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les a placées à des hauteurs convenables , pour l’objet auquel elles font
deftinées, c’eft-à dire , à la fertilifation des vaftes campagnes au travers
defquelles leur chûte & leur courant font parvenus à fe former des lits.
La Géographie phyfique doit faire connoître l’étendue, la direûion, & s il fe
p eu t, la pente de leurs baflins. C ’eft aipii que nous appelions, d après
feu M. Buache , les vaftes efpaces arrofés par les rivières qui verfent au
même fleuve, ou qui fe jetçnt dans la même mer. A in fi, pour prendre un
grand exemple , la Méditerranée occupera le centre d’un grand baflin,
borné au nord par la chaîne des montagnes d’Europe, qui s’étendent depuis
le cap de Gâte en Efpagrie, jufqu’à l’ancien Hémus dans la Rou-
melie ; & au Aid, par la chaîne de l’A tlas, & même par les montagnes de
rAbyiflnie,
Si nous eonfidérons enfuite chacun des grands fleuves que reçoit ce
baflin , & même ceux qui arrofent les autres parties du monde , nous les
verrons tous prendre leurs fources dans des montagnes plus ou moins élevees.
On peut même prefque affurer que plus le fleuve eft çqnfiderable, plus
la montagne eft haute. Nous poumons en apporter pour exemple les Alpes,
donnant naiffance au Danube, au Rh in, au Rhône, au Pp , &ç. &c. ; les hautes
montagnes de la Tartarie renferment les fourçes de YOby, du Jenijfea, de la
Lena , de \’Amur, du Hoam-Ho , &c. & ç .; les montagnes de l’Abyffinie formant
le N il ; enfin les Cordillères , d’où s’écoulent je Rio de la P lata , &
fur-tout ce fuperbe Maragnon , qui promène fes eaux l'efpaçe de douze
cents lieues de l’oueft à l’eft dans l’Amérique méridionale, & quune
troupe de femmes guerrières, fuppolées ou peut-être apperçues fur fes bords,
a fait nommer le Fleuve des Amazones, &c. &c. Tout indique donc que
les fleuves commencent dans les montagnes, que leurs lits font & doivent
toujours être au centre des baflins où fe raffemblent les eaux qui les
groffiffent depuis leurs fources jufqu’à leurs embouchures. Ce font autant
de baflins particuliers qui appartiennent à chaque pays , & que la Geo-
graphie phyfique doit d’abord faire connoître ( i) .
d e l a G é o g r a p h i e H i s t o r i q u e ' e t P o l i t i q u e ,
L a fociété foible encore, & dans un befoin prefque univerfel de to u t , a
dû accueillir avec reconnoiffance ces génies, privilégiés qui ont fait les premiers
pas dans la carrière des arts : bientôt les hommes en^ fe multipliant
le font difputé un canton plus agréable & plus fertile , dé-là les premières
guerres; ils fe font choifi des légiflateurs pour les conduire, & des chefs
courageux pour les défendre, de-là l’origine des gouvernemens & des loix,
M Nous n’avons fait qu’indiquer ici quelques objets de la Géographie phyfique ; cette partie eft ré.
fèrvée à la plume {ayante de M. ûefmarets de l’Aeadémie des bcisncçs, & fonne une des parties .de
{’Encyclopédie, - «
S U R L A G É O G R A P H I E . ix
Mais fi l’homme confidéré individuellement eft fjfceptible dé perfeâibi-
lité , les grandes fociétés elles-mêmes ont dû s’occuper aufli des moyens de
devenir plus heureufes ; ce n’a pu être qu’en comparant les faits, les tems,
les circonftances, en fe rappellant leurs fautes, & les calamités qui en ont
été les Elites; de-là les monumens antiques où font confignés les faits; delà
enfin l’hiftoire des nations.
Cependant chaque fociété en veillant à fon bonheur particulier , a dû
porter un ceil inquiet fur les états qui 1 environnoietit ; elle a du craindre,
& leur trop nombreufe population , & un accroiffement de puiffance qui
tôt ou tard pouvoir lui être redoutable ; plufieurs petites nations fe font
réunies pour réfifter aux projets ambitieux d un grand peuple : au lieu de
toujours combattre , on aura quelquefois négocié : telles font les premières
caufes de la politique.
La politique eft donc intimement liée à l’hiftoire : c’eft en quelque
forte la jurifprudence de nations ; mais, comme les autres fciences, elle a fes
principes & fes préjugés. Il ne faut point lui prêter une marche uniforme ;
elle eft peut-être plus qu’une autre l’efclave des tems, des circonftances &
des lieux. Le caraftère des peuples eft aufli varié que les opinions ; celles-
ci ne diffèrent pas moins entr’elles que les gouvernemens , & un homme
ne reffemble pas plus à un autre homme , qu’un peuple à un autre peuple
par fes moeurs , fes loix , & la forme de fon adminiftration. Ce font ces
nuances fi mobiles qu’un Géographe doit s’efforcer de faifir , & c’eft en raf-
femblant ces monumens de la fageffe & de la folie humaine , quil peut
arriver à fon b u t , qui eft de fe rendre utile. Nous n’indiquerons cependant
que les principaux traits qui appartiennent à cette partie, puifqu’elle doit
faire elle-même un article effentiel de l’encyclopédie, & doit être traitée
féparément.
La Géographie hiftorique eft celle qui , en indiquant un pays ou une
v ille , en prélente les différentes révolutions, annonce par quels princes
ces lieux ont été fucceffivement gouvernés, parle du commerce qui s y fait,
de la religion qui y eft établie , de leurs loix , des monumens anciens &
modernes , des moeurs , de la population, de la température du climat, des
productions, des lièges que les villes ont foutenus; elle indique les Conciles
qui s’y font tenus, les grands hommes qu’elles ont produits, les lieux où fe font
données les batailles fameufes : la ftature, la figure, la couleur & le carafîère
des habitans de tout pays lui appartiennent ; elle fait connoître encore les animaux
de toute efpece, foit qu’ils fe retirent au fonds des forêts, qu ils s’élèvent
dans les airs, ou qu’ils fe cachent dans les eaux.
Mais de toutes les fciences, il n’en eft guères qui foit plus dépendante
de l’inftabilité des chofes humaines que la Géographie. Les guerres, ce fléau
deftruâeur de l’humanité , vont dévorant les peuples, les nations, les em-
Géographie. Tome J. b