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Gènes , -capitale de l’état, eft ancienne, forte,
r ich e , & l’une des principales d’Italie. Elle a un
archevêché & un bon port. Les églifes, les édifices
publics & les palais y font magnifiques ? les
palais fe fuivent fans être joints avec des maifons
ordinaires ; ce qui fait le plus bel effet. Cette v ille ,
floriffante par fon commerce , eft pïefqüe an milieu
de la'côte de G ênés, en partie dans la plaine , &
en partie fur une colline près de la Méditerranée ,
dans une heureufe & riante fituation, à 28 lieues
f. o. de Milan, 25 f. e. de T u r in , 26 f. o. de Parme,
45 n, o. de Florence, 90 n. o. de Rome, & 184
f. e. de Paris. Long. Suivant Salvergo, Caffini &
le père Grimaldi, 26 deg. 7 ' , v f'1 ; lau 44 deg.
2 5 ' , o " . . .
Cette v ille , autrefois capitale de là Ligurie, eft
peuplée de quatre - vingt - dix mille habitans. Les
Autriehiçns la furprirent en 1746, mais la même
année le peuple indigné de fes fers, chaffa ou maf-
facra la garnifon Autrichienne , & rétablit la ville
dans fa liberté. Les Autrichiens l’afliégèrent depuis
, mais la ville ayant été fecourue par les François,
ils furent contrains d’en lever le fiège le 3 juillet
1747. ' - j g 5
L ’afpeâ de Gènes eftimpofant, foit quon y
arrive par mer, foit par le faubourg de Saint-
Pierre-d’Arène. Le port, qui a mille toifes de diamètre,
eft fermé par deux moles oppofés, entre
Jefquels les vaiffeaux entrent dans le port. La cà-
tfiédrale, dédiée à S. Laurent, eft revêtue de mart
r e : on v conferve dans le tréfor une coupe exa-
gône de quarorze pouces & demi qu’on prétend
être d’une émeraude. L’églife de l’Annonciation,
deffervie par les Cordeliers, brillante par l’o r , les
marbres, & les peintures, eft une des plus belles de
toutel’Italie. A l’églife de Carignan on voit deux admirables
ftatues du Puje t, fcuïpteur frânçois. Celle
de Saint -Siro le cède à peine à celle de l’Annonciation
par l’éclat 8c la richefle. L ’églife de Saint-
Ambroife, qui étoit aux Jéfuites, & en général
les principales églifes de Gènes offrent aux con-
noiffeurs des tableaux des grands maîtres des différentes
écoles. Cette ville eft le fiège d’un arche- .
vêqiie.
Le palais de la république où le doge eft tenu de
réfider , eft très-vafte , mais il ne fe fait point remarquer
à beaucoup près par le mérite de l’archi-
teéhire. On ÿ voit d’exceîlens tableaux de Soli-
mène, & il s’y trouve un arfenal. Cette ville eft
iuftement renommée pour la beauté de fes palais,
entre lefquels fè diftinguent ceux de Marcellone
Durazzo , Turfi, Balbi, Brignol a , Doria, Pala-
vicini. Ces palais, & nombre d’autres, font riches
en tableaux précieux des maîtres italiens. On
admire fur-tout au palais de Marcellino Durazzo
la Magdelaine aux pieds de notre Seigneur, qui eft
ùn chef d’oeuvre de Paul Veronefe. L’Albergo eft
xm hôpital magnifique qui donne retraite à plus
de mille pauvres infirmes ou incapables de travailler.
Il y a. outre cela un confervatoire pour, trois
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cents fille s , le petit hôpital qui a environ ônzë
cents malades , & le grand hôpital qui en reçoit
ordinairement au - delà de mille , outre les en-
fans, trouvés. On remarque à Gènes les belles rue$
dites Jlradii nuova 8c flrada balbi * formées de fu~
perbes palais, mais auxquelles on défireroit plus
de largeur.
Le fénat qui gouverne la république eft compofé
de treize perfonnes , y compris le. doge qui^eft le
chef de l’état. La caméra qui décide en matierb'dô.
finances , a l’adminiftration des revenus de la république
, & elle eft- compofée de huit perfonnes,
outre les anciens doges au nombre de douze ou
quatorze. Ces deux collèges fe réunifient pour les
affaires du dehors. Ils donnent audience aux am-
baffadeurs, traitent des affaires politiques , ont le
commandement des forces militaires de la république
, & ils affemblent le confeil général quand
iis le jugent néeeflaire. Le petit confeil, compofe
de cent perfonnes,, choifit les magiftrats., décide de
la paix St de la guerre. Le grand confeil eft l’al-
femblée générale des nobles : c’eft dans ce confeil
que réfide la p.mffancefÉ|giflative , & le pouvoir fu-
prêrae ; lui feul établit les impôts, nomme le doge ,
les principaux officiers de la république, pourvoit
aux gouvernemens & autres emplois confidérables
de l’état. Vingt-deux ans fuffifent pour y avoir accès»
Les fonctions du doge 11e durent: que deux ans. II
peut être élu de nouveau, mais, il faut dix ans d’intervalle
, encore ta chofe n’eft-elle jamais, arrivée*
Pour les affaires civiles , la décifion en eft confiée,
à des juges étrangers qui fe renouvellent tous les
trois ans. Cette ville, a vu naître le fameux Chrif-
tophe Colomb. (/?.)
GENESTON , abbaye de France au diocèfe de
Nantes. Elle eft de l’ordre de S. Auguftin., & vaut
1400 liv. (/?.)
GENÈVE, ville.de Suiffe ,.jufqu’à nos jours l’ime-
des plus riches, des plus commerçantes , 8c des plus
floriffantes de l’Europe, Elle eft fituée fur le Rhône ^
à l’endroit où ce fleuve fort du lac qui pçrte aujourd’hui
fon nom , & quijùt connu autrefois fous
le nom de lac Léman. Elle eft libre & alliée des
Suiffes. La partie la plus confidérable de cette ville
eft au-delà du Rhône & en Savoie, l’autre eft dans
le pays de Vaud fur terres de Suiffe.. Cette ville eft.
bâtie fur deux' collines. D ’un côté, on jouit de la
vue du la c , de l’autre c ’eft le Rhône. Ailleurs la
vue fè promène fur une campagne riante , fur des
coteaux couverts de maifons de plaifance : à quelques
lieues les fommets toujours, glacés des A lpes
qui paroiffent des montagnes d’argent, lorf-
qu’ils font éclairés par le foleil dans les beaux
jours. Le port de Genève fur le lac , avec des jetées
; fes marchés, & fa pofition entre la France
l’Italie , & l’Allemagne , y favorifent rinduflrie &
le commerce. Elle a de beaux édifices, en petit
nombre cependant, & des promenades agréables»
Ses rues font éclairées la nuit, & l ’on a confinât
I fur. Le Rhône, une machine à pompes fort Ample *
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oui fournît de l’eau jufques aux quartiers les plus
élevés, à cent pieds de haut. Le lac eft d environ
vingt lieues de long , fur la côte fep ten tr ion a le&
de quatre lieues dans fa plus grande largeur. C eft
une efpèce de petite mer qui a fes tempêtes & qui
produit d’autres phénomènes curieux. Voy. I hifl.de
l'académie dès Sciences des années 174^ & I742" Ea
long, de Genève eft de 23 d. , 45' ; fa latit. eft de
46 d. 12'. *
Dès que le chriftianifme fut introduit dans cette
v ille , elle devint un fiège épifcopal, iùffragant de
Vienne. Au commencement du V e fiècle l’empereur
Honorius la céda aux Bourguignons, qui en furent
dépoffédés en $43 , par les rois Francs. Lorfqué
Charlemagne, fur la fin du V I I I e fiècle , alla combattre
le roi des Lombards, & délivrer le pape ,
<|ui l’en récompenfa bien par la couronne impériale
, ce prince paffa à G en è v e , & ce fut le rendez
vous général de fon armée. Cette ville fut en-
fuite annexée à l’empire Germanique j mais les empereurs
occupés des affaires que leur fufeiterent les
papes pendant plus de 300 ans, y laifferent paffer
l’autorité entre les mains de l’évêque, qui en de-
• vint prince &, feigneur. Les armoiries de Genève
'furent dès-lors mi-parties de l’aigle impérial, &
d’une clef repréfentant le pouvoir de l’églife, avec
cette devife : pofl tenebras lux. La ville a conferve
ces armes après avoir renoncé à l’églife Romaine.
Elle n’a plus de commun avec la papauté que la
clef qu’elle porte dans fon éeuflon. 11 eft même
afféz fingulier qu’elle l’ait confervée , après avoir
brifé avec tant d’éclat tous les liens qui pou-
voient l’attacher à Rome. Elle a penfé apparemment
que la devife pofl tenebras lux , qui exprime
parfaitement fori état a&uel, par rapport à la
religion, lui permettoit de ne rien changera fes
armoiries.
Quoique l’évêque jouît à Gevève des honneurs
de la fouveraineté, fon pouvoir y étoit limité par
celui des citoyens,.Les ducs de Savoie, appuyés
quelquefois pat les évêques, firent infenfiblement,
ce à différentes reprifes, des efforts pour établir
leur autorité dans cette ville ; mais elle y réfifta,
foutenue de l’alliance de Fribourg , qui n’exifte
plus aujourd’h u i, & de celle de Berne, C e fut
alors, c’eft-à-dire en 1526, que le confeil des
deux-cents fut établi. Les opinions de Calvin 8c de.
Zwingle commençoient à s’introduire ; Berne les
avoit adoptées, Genève les admit en 1535: la papauté
fut abolie , & l’évêque, qui prend toujours
le titre d'évêque de Genève, fans y avoir plus de
jurifdiélion que l’évêque de Babylone n’en a dans
fon diocèfe , eft rendent à Annec.i depuis ce
tems-là.
On voit encore entre les deux portes de Thôtel-
de-ville de Genève une infeription latine en mémoire
de l’abolition de la religion catholique. Le
pape y eft appelé l’antechrifl ; cette expr^flion que
le fanatifine de la liberté & de. la nouveauté s’eft
permife dans un fiècle encore à demi barbare,
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nous paroît peu digne aujourd’hui d’une ville aufli
philosophe.
Genève , pour défendre fa liberté contre les entre-'
prifes des ducs de Savoie, & de fes évêques, fe fortifia
encore de l’alliance de Zurich. Ce fut avec ces
fecours qu’elle réfifta aux armes de Charles-Ema-
nuel, & aux tréfors de Philippe II,,prince dont l’ambition
, le defpotifme, la cruauté, & la fuperftition
affurent à fa mémoire l’exécration de la poflérité*
Henri IV, qui avoit fecouru Genève de trois cents
foldats, eut bientôt après befoin lui-même de fes
fecours ; elle ne lui fut pas inutile dans le tems
de la ligue, & dans d’autres occafions : d^e-là font
venus les privilèges dont les Genevois joiîiffent en
France avec les Suiffes.
Ces peuples voulant donner de la célébrité â leur*
v illè , y appelèrent Calvin qui jouiffoit avec juf-
tice d’une grande réputation ; homme de lettres du
premier ordre, écrivant en latin aufli bien qu’on
peuple faire dans une langue morte, & en françois
avec une pureté fingulière pour fon tems ÿ
cette pureté* que nos habiles grammairiens admirent
encore aujourd’hui, rend fes écrits bien
fupérieurs à prefque tous ceux du même fiècle
; comme les ouvrages de MM. de Port-Royal
fe diftinguent encore aujourd’hui, par la même rai-
fon , des rapfaudies barbares de leurs adverfaires
8c de leurs contemporains. C a lv in , jurifconfulte
habile, & théologien aufli éclairé qu’il pouvoir
l’être , dreffa, de concert avec les magiftrats, un
recueil de loix civiles 8c eccléfiaftiques qui fut approuvé
en .1543 par le peuple , & qui eft devenu
le code fondamental de la république. Le fuperflu
des biens eccléfiaftiques qui fervoient avant la réforme
à nourrir le luxe des évêques & de leurs
fubaîternès, fut appliqué à la fondation d’un hôpital
, d’un collège & d’une académie ; mais les
guerres que Genève eut à foutenir pendant près
de foixante ans, empêchèrent les arts & le commerce
d’y fleurir autant que les fciences. Enfin , le
mauvais fuccès de l’efcalade, tentée en 1602 par
le duc de Savoie , a été l’époque de la tranquillité
de cette république. Les Genevois repouflerent
leurs ennemis qui les avoient attaqués par fur-;
prife ; & pour dégoûter le duc de Savoie d’en-
treprifes femblables, ils firent' pendre treize des
principaux officiers ennemis. Ils crurent pouvoir
traiter comme des voleurs de grand chemin, des
hommes qui avoient attaqué leur ville fans déclaration
de guerre ; car cette politique fingulière;
8c nouvelle , qui confifte à faire la guerre fans
l’àvoîr déclarée, n’étoit pas encore connue en
Europe ; & eût - elle été pratiquée dès - lors par
les grands états , elle eft trop préjudiciable
' aux petits, pour qu’elle puifle jamais être de leur1
goût.
Le duc Charles-Emmanuel fe voyant repouffé
& fes officiers pendus, renonça à s’emparer de
Genève. Son exemple fervit de leçon à fes fuc-
cefleurSj & depuis- ce tems cette ville n’a ceffé