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fins de toute l’Efpagne, auxquels il faut ajouter le
vin appellé Rancio qui n’eft pas un vin particulier à
unjpays, mais celui qui ayant été gardé long-tems a
pris cette faveur que l’on y recherche.
Les Sierras, ( mot que le Efpagnols employent
pour peindre les pays montuèux, dont les cimes font
lemblables aux dents d’une fcie) les Sierras , dis-
je , ou chaîne de montagnes, font en très-grand
nombre ; la Caftille nouvelle fur-tout en eft hérif-
jfée. Les principales font les Pyrénées, qui féparent
ce royaume de la France, & qui paffent, avec les
Alpes, pour les plus hautes de l’Europe. Elles n’ont
que cinq routes de communication entre les deux
peuples. La première paffe à Saint-Sébaftien, &
conduit à Saint-Jean-de-Luz ; la fécondé à Maya
dans la Navarre, & conduit à Ainhea ; la troifïème,
qui eft la grande route, pafle à Roncevaux, & conduit
à Saint-Jean-pié - de - port ; la quatrième commence
en Aragon, & va vers le côté de Com-
minges; la cinquième enfin pafle par la Catalogne
, traverfe le Rouflillon & le Languedoc. Les
autres montagnes font la Sierra de Cuença, la
Sierra de Moligna, la Sierra Nevada, la Sierra
Morena, &c. celle-ci eft la plus confidérable &
fépare la Manche de l’Andaloufie.
Vers le milieu du fiècle dernier il ne plut point
fur la Sierra Morena pendant quatorze ans , ce qui
produifit une fi grande iécherefle que toutes les
îburces tarirent, la terre s’entrouvrit en plufieurs
endroits , le feu prit aux forêts qui étoient def-
féchées , & l’embrafement devint fi furieux qu’il
fondit les mines d’or & d’argent qui étoient dans
les entrailles de la terre. On y voyoit encore,
long - tems après, des fentes & des crevafles effrayantes.
Ces montagnes fourniflent beaucoup de bois pour
la marine : on le tranfporte de l’Aragon & de la
Navarre par les petites rivières de Cinca de Sa-
imrdan , & d’Efca, lefquelles communiquent avec
l’Ebre, qui a fon embouchure vers la Méditerranée.
On y trouve aufli beaucoup de mines d’or &
d’argent : mais quoique très - abondantes-, on les
ménage comme une dernière reffource lorfque-celles
de l’Amérique feront épuifées ; il y a encore des
mines de fer, de plomb, d’étain, de vif-argent,
d’alun, de galamai, de vert dé montagne > &c. Le
criftal de roche , les amethyfies, & autres pierres
précieufes n’y font pas rares.
Quant aux fources minérales, il eft peu de provinces
où l’on ne puiffe fe flater d’en trouver. Il y
en a de chaudes dans la Galice ; fa voir, à Orenfe, à Lugo , Bagnos , Caldas dei Rey, Molgas , Cor-
tegada, & à Prifigueyro , &c. La Caftille, les provinces
de Rioja , & de Navarre , Ledefma dans le
royaume de Léon, Alhama dans celui de Grenade
, Villanueva de la Guerba, Quinto dans
l’Aragon, quelques endroits de la Catalogne, en
ont aufli de toutes les efpèces. Enfin , les eaux de
Montdragon dans le Guipufcoa, & celles de Fuente
del Çampo de Calatrava, près d’Anteque^ra, &c.
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font tres-abondantes , & très-falutaires dans beau»
coup de maladies.
On compte en Efpagne 250 rivières, dont fix
peuvent porter le nom de fleu v es ; favoir , l’Ebre
au midi, & qui fe décharge dans la Méditerranée1,
le Guadalquivir, & la Guadiana au fud-oueft ;
leTage , le Duéro & le Minhe à l’orient. Ces cinq
derniers fe jètent dans l’Océan.
Le Migno, que les Portugais écrivent le M in h o #
tire fon nom latin M in iu s , du vermillon qui fc
trouve en abondance dans fon voifinage : il a fa
fource au nord de la Galice , près d’un bourg
nomme Caflro del R e y , arrofe cette province du
nord au fud-oueft, & fe jète dans l’Océan au-def-
fus deTuy.
Le E)uéro commence dans la Vieille Caftille, près
de Soria, & principalement fort d’une montagne
nommée YOrb:on , au haut dé laquelle fe trouve
un lac où l’on ne remarque ni fource ni mouvement.
C’eft de ce lac que fort le Duéro, traverse
1 Efpagne prefque entièrement , de l’orient
a l’occident, ainfi que les royaumes de Léon 8c
de Portugal, fe jète enfin dans l’Océan , près de
Porto.
Le Tage parcourt toute la nouvelle Caftille & le
Portugal; il a fa fource fur les confins de l’Ara-
gon, dans une montagne près d'Albarazin, d’où
fortent:le Xucar & le Guadalaviar; il paffe à Tolède,
à Alcantara ^ à Santaren 8c fe jète dans la mer au-
deflhus de Lisbonne.
La Guadiana, appellée autrefois A n u s , naît dans
une vafte campagne de la Manche, nommée Campa
del M on tie l ; elle fort de certains lacs appéllés la s
Lagunas de G u a d ia n a , & prend d’abord le nom de
R io R a id e ra , fe perd un peu après entre des- rochers
& renaît par des ouvertures. qu’on appelle
Los ojos de G u a d ia n a , les yeux de la Guadiana,
d’où elle coule à Calatrava, après avoir été groflie-
par la rivière formée à Villa- Arta, des ruifleaux
de Ruz, de Xiquela & de Bedija, traverfe l’Ef- •
ftramadure, une partie du Portugal , fépare le
royaume d’Algarve de l’Andaloufie , & fe jète
dans l’Océan.
Le Guadalquivir, mot arabe qui veut dire U
grand f le u v e , a fa fource vers les confins du royau*
me de Murcie , au nord oueft , au pied d’une montagne
nommée Sierra Seguiera , traverfe toute l’An-
daloufie, pafle à Cordoue, à Séville, & fe jète
dans l’Océan à Saint-Lucar.
L’Ebre naît près des Afturies ; il a deux fources
dont la principale eft près d’un bourg nommé Fan*,
tibre , puis il côtoie la Bifcaye & la Navarre, traverfe
l’Aragon, pafle à Sarragofîe, à Toetofe, &
fe jète dans la Méditerranée du côté de l’oriênt.
Les côtes d’Efpagne font très-poiflbneufes, particulièrement
vers la Galice & l’An daloufie, où
l’on pêche beaucoup de thon, de l’efturgeon , des
lamproyes, de la fèche , du cabliau, des anchois,
&c. mais les Efpagnols entendent fi peu l’art de
la pêche, que d’après ^calcul d’Vftariz, ils açhç*
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tent du poiflen falé de l’étranger pour plus de trois
millions de piaftres par année. Il eft vrai que juf-
qu’iei fes pêcheurs ont toujours été trop expofés
aux incurfions des çorfaires Barbarefques ; à peine
fe rifquoient-ils avec leurs filets qu’ils étoient enlevés
& traînés dans l’efclavage ; les côtes même
d’Efpagne n’étoient point en fureté , 8c tous les
jours ces intrépides Maroquins alloient faire des
efclaves à plufieurs milles dans les terres. IL faut
efpérer que la marine redoutable de l’Efpagne ne
fera pas un vain objet d’oftentation, 8c qu’elle
fervira à défendre fes côtes , à protéger fon commerce
, à la grandeur enfin, &ala profpérité de
la nation..
Ce royaume n’eft pas à beaucoup près aufli peuplé
qu’il pourroit l’être ; à peine y compte - 1 - on
dix à onze millions d’ames : chofe étonnante, fi
©n compare ce nombre à ce qu’étoit l’Efpagne chez
les Romains. La terre cependant ne demande qu’à
produire, il ne lui faut que des bras , pour qu’elle
nourrifle au-delà même de vingt millions d’habi-
tans. Par le récenfement très - exad de 1768 , on
n’a trouvé que neuf millions trois cent fept mille
huit cent quatre habitans de tout âge & de tout
fexe : mais ce nombre, il eft vrai, s'eft accru depuis.
Il eft certain qu’il y a aujourd’hui une dépopulation
univerfelle fur toute l’étendue de ce
globe, fi l’on en excepte la Hollande , l’Angleterre
, la Suifle & la Chine. Dans toute l’Europe
les hommes ne font preffés que dans les lieux où
règne la liberté ; la Chine eft peut-être le feul lieu
du monde où le defpotifme n’empêche pas l’ex-
,cès de la population , parce que dans ce vafte
empire, le defpote eft le premier efclave de la loi, j
qu’il n’eft qpe le repréfentant de la loi, 8c qu il
cefle enfin d’être refpeélé lorfqu’il fait outrage à la
loi : alors dès qu’il manque à ce contrat tacite, pafle
avec fon peuple, lorfqu’au lieu d’être père il n’eft
plus qu’un tyran , de toutes parts invefti par une
nation nembreufe qui connoît fes droits, il eft feul,
ifolé, fans pouvoir ; & il ne retrouve fon autorité
qu’en reprenant des fentimens d’humanité & de
juftice : il femble que cette nation mûre & fage, en
fe donnant un maître, l’ait mis dans l’impuiflance
de faire le mal, en lui accordant un pouvoir fans
bornes pour faire le honneur de fes peuples !
I ha Chine donc feule exceptee , par-tout où
Ihomme eft efclave, & par - tout où les prêtres
ont pris trop de pouvoir, par-tout où règne une
adminiftration defpotique , ce malheureux globe
n’offre , pour ainfi dire, que des landes & des
deferts ! Voyez 1 Europe, voyez l’Afrique, voyez
plufieurs cantons del’Afie! Enfin, voyez l’Amérique
! Mais de tous les pays de l’Europe, ceux
ou la dépopulation eft le plus fenfible, c’eft l’Italie
dans plufieurs cantons , tels que ceux qui
M Panienneiit au pape , le royaume de Naples,
** 1 Efpagne dans toutes fes provinces & fes poflef-
aïons éloignées. Une foule de caufes concourent à
&§ malheur l i°,L’expulfion des Maures,en 1 6 0 9 ,
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faute politique aufli grofiière que celle de la révoca-
100 î eJ edltde Nantes, faute à jamais irréparable
pourl Efpagne parce que ces Maures étoient unena-
tion active, mduftneufe, qui excelloit dans les arts
mécaniques que détefte la fierté Efpagnole , &
parce qu avec le tems, ils enflent pu adopter la
religion du pays & des deux nations, ne faire qu’un
leul peuple. 20. La grande quantité de moines ôc
8c de religieufes , un clergé trop nombreux ,
des confréries trop riches & trop multipliées, une
foule prodigieufe de célibataires, qui tous vivent
dans une faftueufe abondance , tandis que la portion
utile de 1 état, je veux dire, le journalier & le
cultivateur, manque fouvent du néceffaire. 30. L’in-,
quifition ! par-tout où cet odieux tribunal eft établi
, il reftraint la liberté d’agir & de 'penfer, étouffe
toutes les vues grandes & utiles, fait un peuple
n- j 3/iC-riteo ? cl efclaves, nuit aux progrès de
linduflne & des arts, & par conféquent détruit
.la population, 4°. Deux maladies inconnues des
anciens, dont l’une enlève une foule de perfonnes
a tout âge, je parle de la petite vérole; l’autre,
encore plus meurtrière, attaque l’efpèce humaine
dans les moyens mêmes de fe reproduire. Ce dernier
mal quoique plus négligé en Efpagne, & plus
mtprtfable en apparence, y fait cependant des pro-
grès fourds , qm minent peu-à-peu, parce qu’il
eft répandu dans toute la mafle nationale. C’eft
principalement a cette caufe que les médecins attribuent
le peu de fécondité a Quelle des femmes
efpaçnoles. 5 . Les impôts énormes établis fur les
denrees & les matières crues, pour les fabriques
& es marchandas fûtes dans le pays ; cette faute
politique dtmrnue le nombre des. ouvriers, des
^ f e s & a c h e v é d e dépeupler les villes & les
Villages. 6 Le régime diététique des Efpagnols, qui
dott neceflàtrementcauferun defféchement des Vues
& des nerfs. En effet, ils portent à l’excès 1 ufaee
des epicertes, & particulièrement du poivre ; leius
vins font forts & brûlans, & Us boivent outre ce!
la apres le repas des vins de liqueurs qui font très-
violens, ie chocolat eft d’un ufage général, ma-
& foir; dun autre côté, ils portent au même
excès 1 ufage des chofes rafraîchiffantes qu’ils m l
lent avec ce qu ils mangent de plus échauffant, ce
qui doit caufer une grande alteration dans le phy!
Cque de la machine. 7°. Le climat; les fortes éva-
porattons caufées par les chaleurs, la grande v!-
natton qu.l y a entre les jours & les nuits Tes
vents chauds & les vents froids : aufli prefque tous
les habitans font-ils fecs & maigres ; rarement reîü
contre-t-on un homme gras & replet: mais les
aveugles y font en plus grand nombre que dan!
aucun autre pays , çe que l’on doit attribuer à une
partie des caufes que je viens.de citer. 8° L’érar-
gration immenfe des Efpagnols en A fie, en Afrique
& dans le Nouveau-Monde. Les riches galions^de
cTmaC
rageant 1 indolence naturelle des habitans, &)ei^-