
L ’avantage qu’ont les instruments à
cordes, sur la cornemuse pour jouer la
musique gaëlique , vient de la nature
de ce dernier instrument qui > donnant
toujours des sons prolongés et même continus
, sembleroit ne pouvpir pas rendre le
mordant et l’effet sautillant qu’exige en général
cette musique ; mais les pipers ont
l ’art de corriger ce défaut , en faisant un
fréquent usage des agréments , pinces ou
cadences brisées. C ’est ce qui fait la grande
difficulté de la cornemuse et c’est à la
vaincre que consiste l’habileté des musiciens.
Ils ont certainement besoin de talent
car leurs pibrochs ou marches guerrières,
qui varient pour chaque Clan, sont de vrais
concertos, ou plutôt des variations rapides
et compliquées , dont le motif très-simple
et très-lent, se répète après chaque variation.
Les laments ou airs funèbres ressemblent
beaucoup aux pibrocks ; mais le
motif en est plus lent encore et plus lugubre.
Les airs de dause ou reels sont vifs
et animés, et le seul mérite du musicien
consiste à en bien marquer la cadence.
Aussi les grands pipers , ceux qui sont attachés
aux chefs et aux la iid s , regardent-
C 467 )
ils la musique des reels comme fort au-
dessous de leur talent, et ce n ’est qu’avec
peine, à moins d’un ordre exprès de leur
maître, qu’on parvient à leur en faire jouer.
Avec une échelle aussi imparfaite , avec
des instruments aussi grossiers, quel effet
peut produire une pareille musique ? Si
cette question , qui doit naturellement se
présenter à l ’esprit de ceux qui n'ont pas
entendu la musique gaëlique dans les montagnes
de l’Ecosse , si cette question étoit
adressée à un Chinois accoutumé à une
musique et à des instruments qui, ainsi que
nous l’avons vu , diffèrent peu de ceux des
Gaëls, et 11e leur sont certainement pas supérieurs,
le Chinois répondroit: Jugez du cas
que nous" faisons de cette musique , que les
Européens regardent comme barbare , par
le haut degré d’honneur où cet art a toujours
été parmi nous. Nos plus illustres
philosophes n’ont pas dédaigné d’employer
leur temps et leur esprit à former le système
qui la produit, et à le rattacher par des
idées mystiques et symboliques, à tout ce
qu’il y a de plus relevé dans les hautes
sciences. Nos princes les plus sages , nos
plus grands empereurs en ont fait l’objet