâtre fleuri ; l’intérieur étoit orne d’un
pareil nombre de colonnes & d’autant de ftatues
de marhre grec.
Le produit de ces recherches devint bientôt a fiez
confidérable pour réveiller l’attention du gouvernement
, & fo u forma oppofition aux travaux du
prince cTElbeuf ; depuis, ce tems-là, il ne fut presque
plus queftion de nouvelle* découvertes * ju£
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qu’au tems où dom Carlos, devenu roi de Naples,
voulut faire bâtir un château à Portici éri Ï736. Le
duc d’Elbeuf céda au roi fa maifon Sa le térreirl
d’où l’on avoit tiré tant de belles chofes. Le roi fit
creufer à quatre-vingts pieds de profondeur perpendiculaire
, & Ton ne farda pas à réconftoitre une
ville entière qui avoit exifté à cette profondeur.
On retrouva même le lit de la rivière qui traverfoit
la ville , & une partie de l’eau qui la formoit.
M. Venuti, célèbre antiquaire, dirigeoit alors
les excavations 3 il découvrit lè temple de Jupiter
, où étoit une ftatue d’o r , & enfuite le théâtre,
les inferiptions qui étoient fur les principales portes
, les fragmens des chevaux de bronze dore &
du char auquel ils étoient attelés qui avoient décoré
la principale entrée de ce théâtre, une multitude
de ftatues de marbre, de colonnes, & de peintures
, dont nous allons donner une idée.
Il n’y avoit pas cinquante ouvriers , en 1765 ,
qui y fuftent occupés depuis le départ du rOi pour
I’Efpagne, & on ne laine pas de faire continuellement
des découvertes nouvelles. Les ouvriers
font leurs tranchées au hafard, de cinq ou fix
pieds de haut, fur trois ou quatre de largeur. Ils
font obligés de les étayer enfuite avec de la charpente
, oji de réferver des maffifs de terre pour
fôùtenir là terre toujours prête à s’ébouler.
Quand on a fouillé dans un endroit, on eft obligé
de remplir enfuite avec la terra que l’on retire
d’un boyau voifin ; on eft afrajetti à cette
manière de procéder , par la néceflité de ménager
les édifices de Refîna 8c de Portici qui font au-deffus
de ces fouilles, & cela fait quTon ne peut avoir
cpi’imparfaitement les plans de la ville & de fes
édifices.
On reeonnoît cependant que toutes les rues
^Herculanum étoient tirées au cordeau , &
avoient de chaque côté des parapets ou trottoirs
pouf les gens de p ied , comme il y en a dans
les rues de Londres ; elles étoient pavées de laves
toutes femblables à celles que jète actuellement le
Véfuve ; ce qui- fuppofe des éruptions bien plus
anciennes que celle de l’an 79.
L ’édifice lè plus confidérable qu’on ait découvert
dans les fouilles d’Herculanum, eft un bâtiment
public où il paroît que fe rendoit la juftice,
.appelé, fuivaîit les uns , forum, fùivant les autres
, chalcidicum ; c’étoit une cour de deux cent
vingt-huit pieds , dont la forme étoit re&àngle ,
environnée d’un péfiftile ou portique de qüarante-
•deux colonnes, plus haut de deux pieds que le niveau
de la cour, pavé de marbre & orné de différentes
peintures.
Le portique d’entrée étoit conrpofé de cinq arcades
ornées de ftatues éq.fieftresde marbre, dortt
deux ont été confervêes ; ce font les fameüfes ftatues
des deux Balbns, Sc Ton a trouvé plufieurs
ftatues des familles Nonia Sa Annia , dans le théâtre
& ailleurs.
Dans un enfoncement qui fe voyoit en* face de ,
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l’entrée , à l’extrémité de l’édifice , au-delà du por-
tiqué. parallèle à celui de l’entrée , il y avoit une
efpèce de fanftuaire élevé fur trois marches, où
étoit la ftatue de l’empereur Vefpafien , & à les
côtés deux autres figures dans des chaifes cürules ;
à droite & à gauche , il y avoit dans le mur deux
niches ornées de peintures, avec les- ftatues en
bronzé de Néron & de Germanicus , de neuf pieds
de haut ; il y avoit d’autres figures de marbre Sa
de bronze fur les murs du portique.
On découvrit en 1750, près de ces mêmes
temples, c’eft-à-dire, fous Refîna Sa prés du château
dü ro i, un théâtre dont M. Bellîcard a donné
le plan ; les gradins des fpeélateurs font dîfpofes
dans une demi-ellipfe qui a cent foixante pieds
de diamètre, coupee fur fa longueur, & le théâtre
étoit un reêlangle de foixante-douee pieds fur
trente , orné d’une façade d’architeélure St de
belles colonnes de marbre, placées fur le p r o f-
c ertn ium , dans le goût du théâtre de Palladio à
Vicence ; cependant, comme le théâtre de Mar-
cellus à Rome étoit exa&ertient ert demi-cercle,
M. Bellîcard foupçonne le plan qu’on lui avoit
donné, de n’être pas fidèle à l'égard de l’ovalité,
La falle de ce théâtre avoit vingt-un rarigs de gradins
, & plus haut une galerie ornée de ftatues dê
bronze , ae colonnes de marbre & de peintures à
frefque, qu’on en a détachées avant que de reporter
la terre dans les fouilles. Une partie des murs
étoit revêtue de matbre de Paros 3 j’ai vu encore
eit 1765 beaucoup de gradinsâ découvert, & l o n
y travailloit journellement. C ’eft-là fans doute le
théâtre OÙ Ton étoit aflemblé le jour de la grande
éruption de l’an 79 qui enfevelit fous les cendrés
Herculanum St Pompeii, ftiivant Dion Caffius.
Un tombeau que l ’on découvrit dans le même
tems, étoit décoré extérieurement de piédeftaux
d’un bon genre : l’intérieur étoit un caVeau de
briques, ayant douze pieds fur neuf de large,
environné de niches , avec des urnes cinéraires ;
tout étoit refté en place au point que la brique
même pOfée fur chaque urne n’étoit pas dérangée
; la ceftdre y avoit cependant pénétré & avoit
tout rempli.
Un peu plus lo in , en creufant fous la vigne d’un
particulier, on a trouvé plufieurs rues bien a libellées
& des mâifons particulières, dom plufieurs
etoietft pavées de ma'rbres de' différentes couleurs,
en compaftimens ; d’autres de mofalque faite avec
quatre ou cinq efoéces de pierres naturelles ; d’autres
enfin avec des.briques ae trois pieds de longueur
& de fix pouces d’épaifieur; il y en a de
femblables dans un temple découvert à Pouzîoi ,
vers 1750. On apperçoit tout autour des chambres
une efpèce de gradin d’un pied de haut, oh
peut - être s’afleyoient les efclaves. Les murs des
maifons étoient le plus fouvent peints à frefque
en compartimens. On y remarque des cercles,
des lozanees , des colonnes, des guirlandes , des
oifeaux* C e genre de décoration fé f t maintenu ea
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