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Italie jufqu’à notre tems ; on ne voit prefque pas
de tapifferies dans les appartemens ordinaires, mais
beaucoup de peintures a frefque fur les murailles ;
cela décore les appartemens fans en diminuer la
fraîcheur. Les murs des maifons font fouvent ornés
de colonnes de briques qui font engagées
d’un tiers de leur diamètre , & qui font enduites
d’un ciment blanchi au-dehors. J’ai vu la même
chofe dans le temple de Pompeia ; c’eft Y im o n a -
c a tu r a des Italiens , qui fe fait avec de la chaux &
du marbre pilé.
Les fenêtres , à ce qu’il paroît, étoient ordinairement
fermées en bois pendant la nuit & ouvertes
pendant le jour ; on a trouvé du v e r re , mais
ce n*eft qu’à un bien petit nombre de maifons; ce
verre étoit fort épais. Il paroît que l’on n’avoit
point alors l’art.de faire des vitres auffi minces que
les nôtres , & auffi facilement qu’on les fait aétuel-
lement. Il n’en faut pas être étonné, ce n’eft que
dans ces derniers tems que ce genre d’agrément
eft devenu fi général ; il y avoit à Lyon au commencement
de ce fiècle, la moitié moins de vitres
qu’il n’y en a maintenant, & les fenêtres des
ouvriers y font encore fermées en toiles ou en
papiers.
On trouve cependant à Herculanum des bouteilles
de verre & des gobelets en grand nombre.
C e verre eft abfolument terne ; il a perdu fon poli
par les accidens qui en ont attaqué & décom-
pofê la furface ; il s’en trouve des morceaux qui
brillent des couleurs prifmatiques les plus v iv e s ,
parce qu’ils font écaillés & divifés, fans qu’on s’en
apperçoive, en feuillets ou tranches extrêmement
minces : o r , il eft de la nature des lames
très-minces de répandre des couleurs différentes,
fuivant la différence de leur épaiffeur, ainfi qu’on
le voit par les belles expériences qui font dans
l ’optique de Newton ; on a remarqué la même
chofe dans le verre tiré des catacombes de Rome.
Il y avoit auffi à Herculanum des fenêtres fermées
avec un gypfe tranfparent débité par lames
minces, comme la pierre fpéculaire qui pouvoit
tenir lieu de verre ; on s’en fert encore quelquefois.
Le cabinet d’antiques ou le m u fa um de Portici,
le plus curieux & le plus riche qu’il y ait en Italie
, a été formé depuis 17 50 , en conféquence
des fouilles d’Herculanum , de Pompeii & de
Stabia ; il eft placé dans les entrefols d’un bâtiment
extérieur qui tient au palais du ro i, du côté
de Naples.
La defcription de tous ces monumens & de leurs
ufages, & l ’explication des peintures & des fta-
tu e s , méritoient bien d’occuper les antiquaires
les plus habiles. Auffi dès qu’on eut commencé de
former ce m u f a u m , vers 1750 ou 1755 , M. le
marquis Tanueci créa une académie de Belles-Lettres
qui fe livrât à cet objet.
La belle colleélion de Portici a été gravée par ordre
& aux frais du roi. On ne pouvoit d’abord en
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tenir des exemplaires que de fa munificence. C ’étoît
une marque de diftintlion qu’il réfervoit aux fa-
vans & aux perfonnes éminentes en dignités. C e pendant
ce prince , aux follicitations des curieux,
a donné ordre de vendre les exemplaires qui en
reftent.
On vo it, dans la cour de ce cabinet unique
un grand banc de pierre en demi-cercle de quinze
à dix-huit pieds de diamètre, qu’on croit avoir été
placé dans le lieu de la fépuhure des piètres. Il y
a auffi dans la cour, dans l’efcalier &. clans les ap-
partemens-, plufieurs ftatues de marbre , qui fans
etre du premier ordre, comme celles des Nonius ,
ont cependant de la beauté : les têtes font ordinairement
médiocres, mais les draperies font travaillées
avec délicateffe & avec goût. On y remarque
fur-tout une grande figure de femme d’un
âge avancé , érigée par les décurions d’Herculanum
, à l’honneur de C ir ia , mere de Balbus,.
qui étoit le proteéleur de leur v ille , & femme
de Balbus le père : cette ftatue a fix pieds de haut ;
elle eft voilée & drapée de grande manière : on y
a trouvé l’infcription qui marque ce qu’elle étoit.
Douze ftatues de femmes drapées, entre lef-
quelles on voit une veftale admirable.
Deux figures mutilées d’hommes affis : elles font
de grandeur un peu coloffale.
Une figure debout, plus grande que nature,
qu’on dit repréfenter un conful Romain : la draperie
en eft de la plus grande manière , & indique
parfaitement le nud.
Les ftatues de bronze font en fi grand nombre
dans ce cabinet, que tout le refte de l’Europe aurait
peine peut-être à en fournir autant, & elles
font belles en général. On y remarque fur-tout
un Mercure affis, de grandeur naturelle, la plus
belle de toutes les ftatues de bronze qu’on y a trouvées
; un Jupiter, plus grand que nature ; un
Faune qui dort , grande figure en bronze ; un
Mercure ; deux lutteurs, dont l’un eft dans la
pofture d’un agreffeur, & l’autre fur la défenfir
v e , & qui font très-beaux ; un Faune iv re , placé
fur un outre de vin , de fept à huit-pieds de haut.
On en a trouvé douze pareilles dans le théâtre ;
deux figures nues, d’un tiers plus grandes que
nature : on prétend que l’une repréfente Jupiter.
Cette ftatue a eu la tête & le corps applatis
fous le poids des laves. Quoique cet accident l’ait
endommagée beaucoup , on y reconnoît .toujours
de grandes beautés : les cuiffes & lés- jambes font
bien confervées & fort.belles.
Deux confuls Romains, dont l’un avoit vrai1-
femblablement les yeux d’un autre métal, ainfi
qu’il eft aifé de s’en appercevoir par les trous qui
reftent, & où il y a tout lieu de croire qu’ils
étoient incruftés. On ne'trouve dans l’antiquité
que trop d’exemples cle ce mauvais ufage : & la
plupart de ces ftatues ont fouvent des yeux d’argent
, qui’ font un contraire défagréable, avec lé
fond prefque noir,
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Cinq ftatues de danfeufes, plus petites que nature;
trois femmes drapées; plufieurs buftes,re-
préfentant des philofophes & d’autres hommes
illuftres ; quelques fragmens d’une ftatue équeftre
de bronze, qui fait préfumer que ce devoit être
un bel ouvrage , à en juger par la tête du chev
a l , & par les jambes de l'homme, qui fubfiftent
encore.
Tous ces morceaux, tant en marbre qu’en
bronze, fe diftinguent par une compofition d’un
grand ftyle , un excellent cara&ère de deffin, &
une belle exécution.
Nous aurons bientôt occafion de remarquer que
les peintures ne font pas de la même beauté.
Tous les appartemens du cabinet dont nous parlons,
font pavés de môfaïque ancienne d’Hercula-
uum : on les tranfporte par morceaux de quatre à
cinq pieds. La dernière pièce du cabinet contient
les morceaux, dont lés lUjcts ou l’exécution ont
mérité d’être diftingués. J’y ai remarqué une figure
qui tient un tambour de bafque ; une autre
qui joue de deux flûtes à la fo is , oc un troifième
tenant des crotales. On y voit des figures à chev
a l , fans étriers & fans felles, une fimpie toile
couvre le cheval, & elle ne tient que par une fan-
gle & un poitrail.
Ces appartemens font garnis de beaux vafes
d’argent & de bronze, avec des urnes fépulchra-
le s , & des vafes de-terre Etrufque, femblables à
ceux qu’on voit à Rome dans la bibliothèque du
.Vatican, & ailleurs.
On y remarque un autel de bronze, une chaife
pliante, fella çurulis , dont les pieds font faits en
forme d’S ; le lettifternium, ou lit de parade confa-
cré aux dieux, & beaucoup d’inftrnmens qui fer-
voient aux facrifices.
Les armoires vitrées, dont ces falles font garnies
, contiennent un grand nombre de petits dieux
lares ; quelques figures panthées ou polythées, qui
fembloient les attributs de plufieurs divinités. La
variété de ces attributs dépendoit de la dévotion
des perfonnes qui les faifoient faire, pour exprimer
dans un feul objet toutes les divinités fous la pro-
teélion defquelles elles fe mettoient. Ces petits
dieux font tous de bronze, & plufieurs font d’un
très-bon goût.
Des.trépieds du plus beau travail; un fur-tout,
dont la cuvette eft portée par trois fphynx ailés,
très-bien faiîs ; un autre, qui eft auffi de bronze ,
& foutenu par trois fatyres ou efpèces de priapes
dont les caraélères des têtes font admirables , &
les attitudes pleines d’expreffion. Ce qu’il y a
de fingulier , c’eft que chacun de ces priapes
n’a qu’une oreille , une jambe & un pied , &
chaque cuiffe prend naiffance au milieu 'dm bas-
ventre.
Il y avoit auffi dans une armoire, un recueil de
-priapes d’une très-belle confervation : ils font de
bronze ; les uns de grandeur naturelle, les autres
plus petits, Çes priapes ne font p o in t , comme
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lès précêderis, les fimulacres du dieu de ce nom,
mais de fimples repréfentations de ce qui caraélé-
rife ce dieu. La plupart ont deux cuiffes & deux
pieds de lion ou d’autre animal, qui prennent leur
naiffance vers les tefticules : ils ont quelquefois
des ailes , & font enjolivés de plufieurs fon-
nettes ou grelots : on peut les lufpendre comme
des luftfes ; & pour peu qu’on les touche, ils forment
un petit carillon. Indépendamment de ces
priapes qui font en très-grand nombre, il y en a
une infinité de très-petits, qui n’ont pas plus de fix
à huit lignes de long. On prétend que. les femmes
portoient ces derniers fur elles, dans refpérance
de devenir fécondes.
J’ai vu un manche d’afperfoir qui a la figure,
d’un priape : peut-être penfoit-on qu’un meuble,
de jardinage pouvoit porter le caraélère du dieu qui
préfidoitaux jardins : un petit cadran dont le fty le
étoit de même forme.
Au refte, les villes de la Campanie, Capoue St
Baies , étoient regardées , plus que tout autre endroit
de l’Italie, comme des lieux de volupté &
de licence. Vénus étoit fpécialement honorée à
Herculanum ; .& l’on trouve les attributs de ce
i culte obfeène fur beaucoup de lampes de bronze,
| où l’imagination s’eft, épuifée dans les formes le s
plus bizarres; mais on ne les a point expofées
j dans le cabinet de Portici. Les lampes de terre
cuite, 'font en général plus modeftes.
On voit auffi dans, ce cabinet des inftrumens
d’agriculture; lés fonnettes,.qu’on attachoit au col
des beftiaux ;. les inftrumens de différens arts ,
comme les pièces pour figurer la pâte des gâteaux ;
les inftrumens de bronze , qui portent les lettres
dont on marquoit les briques. Ils auroient bien
dû, ce me feinble , faire inventer l'Imprimerie,
car plufieurs de ces lettres affemblées, n?auroient-
elles pas imprimé leur couleur fur du papier , fur
de la to ile , comme elles imprimoient leur forme
fur de la pâte ?
Des plumes de bois , des écrîtoires de forme
cylindrique, avec de l’encre dedans ; des tablettes,
fur lefquelles on éteiidoit la cire ; des inftrumens
pour unir la cire ; des poinçons ou ftyles pour
■ écrire ; des grattoirs pour effacer l’écriture ; & un
étui de bronze, qui renfermoit des ftyles.
Tous les inftrumens déménagé, toute la batterie
de cuifine, tous les uftenfilès domeftiques, fe retrouvent
dans ce mufaum: on y eût trouvé de quoi
monter une maifon complette , à cet antiquaire
paffionné, qui ne vouloit être éclairé que par les
lampes fépulcrales antiques, & qui , au lieu de
dire, une pièce de deux fols, difoit toujours un
fefterce.
Des lanternes , des candélabres, fur lefquels on
mettoit des lampes, qui ont jufqu’à cinq pieds de
haut, dont les ornemens font d’un bon genre.
Des fourneaux portatifs en bronze, d’une forme
affez ingénieufe, qui fervoient à chauffer de
l’eau dans un v a fe , & des chofe s fondes ffir un