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malheureux Prétendant et de ses zélés dé-
fenseurs. Il paroît que le désordre s’étoit mis
depuis quelque temps dans cette arméë brave
mais indisciplinée, et que le Prince ce joua
là n’étoit point à la tète de ses troupes.
D'ailleurs la plupart des officiers aussi bien
que les soldats étoient exténués de fatigue
et de faim. Cette petite armée étoit rangée
en bataille sur une ligne , Charles-Edouard
étoit à cinq cents pas en arrière avec un
corps de réserve, mais dès le moment où
il vit son aile droite rompue , il s’enfuit précipitamment.
D’un autre côté • l ’armée anglaise
, sous les ordres du Duc de Çum-
berland, déjà supérieure en nombre, étoit
fraîchement débarquée et parfaitement disciplinée.
Des soldats étoient encouragés par
la renommée et la bravoure personnelle de
leur chef. Ce général habile qui venoit de
quitter la Flandre où il s’étoit distingué ,
renvoya, en abordant sur les rivages de
Moray, la barque qui devoif, en cas d’une
défaite , le ramener sain et sauf à la flotte ;
montrant ainsi à ses troupes sa résolution
de vaincre ou de mourir avec elles.
Quelques-uns des hommes les plus éclairés
del’armée de Charles avoien t beaucoup blâmé
son dessein de livrer cette bataille, et sentant
que leur position étoit critique si ce n’est désespérée,
ils avoient opiné pour se retirer
derrière la Ness, en coupant après eux le
pont d Inverness, afin de se défendre ensuite
dans les montagnes où ils auroient eu en leur
faveur l’avantage du terrein , et l’appui
d’une population guerrière qui leur étoit entièrement
dévouée. Ils pensoient qu’il im-
portoit de traîner la guerre en longueur,
et que l’Angleterre ayant à combattre au dehors
et au dedans des ennemis formidables,
ne pourroil jamais envoyer beaucoup de
troupes contre eux ; qu’enfin, ils seroient
toujours libres de conclure un traité qui garantit
leurs vies et leur fortune. Mais cet
avis, le plus sage et le plus politique, ne fut
point suivi et tout fut perdu sans ressource.
Charles-Edouard avoit espéré surprendre
l’armée anglaise qui célébroit la naissance
du Duc de Cumberland, ce fut un tel aveuglement,
ou plutôt une telle fatalité qui
l ’entraîna à sa ruine. Ses ennemis ne se laissèrent
point surprendre,et ses propres troupes
saisies d’une terreur panique furent dispersées
en un instant. Quatre compagnies Iran-
fcaises qui faisoient partie de son armée