
6o4 F L O théologiens fiômmés par le pape poiif juger.
Mais, grâce à la fagefle du prince, ce tribunal
odieux a difparu ; il n’en exifte plus de veftiges
dans toute laTofcane. Le mois de juillet 1782 a
.Vu cette utile réforme.
Les fociétés à Florence font agréables & aifées :
'c eft une des villes d’Italie où les étrangers trouvent
le plus d’agrémens ; il y a beaucoup de vivacité,
de plaifanterie ; on y fait des épigrammes, des in-
promptus : l’on n’y voit point de jaloufie ; les
étrangers y font accueillis de tout le monde ; les
dames mêmes y obfervent des politefles & des
egards dont elles fe difpenfent en France 3 elles
donnent à un étranger la place d’honneur, qui eft
la droite, dans leur carrofte , comme ailleurs ; au
ipçâacle , le devant de la loge : on fe trouve quelquefois
par-là obligé de les accepter , dans des
circonftances où l’on aimeroit mieux ne point
wfer de ces manières obligeantes.
La ville de Florence n’eft jamais plus belle que
le jour des courfes de chevaux, qui fe font vers
la faint Jean. La courfe commence à la porte occidentale
de la ville, dans l’endroit appelé i l P r a t o ,
& finit à deux milles plus loin, vers po r ta la Croce.
Le jour de cette courfe tout le peuple eft en mouvement
; les rues font garnies de deux files de ,
carofles jufqu’à l’heure de la courfe, & toutes
les fenêtres occupées: c’eftle jour qu’il faut choifir
pour avoir une idée de la richefle de la ville, de la
Beauté des femmes & des agrémens de Florence.
Le gouverneur j placé fur une terrafle, vers le lieu
du départ, eft inftruit le premier, par les fufées
du dôme , du nom du cheval qui en eft vainqueur
: en 1765 , le grand d ia b le , cheval anglois
•de M. Alexandri, eft celui qui eut le prix ; & depuis
vingt ans il ne le manquoit prefque jamais.
Le prix confifte en une pièce de velours cifelé, à
fond d’or, de foixante brades, ou plus de trente
aunes de France, eftimées 2240liv.
* ^ es chevaux qui courent le prix font abandonnes
a eux-mêms ^ ils ont fur le dos quatre plaques
de plomb, hèrifîees de pointes qui leur piquent les
flancs & les animent de plus en plus : on apperçoit
-entre ces animaux une émulation fingulière j quel-
tjuefois même des ftratagêmes pour retarder leurs
c o n c lu r o n s .
, Une grande toile, tendue au bout de la carrière
, fert à les arrêter : l’elpace d’environ quinze
cents toifes qu’ils ont à parcourir, eft fait ordinairement
en quatre minutes, ce qui revient à trente-cinq
■ pieds par fécondé. M. de la Condamine a obfervé
^u’à Rome, le cours qui a huit cents foixante-
cinq toifes, fe parcourt en deux minutes vinet-
■ une fécondés, ce qui fait près de trente fept pieçls
Îtar fécondé. On aflitre cependant qu’en Angleterre
es chevaux en font quelquefois cinquante quatre.
■ Mémoires de tacadémie de Paris, pour 1757, pag.
93 ,-
Florence a donné fix papes à l’églife ; favoir
{Clément VIII, de la famille Aldobrandini ; Ur;
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vit yF® ’ I e ce"e des Barberinî ; & Clément
Aü , de celle de Corfini. Les trois autres, qut
font Leon X, Clément Vil & Léon XI, étoient
de la maifon de Médicis : cette dernière a eu,
Avantage de donner des pontifes
a 1 Eglife , mais encore d’avoir donné à la France
deux reines : Catherine, femme de Henri II ; &
Marie, femme de Henri IV, l’une & l’autre célèbres
dans l’hiftoire de France.
Cette ville a toujours été célèbre par l’amour des
lettres. On voit qu’en 829 , Louis le Débonnaire
ordonna que toute la Tofcane enverroit les jeunes
gens etudier a Florence. D’ailleurs, la renaiflance
des fciences en Europe, ayant, pour ainfi dire,
commence a Florence, il n’eft pas furprenant qu’on
y trouve l’origine des académies qui avoient les
iciences pour objet, & celle de la plupart des con-
noiflances humaines.
Tout le monde fait que Florence a donné les
premiers maîtres & les premiers reftaurateurs des
iciences , des belles-lettres & des arts ; le Dante,
pour la poéfie ; Machiavel, pour la politique ;
(jalileé , pour la phyfique, la géométrie , la mé~
chamque & l’aftronomie; Michel-Ange, pour la
fculpture ; Lulli, pour la mufique ; Accurfe, pour
le droit.
Ceft a Florence que la gravure eut fon berceau
, tout le monde reconnoît que la peinture
doit fes progrès a Cimabué, Florentin, né vers
1 an 1230 , &jà Giotto qui naquit près de Florence
vers lan 1276. Enfin, on fait que c’eft un Florentin
, Americ Vefpuce, qui a donné fon nom au
nouveau monde.
Florence le difpute à Bologne, pour le grand
nombre des artiftcs célèbres , & l’emporte fur
toutes les autres villes de l’Italie, & peut-être de
l’Europe même, pour celui des grands hommes de
tous les genres.
Entre les peintres célèbres, on compte Cima-
bué, dont nous avons parlé, Léonard de Vinci ,
François Bartolomeo délia Porta, André del Sarto?
Michel-Ange Buona-Rota. V oy e% É c o l e Flo rentine.
Et entre fes fculpteurs diftingués, Michel
Ange, que fes talens extraordinaires placent
à côté des plus habiles artiftes de la Grèce, Do-
natelli, Ghiberti, Bandinelli.
Quoique l’école ancienne de Florence ait produit
quantité de peintres diftingués, cependant,
dit M. Cochin, l’école de Florence a reçu fon
eclat^ des célébrés fculpteurs qu’elle a produits»
Voilà pourquoi dans cette école on s’eft principalement
& prefque uniquement attaché au clefim ,
à une correélion & à une .grandeur de formes , qui
dégénère facilement en manière : mais aufti l’on
peut dire, ajoute-t-il, à la gloire de l’école Florentine
, qu’elle a produit les plus excellons fculp-
teurs, & en plus grand nombre que toutes les
autres villes d’Italie , au contraire de la ville de
Venife, qui a donné tant de grands peintres, &
n’a point formé de fculpteurs, Il eft vrai que ces
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fculpteurs de Florence font maniérés , parce qu’ils
ont plutôt imité Michel - Ange, que la nature &
l’antique ; mais néanmoins ils font favans, corre&s
& de grand goût.
L’établiftement des académies & des fociétés
littéraires , qui fe répandit fi prodigieufement en
Italie , & enfuite dans tout le refte de l’Europe,
& qui fut la fource de l’émulation & du goût,,
dès le feizième fiècle, a commencé à Florence,
prefque dans tous les genres. Les académies de
la France , de l’Allemagne, de l’Angleterre, en
ont pris les modèles à Florence. ;En un mot ,
fciences , arts , métiers , loix Romaines mêmes,
nous devons prefque tout à Florence, la mère
dès découvertes & des établiffemens utiles à l’humanité.
' Cette ville eft furnommée Florence la b e lle , &
à très-jufte titre. De toutes les portes de la ville,
celle par laquelle on arrive de Bologne eft la plus
décorée. C’eft un arc de triomphe des plus riches,
élevé à la gloire de l’empereur François Ier, lorf-
que n’étant que grand duc, il fit fon entrée dans
cette ville avec Ion époufe Marie-Thérèfe, mère
de l’empereur Jofeph II, en 1739.
La cathédrale ou le dôme de Florence, a quatre
cents vingt-fix pieds de longueur, & trois cents
foixante-trois de hauteur, jufqifà l’extrémité de
la croix qui termine tout l’édifice. Sa fuperbe
coupole o&ogone a cent quarante pieds d’un angle
à l’autre. Elle fut conftruite par Brunellefco,
le plus célèbre architeéle de fon tems. Cette églife
eft incruftée au-dehors de marbres polis de diverfes
couleurs & en compartimens, ainfi que le pavé.
La porte de la facriftie eft en bronze, ornée de
bas-reliefs de L. Ghiberti. Nous ne parlerons point
ici des reliques de cette cathédrale, donr les plus
célèbres font un clou de la paflion , une partie de
la vraie croix , & une portion des cendres de Saint
Jean-Baptifte. La méridienne qu’on voit en cette
églife, eft le plus grand inftrument d’aftronomie
qu’il y ait au monde. M. de la Lande y a obfervé,
le 28 juin 1765 , la diftance au zénith des bords
du foleil, 20 d. 12' i5//, & de 20 d. 45' y " . C’eft
dans cette églife que l’on célébra, en 1439,
concile écuinénique, où fe fit la réunion de Té-
glife grecque avec l’églife latine ; réunion qui ne
fubfifte plus. La tour de la cathédrale eft toute incruftée
de marbres polis, rouge , noir & blanc.
Elle eft ifolée , & elle a deux cent cinquante-deux
pieds de hauteur.
Le baptiftère deftiné à la cérémonie du baptême,
pour la totalité de la ville , fut autrefois un temple
de Mars. Il eft d’une très-grande richefle , & les
portes en font de bronze, avec d’excellens bas-
reliefs.
Les rues & les places publiques de Florence
font ornées de ftatues excellentes , de bronze & de
marbre : mais il n’y a aucune place dans le monde
ornée de ftatues aufti précieufes que la place du
j’alais-VieitXp ainfi appelée de l'ancien palais dç
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la republique de Florence, qui en fait lin des or-
nemens, £ette place fe nomme encore la place du
Grand - D u c , à caufe de la ftatue équeftre de
Corne I, qui fut le premier grand-duc de Florence.
Outre , le palais & la ftatue équeftre dont nous venons
de parler, cette place eft décorée d’une belle
fontaine compofée d’un grand baftin oâogone de
marbre, au milieu duquel s’élève un Neptune co-
loft’al en marbre, debout dans une conque tirée
par quatre chevaux marins, & environné de Nymphes
& de Tritons. Au devant du palais vieux font
deux ftatues coloflales de marbre blanc, l’une de
Michel-Ange, l’autre de Bandinelli ; & la loge
qui eft à un des côtés de la place, eft un portique
orne de ftatues de bronze & de marbre , de Jean
de Bologne, de Donatelli, & de Cellini. L’énumération
des peintures & des ftatues qui décorent
l’intérieur du palais vieux, & des meubles précieux
qui s’y trouvent dans la garde-robe des grands-
ducs , nous meneroit trop loin. Pour donner
une idée de la richefle du garde - meuble , nous
dirons feulement que dans une des armoires, on
voit un devant d’autel de fix pieds de long, d’or
maflif, enrichi de pierres précieufes , fur lequel
le grand-duc Corne II eft repréfenté* à genoux ; la
tête & les mains font d’émail, &’les draperies
font exécutées en émeraudes & autres pierres précieufes
de différentes couleurs. La matière feule
monte à deux millions , & le travail en eft prodigieux.
Corne II fe propofoit d’en faire don à
l’égiife des Jéfuites de Goa ; & il l’avoit fait faire
dans la vue de l’y envoyer, fi fon fils revenoit
d’une grande maladie : fon fils mourut, & on
garda Yex voto.
. La galerie de Florence eft la collection la
plus célèbre qu’il y ait dans l’univers, de ftatues
antiques, de tableaux précieux , de productions
rares de la nature & de l’art. Cette galerie feule,
fuffiroit pour faire entreprendre le voyage de
Florence à un curieux, & pour l’y retenir long-
tems, même après avoir vu lés chef - d’oeuvres
de Rome. La defcription de cette collection eft:
commencée depuis aflez long - tems, fous le titre
de Mufeo F ior entino .W y en a déjà au moins onze
volumes in -fo l. que l’on paie environ 100 livres
de France le volume, quoique les gravures n’en
foient pas abfolument belles. Le palais qui la
renferme s’étend entre l’Arno & la place du
grand-duc. On nous difpenfera fans doute d’entrer
dans la defcription de ce mufoeum fameux,
puifqu’elle demanderoit feule un volume , à ne
parler que fommairement des objets qu’il renferme.
Le fallon le plus précieux de tous, eft celui
qu’on nomme la Tribune. C’eft une grande pièce
oCtogone, éclairée par huit fenêtres garnies de
verre de criftal oriental. Le plafond, en forme
de coupole, eft tout incrufté de nacre de perles.
C’eft-là qu’entre quelques ftatues antiques inappréciables
, fe voit la fameufe Vénus de Médicis ,
dont on a fait tant de copies, Elle eft nue -3 fa tête