
53 o H i s t o i r e E c c l e s i a s t i qti e .
Un jour Aurelius étant allé à la place publia
que , vit le martyr Jean le Marchand , que l’on
sup tiv. XUWI. promenoir par la ville , après l’avoir ruttige. Aurelius
touché de ce fpeébaele crut quil etoit fait
pour l u i , & étant rentré dans & maifon', il dit à.
fa femme : Il y a long temps que vous m exhortez
à méprifer le monde , 5c que vous me propofez
l’exemple de la vie monaftique : je crois que 1 heure
eft venue , d’afoirer à une plus grande perfection.
Vivons déformais comme frere 5c Coeur ,
| appliquons-nous à ia priere Sc nous préparons aiî
martyre. Sabigothe ravie de cette propoiition, la
reçût comme venant du Ciel. Ils avoient un lie
de parade magnifique, mais ils couchoient fepa-
rément fur des cilices : jeûnant Couvent, priant
fans ceiFe , méditant pendant la nuit les pfeaumes
qu’ils fçavoient : prenant grand foin des pauvres-
Us vifitoient les confefleurs prifonniers, entr’au-
tres Jean , le moine ifa a c , Flore & Marie : car
ceci fe pafloit avant leur martyre. Aurelius vifi-
toit les hommes , Sabigothe les femmes.
Aurelius fit alors connoiflance avec le prêtrer
Euloge ; 5c lui demanda confeil touchant ce qu’iî
devoit faire de fon bien , 5c de deux enfans, que
Dieu lui avoit donnez. Eft-il permis, difoit-il ,
de les laifler en fi bas âge expofez à être élevez;
dans la faufle religion î Laifl'erai-je mon bien „
■ fans en difpofer , pour être aufli tôt confifqué *
Euloge, après l’avoir exhorté en général à tout
quitter pour Dieu , lui confeilla denvoier Ces
enfans en lieu de fûreté , où ils fuffent élevez
L i v r e q u a r a n t e - n e u v i e ’ m e . 531
chrétiennement, 5c de vendre fon bien , pour le
diflribuer aux pauvres : à la referve d’une partie,
pour la fubfiftance des enfans. Peu de temps après
le martyre de Flore 5c de Marie , Sabigothe les
vit en fonge , vêtues de blanc , portant des bouquets
de fleurs, accompagnées de plufieûrs faints.
Que dois-je efperer, leur dit-elle, de la priere que
je vous ai faite dans votre prifon ? Serai- je aflez
heureule pour vous Cuivre par le martyre ? Vous y
êtes deftinée , dirent-ellès1 , vous l’accomplirez
dans peu : 5c nous vous donnons pour figne un
moine , que nous vous envoierons, 5c qui fouffri-
ra avec vous. Aïant raconté ce Congé à Con mari,
ils ne fongerent plus qu’à Ce préparer au martyre:
vendirent tous leurs biens, gardèrent une partie
du prix pour leurs enfans ; 5c donnèrent le refte
aux pauvres. Ils vifitoient les monafteres , pour
y recevoir des inftruétions ; principalement celui
de Tabane , où ils mirent leurs enfans fous la conduite
des religieufes : car c’étoit deux filles l’une
de neuf ans , l’autre de cinq.
Aurelius alla conCulter entr’autres Alvàr ,
qu’Euloge reconnoifloit pour fon maître , 5c qui
paflbit pour le plus grand doéteur de fon temps.
Alvar l’exhorta à bien s’éprouver , fi après avoir
refifté aux premiers tourmens , il perfevereroit
jufques à la fin ; 5c s’il cherchoit plus le mérité dii
martyre devant Dieu , que la gloire qui lui en re*-
viendroit devant les hommes.
Il arriva cependant ù Cordoue un moine de
Paleftine nommé George, qui étant né près de
y v v ij
11.
George moine
martyr,.