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pires. Ici l’oeil ne découvre que des cendres & des ruines oii floriffoit une
ville opulente & célébré. L a , un canton autrefois fertile & peuplé, urrô
plaine autrefois fi riante & fi riche, n’offrent plus que la défertion & la fo-
litude. De tous côtés, on trouve des forêts brûlées, des v ille s , des bourgs
des villages détruits.
La nature femble encore féconder l’homme dans fes fureurs : les tremble-
mens de terre, les inondations, les peftes, les famines font par-tout d’im-
menfes deferts. Voyez la mer engloutir de vaftes portions du continent ?
Voyez la aggrandir ailleurs le domaine de l’homme? Dans un pays, c’eft:
un fleuve , c eft une ville flonlTante qui difparoiffent & s’abîment pour toujours
dans les entrailles de la terre. Dans un autre , on voit tout à coup
s’élancer de nouveaux rochers, de nouveaux fleuves, & des îles nouvelles;
Ce malheureux globe, dans des convulfions continuelles , change , s’altère ,
fe détruit, fe renouvelle fans celle, & on voit des milliers de générations
fuccéder à des milliers de générations.
j Ainfi, dans ce choc des elemens contre les élémens, de l’homme contre
1 homme, dans ce tableau fi changeant, le Géographe fuccède lui - même
au Gréographe , &. de fiècle en fiècle le monument qu’il élève , toujours
imparfait, perd fans celle, acquiert fans celle, fe détruit, fe renouvelle , &
doit etre fournis a cette perpétuelle vicilîitude jufqu à la fin des tems, On
doit donc fentir d’après ce tableau la néceffiré de comparer la Gréographie
des tems paffés avec la Gréographie des tems actuels. Il faut alors percer
dans la nuit des fiècles , parler de ces changemens arrivés fur la face du
globe, faire fortir ces villes fameufes de leurs ruines , reffuîciter les nations
& les empires. C ’eft l’objet d’une nouvelle divifion ; lavoir, i° . la Géographie
ancienne ; z°. la Géographie du moyen âge ; 30, la Géographie moderne.
D e la Géographie ancienne.
L a Géographie ancienne-eft la defcription de la terre conformément aux
connotffances que pouvoient en avoir les anciens , dont les ouvrages nous
font reliés. Maigre ce quon trouve d’admirable dans leurs écrits, ils étoient
bien loin de pofféder à un degré convenable les qualités indifpenfables dans
la Géographie. Les mathématiques & l’aftronomie n’étoient pour ainfi dire
qu au berceau, fi on compare ces fciences à ce qu’elles font de nos jours.
La navigation avoit fait encore moins de progrès, & ces génies hardis q u i,
à l’aide de la bouffole, ont franchi l’intervalle qui fépare les deux hémif-
pheres, n avoient point paru encore ; ces îles fans nombre découvertes depuis
quelques fiècles, ces portions fi confidérables du globe, ces mers plus vaftes
encoie, ce nouveau continent enfin : ils n’erf foupçonnoient pas même l’exif-
tence.
S U R L A G É O G R A P H I E . x)
Les ouvrages géographiques des anciens parvenus jufqu’à nous, font remplis
d’erreurs, tant par le merveilleux qu’ils contiennent, que par les calculs
fur les longitudes & les latitudes. Leurs mefures itinéraires ont varié félon
les tems & les différentes nations. La difficulté même d’en' déterminer la
valeur a encore répandu fur cette partie une nouvelle obfcurité. Ainfi pour
avoir une carte de Géographie ancienne, il faut lire les auteurs anciens avec
la défiance pourtant que l’on doit avoir de leur goût pour le fabuleux ,
étudier avec attention ceux qui ont détaillé la Géographie , comme Strabon,
Ptolémée, Paufanias, & ceux qui ont écrit l’hiftoire , tels qu’Hérodote,
Thucydide, Tite-Live, Polybe, Céfar, &c. ne pas omettre de les comparer
fans ceffe avec les récits des voyageurs modernes , confulter les morceaux
levés exaflemenr furies lieux, & reêlifiés par les obfervations aftronomiques ;
encore cette carte qui fera l’exaff dépouillement des ouvrages qu’on aura
lus, n’offrira-t-elle qu’imparfaitement le véritable état des pays que l’on aura
voulu repréfenter.
D e la Géographie du moyen âge.
C e t t e divifion de la Géographie embraffe tout l’intervalle qui s’eft écoulé
depuis la décadence de l’empire Romain jufqu’au renouvellement des lettres.
La foibleffe des emperéurs, le relâchement de la difcipline militaire, la paf-
fion effrénée du luxe & de tous les plaifirs, les incurfions continuelles des
Barbares , toutes ces caufes en entraînant la chute de l’empire avoient auffi
accéléré la ruine des arts ; le goût du" beau étoit éteint, les fciences prefque
méprifées, & le génie ne jetoit que de loin en loin quelques pâles étincelles.
Il femble que ces effaims deftrufteurs de Barbares, ces Goths, ces Suèves,
ces Alains , ces Vandales aient enveloppé le monde entier dans une ignorance
profonde. Cependant, en confultant les chroniques & les cartulaires
qui font en très-grand nombre , il eft poffible encore de répandre quelque
lumière fur cet âge de la Géographie.
D e la Géographie moderne.
L a Géographie moderne eft la defcription de la terre, depuis le renouvellement
des lettres jufqu’à préfent. Ce fera fans contredit la plus vraie, la
plus intéreffante, la plus inftruâive & la plus riche. Nous ne nous étendrons
pas davantage fur cette dernière divifion; il eft facile de voir qu’on doit lui
rapporter tout ce que nous avons dit tout ce qu’il nous refte à dire
encore fur les avantages de la Géographie.
Dans la manière dont nous avons conçu notre plan , & dont nous
l ’avons rempli dans cet ouvrage , on verra les hommes différer des homb
ij