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tit de chez lui comme pour aller à Aix-la-Chai
pelle oùétoit la cou r , mais il s’arrêta en chemin
au monaftere de faint Seine, d’où ilrenvoïa fes
g en s , & y embrafla la vie monaftique.. C ’étoit
l’année que le roi Charles fournit l’Italie, c’eft-
à -d ire , en 774..
Etant moine il commença à faire a fon corps
une rude guerre. Il ne fe nourriiToit que dun
peu de p a in , 8ccraignoit le v in comme un poi-
fon. Il dormoit p eu , & quelquefois fur la terre
nue. Il paffoit fouvent la nuit en prières nuds
pieds par le plus grand froid , démeuroit plu-
Îieurs jours fans rompre le iîlen c e .lla v o itle don
des larmes. Il portoit les plus méchans habits de
la communauté, & ne changeoit de tunique que
tarement, fouffrant patiemmentlavermine, qui
s’y mettoit en abondance. Il raccommodoit les
trous d e fa cu cu le , qui* étoit l’habit de deffus»
avec des pièces d’une autre couleur , ce qui le
rendoit le mépris des autres moines : qui cra-
choient fur lui, le pouffoient, 8c le traitoient
d’infenfé. L’abbé vouloit l’obliger à fe traiter
moins durement, mais il ne put fe refoudre
à lui obéir. Il difoit que la réglé de faint Benoift
étoit faite pour les commençans 8c les foi-!
bles, 8c s’efforçoit de remonter à celle de faint
Bafile 8c de faint Pacôme -, mais voïant que
cette perfection auroit peu d’imitateurs , i l revint
alaregle de faint Benoift, s’y affectionna
avec ardeur, 8e s’efforça d’y ramener fes confrères
Aïant été fait celerier, il s’acquita parfaite-;
L i v iU q ü a R à H'P S - c 1KQ.0 i e ’m e . M
jnent de c e t t e charge, 8e gagna le coeur de l’abbé:
qui étant mort au bout de cinq ans, Benoift fut
élu tout d’une voixabbe de S. Seine-Mais voïant
trop de différence entre les moeurs de ces moines
8c les fiennes : il retourna promptement en fon
pais, 8e fe retira dans une terre de fon patrimoine
fur un ruiffeau nommé Aniane. Là près d’une
chapelle de faint Saturnin, il bâtit un petit monaftere
avec quelques autres folitaires : dont le
principal fut un faint homme aveugle nommé
V itm a r , quilui avoitconfeilléde quitter lemon-
de des le commencement de fa converiîon. Benoift
fit ce premier'(établiffement vers l’an 780.
8c y paffa quelques années dans une grande pauv
r e t é , demandant à Dieu jour 8c nuitle retablif-
fement de la difcipline monaftique.
Il y a v o it : dans le voifinage trois hommes de
grande v e rtu, Attilion ,Nibridius , 8c Annien,
qui fans fçavoir la réglé, vivoient en faints religieux:
8c ayant connu Benoift, ils le prirent en
grande affeébion. On croit que Nibridius eft le
même que Nifridius , depuis abbé de la Grade
ou d’Urbion , archevêque de Narbonne. Plu-
fieurs dans les commencemens venoient avec ardeur
fe ranger fous la conduite de Benoift: mais
la nouveauté de fon genre de vie les découra-
g e o it , quand on les obligeoit à prendre le pain
au poids, 8c le v in parmefurej 8c ils rentroient
dans le monde. Benoift en fut troublé, 8c vouloit
retourner à fon monaftere, c’eft-à-dire, à
Seine. Il confulta A ttilion , à qui il avoit re-
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