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avoir un bien universel pour conséquence
finale.
Mais le raisonnement simple et concluant
qui dirige à leur insçu ces prétendus
ignorants, ces hommes à préjugés , n’a -
t -il pas bien plus de force que ceux
qu’on voudroit leur opposer. Voüs nous
prouvez à merveille, peuvent-ils dire, quel
seroit le moyen le plus prompt et le plus sûr
de nous enrichir, e t , sur ce point, nous sommes
d’accord avec vous; cependant pour
parvenir à ce b u t , il nous faut commettre
■une injustice, car nous regardons comme
une injustice cVabandonner des hommes qui
ont droit à notre protection, et cet acte
répugne à notre conscience. Mais les loix
de la morale , lors même qu’elles ne se*
roient pas dictées par la religion, sont de
1 aveu même de tous les philosophes fondées
sur les bases inébranlables de la raison*
Voici donc d un côté l ’économie politique,
telle qu’on la conçoit aujourd’hui, qui nous
dit : Ne suivez que votre intérêt pécuniaire,
il vous conduira à votre plus grand bien, à
Celui de votre pays. Cependant la voix de la
morale nous crie : Ne faites pas aux autres
ce que vous ne voudriez pas qu’il vous fût
fait. N elouffez pas dans votre coeur ce sen-
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liment de commisération pour vos semblables
dans la détresse qui est le principe de
toutes les vertus sociales.
De ces deux raisonnemens q u i, sur le
même sujet, nous conduisent à des résultats
diamétralement opposés, l’un doit évidemment
être faux; lequel donc choisir? Il
n’y a pas à hésiter, nous savons par l’expérience
la plus ancienne , par le témoignage
de tous les philosophes , enfin par les
lumières de la révélation, que la morale est
intimément liée avec la nature humaine, et
qu’elle fait partie de son essence. Nous n’en
sommes pas aussi certains pour tel système
d’économie politique. Dans cet embarras nous
adoptons donc les conclusions delà morale.
Combien ne sommes-nous pas plus fondés
en raison que vous, qui nous dites au nom de
l ’économie politique qu’on ne doit pas se
laisser arrêter par un mal passager et partiel
pour atteindre un bien général et durable
( i ) , lorsque nous opposons à cette
doctrine spécieuse et dangereuse, le pré-
(i) Vo y e z Lord Selkirk on Emigration, p. i 33
et i 3 4 .
Tome I II . 18