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roient être fouillez il nous avions touché leurs
vêtemens.
Mais quoi qu’il dife, il faut avouer que la con-
spiji.c. duite de ces martyrs de Cordouë n’étoit pas con-
sxp.ùv- f o r m e à l’ancienne difcipline. L ’éghfe de Smyrne
dans la relation du martyre de faint Polycarpe ,
Aa.s.cypr. . jqous ne ]ouons p0int ceux qui fe prefentent
d’eux mêmes ; car ce n’eft pas ce que l’évangile
nous enfeigne. Saint Cyprien difoit devant le
s»p.ttv.vh.», proconful : Notre difcipline défend que per-
56.40. fonne s’offre de lui-même. Et dans fa derniere
lettre il difoit aux fideles : Qu’aucun de vous ne
c. 60. Su p .liv .lx . fe prefente aux païens : il fufEr qu’il parle lorfqu’il
fera pris. Le concile d’Elv'ire défend de mettre
au nombre des martyrs celui qui eft tué fur la
place , pour avoir brifé des idoles. Toutefois l’autorité
de l’églife , qui a reçu tous ces martyrs de
Cordouë, & Euloge leur défenfeur v au nombre
■ des faints, doit arrêter notre jugement & nous
faire croire , comme dit faint Auguftin en pareil
i.chit, c. 16. Cas > Ç[u’clle a eu de puiflantes raifons pour les excepter
de ces réglés.
Saint Euloge traite cette queftion en deux ouvrages
, l’un intitulé memorial des martyrsg & di-
vifé en trois livre s , dont le premier ne contient
guere que la défenfe des martyrs, les deux fuivans
font leur hiftoire : l’autre ouvrage eft intitulé apologie,
& ne laiife pas de contenir à la fin l’hiftoire
de deux martyrs, qui avoient fouffert depuis qu’il
eut fait cet écrit,
Le premier, nommé Rodrigue, étoit un prêtre
L i v r e q u a r a n t e -n e u v i e ’m e . 6 1 7
né au bpurg d’Egabre , inftruit & ordonne a Cor- —
douë. I l avoit deux freres, dont l’unfc fit Müful- A n . 857.
man , ce qui lui caufoit des difputes continuelles xxxvn.
? \ . t ' \ f ’ t t Autres martyrs. avec le troifieme, quietoit demeure chrétien. Une
nuit leur querelle vint à un tel excès que Rodrigue
aïant voulu les appaifer , ils fe jetterent tous deux
fur lui , & le laiiTerent pour mort. Comme il
s’étoit mis au l i t , le frere Mufulman le fit mettre
fur un brancard , & porter dans le voifiugge,
en difant : Voici mon frere , que Dieu a éclairé j
quoiqu’il fou prêtre il a embrafle notre religion ,
& fe trouvant comme vous voïez à l’extrémité,
il n’a pas voulu mourir fans vous le déclarer.
Quelques jours après le prêtre Rodrigue étant
guen & apprenant ce qu’avoir fait fon frere l’a-
poftat, fe retira de fa maifon de campagne, dans
un autre lieu. La perfecution étoit alors violente
à Cordouë, en forte que l’on abbatit les clochers
de quelques églifes. Rodrigue aïant été obligé de
fortir du fonds de la montagne , où il étoit caché,
pour venir au marché à Cordouë : fon frere l’apoftat
le rencontra & le mena au cadi , l’accufant
d’avoir abandonné la religion de Mahomet R odrigue
nia que jamais il l’eût embraflée, & déclara
qu’il étoit non-feulement chrétien, mais prêtre.
Le cadi aïant en vain eiTaïé de l’ébranler , l’envoïa
en prifon.
Il y trouva un nommé Salomon , qui aïant
apoftafié pendant quelque temps étoit revenu à
l ’éghfe. Ils furent bien tôt unis d’une étroite amitié,
& s’exerçoientcnfemble au jeûne &c àlapriere.